Pro-Guaidó vs pro-Maduro

Macron, Mélenchon et Maduro. Quelles répercussions ?

Boris Lefebvre

Macron, Mélenchon et Maduro. Quelles répercussions ?

Boris Lefebvre

La politique française est partagée entre les pro-Guaidó et les pro-Maduro, entre pro-impérialistes et campistes. De Macron à Mélenchon, les positions de soutien inconditionnel à l’un ou l’autre camp sont tranchées.

Il y a les pro et les anti et ceux qui hésitent sur les récents bouleversements au Venezuela suite à la proclamation de Juan Guaidó qui s’est nommé président en exercice. Dans la gauche française, les lignes de démarcation sont très tenaces et révèlent les divergences stratégiques de ceux qui les tiennent. Mais les positions s’articulent soit autour d’un soutien inconditionnel à un Guaidó issu de la droite putchiste vénézuélienne au nom de la démocratie mais qui cache mal une volonté d’hégémonie américaine sur le pétrole vénézuélien, et ce alors que Trump menace d’une intervention militaire, soit autour d’un soutien totalement a-critique à un Maduro pour partie responsable de la crise que traverse le pays et dont le régime est marqué par des traits de bonapartisme très affirmés.

Au nom de la « démocratie »

La première position, qui fait consensus de LREM au PS et à Génération.s, peut se résumer dans les déclarations de Bernard Henri-Lévi sur la situation vénézuélienne : « Interventionnisme pour interventionnisme, l’interventionnisme le plus brutal, le plus criminel et le plus impérialiste est moins, aujourd’hui, du côté des États-Unis que de la Chine qui finance le régime assassin, de la Russie qui le protège et de Cuba qui patrouille dans la capitale ». En clair, soutien aux États-Unis et à leur ingérence permanente en Amérique latine dans la droite lignée de leurs faits d’armes au Chili en 1973. De cette position, il ressort une légitimation de l’impérialisme et de la prédation des États-Unis qui espèrent bien faire main basse sur le pétrole vénézuélien.

Mais une telle position ne peut s’exprimer aussi clairement. Il faut l’enrober des atours de la démocratie représentative et de la défense des droits de l’homme pour la légitimer. Ainsi, une vague de démocratisme s’est abattue dans les médias pour soutenir le nouveau visage de la droite vénézuélienne Juan Guaidó, soutien qu’aucun opposant en Arabie Saoudite ou au Qatar ne reçoit actuellement de la part des soi-disants défenseurs inconditionnels de la démocratie. Ainsi, la députée LREM des français de l’étranger en Amérique latine et Caraïbes, Paula Forteza, soutient, elle, que « le dialogue doit primer » et que « le régime vénézuélien doit assurer le respect de l’état de droit, des droits de l’homme et du calendrier électoral ». En clair, le processus putschiste enclenché par Guaidó, puisqu’il ne prend pas les formes du coup d’État que la droite vénézuélienne avait orchestré en 2002 contre Chavez, est parfaitement légitime parce qu’il se plie aux formes de la démocratie représentative… et aux intérêts américains.

En définitive, Macron rejoint la position de Trump et de Bolsonaro sur la question vénézuélienne sans que les atteintes à la démocratie dont ces deux chefs d’État sont responsables ne soient critiquées ni ne pèsent dans la balance pour ne pas soutenir leur homme du moment au Venezuela. En septembre dernier, le président des États-Unis n’hésitait alors pas à envisager « une option militaire si nécessaire » pour restaurer la démocratie au Venezuela.

A « gauche », Benoît Hamon, leader de Génération.s, ne se distingue guère de cette ligne lorsqu’il plaide que « la solution au Venezuela doit être le retour aux urnes, dans des conditions qui garantissent la démocratie ». Faisons donc confiance aux instances internationales dirigées sous l’égide de l’ONU pour rétablir la démocratie au Venezuela en étant aveugle aux intérêts économiques, moteurs de cette offensive libérale lancée par Guaidó. Pourtant, c’est ce même Hamon qui négociait, au nom du gouvernement Hollande, sept accords économiques avec le Venezuela en novembre 2012. En effet, quand il s’agit de décrocher le contrat de construction du métro de Caracas pour Alstom, l’accès aux champs de pétrole pour Total, ou la construction d’une usine d’assemblage automobile pour Renault, on critique moins la révolution bolivarienne.

Au nom de la souveraineté… et du bonapartisme

Dans la gauche radicale, du PCF à la FI, un seul même son de cloche : défense du « président légitime » Maduro. En défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et contre l’ingérence américaine, les prises de positions en faveur de Maduro se sont faites sans nuance voire même avec une adhésion dénuée de toute critique sur les aspects bonapartistes du régime que Chavez a mis sur pied. Jean-Luc Mélenchon s’est ainsi fait le champion de la défense du régime qui se réclame de la révolution bolivarienne en dénonçant la « tentative de coup d’État en violation de tous les principes admis jusque là dans le monde après une élection », dans un tweet daté du 23 janvier, et en fustigeant l’« écœurant vote du Parlement européen reconnaissant le putschiste président du #Venezuela », le 27 janvier. Eric Coquerel, député FI, défend une ligne souverainiste en soutien au régime de Caracas puisque « ce n’est pas seulement la question du régime Maduro qui est en cause mais la souveraineté d’un état sud américain face à l’ingérence des États-Unis ».

La position de critique de l’interventionnisme américain adoptée par la France Insoumise est tout à fait justifiée. Cependant, elle se fait par le biais d’une défense inconditionnelle du régime chaviste et de son actuel président, Maduro, sans jamais dénoncer les éléments dégradés du régime, sa corruption et sa répression. La logique retenue par Mélenchon surfe sur un anti-américanisme et un campisme qui sert de substitut à un réel internationalisme, qui n’est pas sans rappeler ses positions sur la Russie de Poutine ou la Syrie de Assad. Sans jamais, bien entendu, en appeler à une solution par en bas qui ferait entrer les masses dans la lutte.

Dans les positions exprimées sur le Venezuela, les pro-Guaidó comme les pro-Maduro font systématiquement l’impasse sur les mobilisations populaires pour sortir le pays de l’impasse dans laquelle aussi bien l’impérialisme américain que l’autoritarisme de Maduro l’ont plongé. La seule alternative pour mettre les richesses du pays au service des besoins de la population et mettre fin à l’exil de millions de vénézuéliens, c’est d’en appeler à la mobilisation des classes populaires pour défendre de véritables mesures démocratiques et contrer l’offensive réactionnaire en cours.

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