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Un « projet » qui tombe à pic

Macron ou le grand recyclage des ruines du bipartisme.

Pour la première fois sous la cinquième République, aucun des candidats des deux partis traditionnels – le Parti Socialiste et la droite Républicaine – n’est parvenu à se qualifier pour le second tour. Pis, leurs scores cumulés dépassent à peine les 25 %. Emmanuel Macron, candidat rejoint autant par la droite du PS que par une partie du centre-droit à la veille du premier tour, l’a bien anticipé en voulant se présenter - « ni de droite, ni de gauche » -au-dessus du clivage partisan. Et pourtant, il n’incarne pas autre chose que l’ultime tentative pour la bourgeoisie pour maintenir son hégémonie face à l’effondrement programmé du bipartisme. C’est ce que laisse à penser les déclarations de Manuel Valls du PS, comme de Bruno Le Maire des Républicains, qui se sont dits tous deux prêts à gouverner avec Macron. Face à la dislocation du traditionnel bipartisme, le candidat d’En Marche apparaît bel et bien comme la dernière solution de la bourgeoisie et de son appareil politique qui a resserré les rangs derrière lui…

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La claque électorale qui s’est abattue sur le candidat du PS, Benoit Hamon, conséquence de cinq ans de mandat socialiste des plus impopulaires et de la fuite des caciques du PS vers le candidat d’en Marche, n’a pas réussi à profiter à la droite républicaine. Si les casseroles de Fillon ont joué un rôle non négligeable, sa candidature souffrait dès sa victoire aux primaires d’une base sociale trop restreinte, autour d’un programme de combat s’adressant principalement aux franges de la petite bourgeoisie radicalisée.

Sachant prendre le vent du sauve-qui-peut du PS et profitant des affaires de la droite, Macron a eu les coudées franches pour s’imposer comme la bouée de sauvetage d’un système politique à la dérive. Aujourd’hui favori du second tour, il apparaît comme l’ultime solution de la bourgeoisie pour maintenir son hégémonie politique face au naufrage du traditionnel bipartisme et de la fausse alternance « gauche-droite » qui a valu sous la Vème République.

Se présentant comme le candidat du renouveau, derrière un visage juvénile, un mouvement émergé il y a à peine un an, une novlangue empruntée au monde des star-ups et de l’entrepreneuriat, il a pourtant tous les atours de la bonne vieille classe politique, de gauche comme de droite, qu’il masque sous des apparences reliftées. D’abord parce que face au désastre annoncé du Parti Socialiste, renforcé par la victoire de l’aile gauche du PS à la primaire, c’est toute la droite du PS qui a quitté le navire pour soutenir le candidat d’En Marche : Le Drian, Pompili, Le Guen, Valls, jusqu’au président Hollande qui appelle dans une formule à peine masquée, à la veille du premier tour, à soutenir son poulain, le candidat d’En Marche. Ensuite parce qu’il a su, face à un candidat de la droite acculée par les affaires à répétition gagner à lui le centre droit avec le ralliement de François Bayrou. Enfin, parce que c’est toute une frange de l’électorat du PS et des Républicains qu’il a su absorber et faire accrocher à son « projet », meilleure synthèse s’il en est, des politiques néolibérales, qu’ont su mené tour à tour la droite, comme le Parti Socialiste, depuis plus de trente ans.

Le candidat d’En Marche est bien évidemment celui des banques et des médias – on compte parmi ses soutiens autant l’économiste ultralibéral Alain Minc que le fondateur d’Axa ou le propriétaire du journal Le Monde Pierre Bergé – mais aussi celui de toute une caste politique qui cherche à tout prix à se maintenir dans ce climat de « dégagisme ». Celui-ci s’est fait sentir dans les résultats du premier tour qui exprime, au-delà du candidat d’En Marche, une polarisation de l’électorat sur la gauche et sur la droite, avec 19 % pour jean- Luc Mélenchon et près de 22 % pour Marine Le Pen.

Ce sont les éléments de fracture déjà en germe au sein du PS qui ont été accélérés par l’apparition du phénomène Macron. La ligne social-libérale, incarnée par Valls et la politique de son gouvernement, a été renvoyée à son bilan désastreux lors de la primaire. Face à la pression exercée sur la droite par le candidat d’En Marche, sur la gauche par le candidat de la France Insoumise, la barque du PS, alors pilotée par Hamon, a pris l’eau. Les contradictions de l’électorat PS ont fini par éclaté, avec la concrétisation de la rupture du peuple de gauche avec le PS pour aller chez Mélenchon, et l’orientation vers Macron de l’électorat dit « social-libéral ».

À droite, dans le camp des Républicains, la décantation, plus lente, est malgré tout en cours. Avant les élections, il y avait déjà le ralliement d’une cinquantaine de conseiller ministériels de la droite vers En Marche sans que cela ne touche les principales figures de la droite, rassemblées bon an mal an, derrière leur candidat. Au lendemain du premier tour, si François Fillon, comme la plupart des caciques de la droite, a appelé à soutenir Emmanuel Macron au second tour, ce n’est pas le cas de la frange catholique des Républicains. Quand Christine Boutin a clairement appelé à soutenir Marine Le Pen, la tendance « Sens commun » liée au secteur de la « Manif pour tous » a préféré la réserve en n’appelant à voter ni pour Macron, ni pour Le Pen. Au sein de la droite républicaine également, les cartes sont en train d’être rebattues.

Avec les législatives, le ralliement de la droite derrière Macron devrait se clarifier. Avec un score inférieur à 25 % au premier tour et sans appareil politique, il est très probable que le camp d’En Marche ne parvienne pas à constituer une majorité parlementaire. Le très probable futur chef de l’État devra alors s’appuyer sur les autres formations politiques, notamment du PS mais dont les scores risquent d’être insuffisants, et alors et surtout des Républicains. Une manière pour eux de compenser le camouflet du premier tour. A ce titre, Bruno Lemaire, des Républicains, a déclaré sur le plateau de BFM-TV être en mesure « de travailler avec le gouvernement Macron ».

À en croire les déclarations de Bruno Le Maire, et celles de Manuel Valls qui, ce mardi 25 avril, a déclaré lui aussi vouloir gouverner avec Emmanuel Macron, il devient de plus en plus clair que la candidature d’Emmanuel Macron devient un paravent derrière lequel la « fausse gauche » libérale et la droite républicaine pourraient continuer à exercer le pouvoir et mettre en place les contre- réformes souhaitées par le patronat, en dépit de leurs déconfitures électorales.

Alors que la meilleure manière de ne rien changer, c’est encore de faire croire que tout change, En Marche avec Macron n’est autre que la grande lessiveuse des disqualifiés du bipartisme. Pis, la formule Macron propose de les réanimer et de les faire fusionner, révélant au grand jour cette opposition factice entre la droite et la gauche, qui ont depuis plus de trente ans menées, si ce n’est au même rythme et dans les mêmes termes, les mêmes réformes de casse des acquis sociaux, de démantèlement des services publics, qui sont les principales responsables de la montée du FN contre lequel ils voudraient aujourd’hui se faire le rempart.


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