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L'Ancien monde est toujours là

Macron sauve l’ENA, tête de proue d’un système de méritocratie à la française

Après avoir annoncé la suppression de l’ENA à l’issue du Grand Débat, l’exécutif témoigne son attachement à cette école, haut lieu des logiques méritocratiques propres à l’histoire, en France, de ce qu'Althusser nommait les “appareils idéologiques d’Etat”. Scoop : les grands corps de l’ancien monde sont bien vivants, leur âme - reproduction sociale, méritocratie, inégalités - aussi !

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Le 25 avril dernier, suite à plus d’une vingtaine d’actes d’un mouvement des gilets jaunes aux pics quasi-insurrectionnels, Emmanuel Macron prononçait dans le cadre d’une conférence de presse les conclusions d’un Grand Débat, initié 3 mois auparavant : parmi celles-ci, figurait la suppression de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). Si le mouvement des gilets jaunes s’est directement placé sur un terrain extra-parlementaire, exprimant par là sa défiance vis-à-vis du champ politique institutionnel et électoral, vouloir glisser l’ENA dans le sac du “vieux monde” -manifestement difficile à jeter-, en proposant sa suppression apparaissait pour le gouvernement comme une tentative de ne pas rester muet devant cette remise en cause. Ce rejet des institutions de la Vème république, s’est traduit par extension par le refus du mythe méritocratique et de l’élitisme républicain responsable de la nomination de la plupart des hauts fonctionnaires. Ainsi le chef de l’Etat annonçait fin avril mettre fin, ni plus ni moins, à cette école hautement symbolique, en tenant bon de préciser que “sur ce sujet, [il] ne croit pas du tout au rafistolage”.

Dix mois plus tard, et une situation politique bouleversée par une grève inédite de la RATP et de la SNCF contre la réforme des retraites longue d’une cinquantaine de jours, aussitôt après avoir reçu le rapport produit par Thiriez Frédéric, chargée de proposer des préconisations pour une refonte du système des grandes écoles de la haute fonction publique, Matignon s’est empressé de couper-court aux mesures un tant soit peu susceptible de troubler, tout à fait partiellement, la marche normale du fonctionnement des admissions et de la formation de ces “grandes” écoles. Parmi celles-ci, se trouvait par exemple la tenue d’un “concours spécial” pour les candidats “d’origine modeste”, lequel aurait eu bien des difficultés à masquer la réalité d’un milieu de la bourgeoisie qui se reproduit en vase quasi-clos. Et ce, malgré les quelques mesures de communication, les enfants de cadres et chefs d’entreprises sont les plus représentés dans ces écoles : 76% des étudiants à l’ENA sont des enfants de CSP+, 68 % à Sciences Po, ou encore 82 % à Polytechnique. A la place, l’exécutif s’efforcera, entre autres, d’étendre davantage le système de bourses et d’envisager la possibilité de réviser le nom de l’ENA par ce celui d’École d’administration publique. Ainsi, “le big bang n’aura pas lieu” ironise un haut fonctionnaire dans le journal L’Opinion. Un conseiller poursuit : “le symbole est là, l’ENA sera supprimée. Pas le principe de l’école, mais le nom”, et le journaliste conclut : “Emmanuel Macron qui, ministre de l’Economie, prônait « l’agilité » et « l’Etat en mode start-up », s’en est remis au rituel de la technocratie : une annonce, une mission, un rapport, des décisions à soupeser... et une réforme à enterrer.

Alors que les grandes écoles, dont l’ENA est l’une des têtes les plus symboliques, cristallisent en leur sein tout un ensemble de logiques méritocratiques et élitistes, qui avaient amené le sociologue Pierre Bourdieu à parler de “noblesse d’Etat”, le chef de l’Etat, lui-même issue de ces grands corps, s’efforce d’en préserver l’essence, quitte à se dédire, renforçant la défiance envers ces logiques qui s’expriment aussi à travers Parcours Sup, la loi ORE, ou encore récemment avec LPPR et les réformes du BAC Blanquer qui rencontrent aujourd’hui la colère de milliers de lycéens et de précaires de l’enseignement supérieur décidés à se battre pour pouvoir étudier sans avoir à être issue d’une famille CSP+.


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