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Assises de la santé mentale

Macron et la détresse psychologique croissante : un numéro vert et des effets d’annonce

Très attendues par les soignants, les Assises de la Santé Mentale ont finalement accouché de demi-mesures et d'un numéro vert. Une politique criminelle lorsque l'on sait que la santé psychique d'une majeure partie de la population s'est considérablement dégradée depuis le début de l'épidémie.

Belkacem Bellaroussi

29 septembre 2021

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Les 27 et 28 septembre se tenaient les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Ce rendez-vous avait pour objectif de dresser un état des lieux de la prise en charge de la santé mentale de la population française, de l’offre de soins en psychiatrie et de l’accompagnement qui lui est proposé.

La santé mentale de la population dégringole

Ces derniers mois, avec l’isolement dû aux mesures sanitaires pour répondre à l’épidémie de Covid-19, les angoisses, ou encore les violences intra-familiales dans l’intimité des confinements, « on est passé d’une personne sur cinq touchée par ces troubles à une personne sur quatre », alerte auprès de l’AFP Rachel Bocher, chef du service psychiatrie du CHU de Nantes. Selon une étude CoviPrev, 10% des personnes interrogées ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année. Un chiffre en hausse de cinq points par rapport au niveau hors épidémie. Par ailleurs, 23% d’entre elles montrent des signes d’un état anxieux, soit 10 points de plus en comparaison avec la période d’avant Covid.

Plus que quiconque, ce sont surtout les populations fragilisées par la crise sanitaire qui ont souffert, et souffrent encore le plus, des conséquences psychiques de celle ci. La jeunesse notamment, ballottée entre précarité économique, décrochage, anxiété face à l’avenir et isolement. On parle notamment d’augmentation du risque suicidaire chez les adolescents et les jeunes adultes.

« Les suicides de jeunes sont très exceptionnels, mais ça existe, confirme le psychiatre Antoine Pelissolo chez RTL. On a plutôt des alertes, des tentatives de suicide. La prévalence a été doublée, il y a deux fois plus de tentatives de suicides chez les jeunes. »

Des enjeux à remettre les services psychiatriques en marche

Parallèlement à cette explosion de la détresse psychologique, les services psychiatrie des hôpitaux sont saturés et désorganisés. Pour Libération, un psychiatre témoignait lundi : « Les arrêts de travail des personnels non médicaux non-cadres se multiplient tellement que les normes de personnels soignants ne sont plus respectées. Pour une unité de 30 lits, il y a normalement trois infirmiers et une aide-soignante le matin, trois infirmiers l’après-midi et deux la nuit. [...] Tout le monde est épuisé. Un certain nombre de personnes ont annoncé leur départ, l’une pour ouvrir un gîte, l’autre pour s’installer en libéral. Il est fréquent qu’il y ait deux infirmiers et une aide-soignante l’après-midi et un binôme infirmier/aide-soignante la nuit. Sans compter que ce sont souvent des personnels d’autres services qui ne connaissent pas les patients. Parfois des intérimaires. ». Dans une chronique, l’ONG Amnesty appuyait ces propos : « 30 % des postes de psychiatres ne sont pas pourvus à l’hôpital, par conséquent, nous fonctionnons avec des intérimaires qui passent quelques jours dans le service et se contentent de renouveler les ordonnances ou de sédater, ce n’est pas cela la psychiatrie ! »

Le personnel soignant attendait donc Macron au tournant pour ces Assises, avec la ferme intention de lui faire entendre ses revendications et défendre une réponse de qualité à la souffrance psychique.

Une série de demi-mesures

Les enjeux étaient multiples. Notamment, le personnel soignant ainsi que les patients attendaient une amélioration de la prise en charge des consultations de psychologues par l’Assurance-maladie. Macron a annoncé la prise en charge des consultations seulement sur prescriptions médicales, quand les séances ne durent pas plus de 30 minutes et qu’elles n’excèdent pas la somme de 40 euros. Dans ce cas, elles seront remboursées à hauteur de 40 euros pour les premières puis de 30 euros pour les suivantes, pour 10 séances maximum. Mais la mesure ne concernera que les séances au tarif plafonné par le psychologue. Une demi-mesure quand on sait que les tarifs des consultations excèdent pour la plupart les 50 euros.

Alors que, selon un sondage CSA, seulement une personne sur trois en détresse psychologique a aujourd’hui accès à des soins du fait du coût que cela représente, cette mesure ne permettra ni un soin de bonne qualité, ni une démocratisation de l’accès au soin.

Mesure classique à chaque problème rencontré depuis le début du quinquennat, le gouvernement a en plus annoncé aussi la mise en place d’un numéro vert, cette fois pour la prévention des suicides. Une mesure bien insuffisante, encore une fois.

En parallèle, Macron a annoncé vouloir faire un « effort massif » pour l’hôpital, avec le renforcement des équipes de soignants à hauteur de 800 postes dans les centres médicaux psychologiques. Une mesure pas à la hauteur de l’enjeu d’après les syndicats des soignants mobilisés durant les deux jours d’Assises. « Dans les centres médico-psychologiques, qui accueillent gratuitement toute personne qui se présente, on a des délais de 4 ou 5 mois, voire un an pour les enfants !, déplore une professionnelle du CHU de Nantes. Les locaux sont trop petits, on est parfois interrompus en plein milieu d’un entretien… Il nous faut davantage d’embauches et de moyens dans ces structures publiques pour pouvoir répondre à la demande qui explose.  »

Des Assises aux allures de coup de com’ pour Macron donc, qui en a profité pour continuer de donner l’impression d’être au chevet des soignants à la faveur de ces Assises. « C’est une mascarade qui ne réglera rien, pense Thierry Creis, secrétaire du syndicat Sud santé sociaux, qui appelait à un autre rassemblement devant l’hôpital Saint-Jacques. On nous dit que la population a besoin de nous, surtout depuis le Covid, mais on ne nous donnera jamais assez de moyens pour bien s’occuper des patients. »

C’est d’une psychologie au service de la population et non plus d’un soin réservé seulement aux plus riches dont nous avons besoin. A rebours de ce que la situation réclame en terme d’urgence et de moyens pour les soignants et les victimes de violences psychologiques, Macron a donc une nouvelle fois déroulé une suite de demi-mesures qui ne permettra ni d’améliorer le parcours de soin, ni de démocratiser l’accès à celui-ci pour les populations les plus précaires.


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