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Live de Brut

Macron drague la jeunesse pour casser son image de président autoritaire

Macron s'est exprimé durant deux longues heures sur Brut. A l'heure où la contestation contre le gouvernement fait rage et en particulier dans les rangs de la jeunesse, l'objectif du président est apparu particulièrement clair. Que ce soit sur le choix du média ou sur la forme du discours, il s'agissait de casser les critiques sur ses aspects autoritaires et de tenter de renouer le dialogue notamment auprès des jeunes spectateurs.

Simon Derrerof

5 décembre 2020

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Crédits photos : capture Brut

Changer de discours pour casser l’image d’un président autoritaire

Alors que le gouvernement est au centre d’une forte contestation autour des mobilisations engendrées par la Loi de Sécurité Globale mais aussi provoquées par une gestion erratique de la crise sanitaire, Emmanuel Macron était ce vendredi 4 décembre en opération séduction pour tenter de redorer son image. Derrière le choix du président de se faire interviewer par Rémy Buisine, journaliste molesté par des policiers lors de l’évacuation musclée du camp de migrants de la Place de la République, c’est évidemment la tentative de se placer en défenseur de la presse qu’il faut voir, alors même qu’il fait face aux critiques nombreuses sur son autoritarisme et ses lois liberticides. Durant plus de deux heures, le président de la République est revenu sur de nombreux sujets, passant des violences policières aux discriminations, de l’Islam à l’écologie, de la Chine à la précarité de la jeunesse avec toujours le même objectif : défendre son mandat et gommer son image négative et autoritaire.

Dès lors, l’interview a marqué une rupture sur la forme avec les méthodes employées ces dernières semaines par le gouvernement pour tenter de désamorcer la colère et a commencé autour de questions sur les violences policières et la Loi Sécurité Globale. Face à l’insistance des journalistes, le président a notamment fini par prononcer le terme de violences policières : « Oui, il y a des violences policières, si vous voulez que je vous le dise je le dis, je n’ai aucun problème, mais je ne veux pas donner crédit à un concept ». En guise de mesures d’affichage, Macron a par ailleurs évoqué la création « d’équipes de médiation » lors des manifestations, chargées de faire le lien entre les manifestants et les forces de l’ordre, ou encore en affirmant sa volonté de travailler « sur la transparence de l’IGPN ». Des mesures qui ne remettent en rien en cause le caractère structurellement répressif des forces de l’ordre et l’impunité policière, mais qui visent surtout à donner quelques gages. Sur l’article 24 de la Loi Sécurité Globale le président a, une nouvelle fois, tenté de s’offrir une porte de sortie à la crise en affirmant à de nombreuses reprises que « la liberté d’expression ne sera pas réduite » et que la colère repose sur une incompréhension du projet de loi.

Si les propos du président laissent ainsi transparaître un recul tactique, c’est seulement sur la forme, car au fond rien ne change. La stratégie du gouvernement est claire, redorer son image pour tenter de mettre fin à la contestation. Et si le président a admis pour la première fois l’existence de « violences policières » c’est pour mieux tenter de les expliquer autour d’un discours victimisant les policiers et insistant d’abord sur les violences subies par ces derniers. Avant de finir par expliquer être contre ce terme : « qui selon lui est "une manipulation dont le but est d’affaiblir une institution républicaine. Les policiers, policières, gendarmes s’engagent pour servir, ils ne sont pas dans un camp"

Une entreprise de communication envers la jeunesse avant tout

Dans la droite lignée d’une campagne axée vers la jeunesse depuis la fin du mouvement des gilets jaunes, campagne dans laquelle il avait joué avec peu de réussite la carte de l’écologie et de la démocratie pseudo-participative avec le grand débat puis la convention citoyenne, Macron a voulu faire de cette interview une opération de communication vers la jeunesse. Le choix du média Brut, particulièrement suivi par les 18-35 ans, n’est évidemment pas anodin et montre la tentative du chef de l’Etat de toucher une jeunesse très présente dans les dernières mobilisations et remontée contre les politiques du gouvernement.

Le Canard enchaîné révélait ainsi mercredi l’inquiétude du président face à la défiance de la jeunesse notamment dans la perspective des prochaines élections présidentielles : « On aura besoin des jeunes et des électeurs de gauche au second tour. Si la gauche ne voit pas la différence entre Le Pen et moi sur les libertés, ça peut poser problème. C’est sans doute sur ce sujet qu’on peut montrer qu’il y a une différence entre, Le Pen et nous ».

Le président de la République a d’abord souhaité gommer une posture moralisatrice qui avait pu apparaître dans le discours du gouvernement, dans lequel les jeunes ont parfois été montrés du doigt pour leur manque de respect supposé des gestes barrières. Dans la droite lignée de son discours du 14 octobre où Macron avait affirmé « c’est dur d’avoir 20 ans » ou encore que face aux « examens annulés, aux angoisses pour les formations, angoisses pour trouver un premier job, je ne donnerai jamais de leçons à nos jeunes parce que ce sont eux qui, honnêtement, vivent un sacrifice terrible », il a expliqué comprendre les jeunes qui faisaient des soirées clandestines et ne pas les juger, tout en rappelant être préoccupé par leur condition.

Il est également longtemps revenu sur les questions de l’antiracisme, de genre, de l’écologie, de la précarité souhaitant dialoguer autour des questions qui font la politisation de la jeunesse dans la période et défendre son bilan. C’est en plus fidèle allié de la jeunesse que le président s’est positionné affirmant : « ce besoin de sens de la nouvelle génération, soit transformé en engagement, je veux être un allié de cette génération pour lutter contre les discriminations, le réchauffement climatique, je veux être un allié ».

Ce qui se cache derrière c’est la peur de l’exécutif devant une génération qui se politise fortement et sur laquelle le gouvernement perd le contrôle. Que ce soit à travers les dizaines de milliers de jeunes dans les marches pour le climat, dans les manifestations réclamant justice pour Adama au printemps dernier, dernièrement contre la loi Sécurité Globale, ou encore dans la colère générée par une gestion erratique de la crise sanitaire dans laquelle la jeunesse a été la principale victime, le gouvernement voit les signes d’une génération qui lui échappe. Dans cette interview le chef de l’Etat a alterné entre la double stratégie de se poser d’une part en allié de cette génération mais aussi d’un autre côté en discutant ouvertement contre une extrême-gauche qu’il n’a cessé de criminaliser.

Derrière l’expression de manifestants « ensauvagés », les nombreuses occurrences à une extrême-gauche qui donnerait un faux sens à la question des violences policières et qui viserait la remise en question de l’Etat, en passant par les anarchistes et par les nombreuses violences de certains manifestants sur des policiers, le président s’est attelé à tout faire pour convaincre la jeunesse de ne pas se tourner vers des projets politiques alternatifs et la persuader qu’il incarne la meilleure solution. Ce qui apparaît en toile de fond, c’est la peur du gouvernement de devoir payer le prix de sa politique néolibérale et de voir cette génération se politiser et se radicaliser.

Derrière les effets d’annonce, c’est dans la rue et par le rapport de force que la jeunesse pourra gagner sur ses aspirations

Durant deux longues heures le président s’est attelé à avoir réponse à tout sans rien proposer. Face aux questions sur les violences policières, il a admis leur existence pour mieux les légitimer et sortir de son chapeau un nouveau numéro vert contre les discriminations, tout en défendant l’intervention des forces de l’ordre contre les migrants. Face aux questions sur l’écologie ou le glyphosate, l’échec n’est pas de sa faute et la responsabilité est « collective ». Comme réponse aux inquiétudes de la jeunesse, il n’a cessé de rappeler le plan d’aide Un jeune, une solution, un ensemble de mesures qui ne répondent en rien à la gravité de la situation et ne promettent que des emplois précaires à la jeunesse.

Plus largement, les beaux discours sur la beauté de la langue arabe ou sur la fierté de vivre dans un pays aux histoires multiples ne suffisent pas à cacher le climat autoritaire et islamophobe que le gouvernement a mis en marche. De la même façon, les grandes envolées lyriques sur l’importance de la laïcité ou de la liberté de la presse ne convainquent guère face aux lois liberticides ou face à la loi "séparatisme".

Le discours du président de la République n’est en aucun cas un recul sur la Loi Sécurité globale, derrière l’entreprise de communication l’objectif reste le même : renforcer les forces de répression et attaquer nos libertés. Les manifestations massives de la jeunesse contre la loi sécurité globale, contre les violences policières au printemps dernier, ou dans les manifs climat l’année précédente ont montré la force de frappe de la jeunesse organisée. Aujourd’hui plus que jamais il se pose la question d’élargir le mouvement en cours contre les lois liberticides et autour des attaques menées contre la jeunesse.

Dans une situation explosive, avec en lame de fond une crise économique dont les jeunes seront les premières victimes, ces dernières semaines ont montré la possibilité d’une victoire. Dans le discours de Macron ce n’est pas un recul qu’il faut voir, mais la peur de tout perdre. La peur de perdre tout face à une mobilisation et face à une jeunesse qui n’en peut plus. Plus que jamais il faut enfoncer le clou, dans les mobilisations et aux côtés du mouvement ouvrier, pour en finir avec cette société qui opprime selon la couleur de peau ou le genre, qui détruit notre planète et qui fait toujours payer les crises économiques aux travailleurs et à la jeunesse.


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