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Vers un régime plus policier et répressif ?

Macron veut faire rentrer l’état d’urgence dans le droit commun

Macron a soumis au Conseil de défense ce mercredi 7 juin au matin un projet de loi « renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure ». Le gouvernement propose de sortir de cet état d’exception reconduit cinq fois depuis novembre 2015…pour inscrire quasiment toutes les mesures de l’état d’urgence dans le droit commun ! Un basculement dans l’état d’urgence permanent légalisé qui apparaît, quelques semaines après son investiture, comme l’un des autres « grands chantiers » de Macron : celui d’inscrire durablement dans les institutions bourgeoises tout cet arsenal ultra-sécuritaire et répressif mis en place à l’origine lors de la guerre d’Algérie.

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Crédit : Xavier POPY-POOL/SIPA

Macron avait décidé, après l’attentat de Manchester, de prolonger à nouveau l’état d’urgence décrété après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. A l’occasion, le Président avait aussi annoncé une loi pérennisant certaines mesures exceptionnelles de l’état d’urgence, et qui demeureraient en place même une fois l’état d’urgence levé « notamment pour assurer de manière durable la sécurisation des grands événements culturels, récréatifs et sportifs ». Un projet de loi qui sera présenté au Conseil des ministres du 21 juin et présenté en même temps qu’une nouvelle « posture Vigipirate » pour l’été 2017, « adaptée aux menaces ».

Après les attentats à Manchester, à Londres, l’attaque du policier à Notre Dame De Paris… Le gouvernement n’a pas tardé à s’appuyer sur une rhétorique - désormais bien rodée - pour justifier une surenchère sécuritaire et avancer un projet de loi dans les tiroirs depuis plusieurs mois. Un projet des plus inquiétants – quoi qu’en dise le gouvernement - qui promet de faire rentrer dans le droit commun les mesures de l’état d’urgence.

Alors même qu’aujourd’hui le régime d’exception est dénoncé, que les chiffres prouvent son inefficacité dans la lutte anti-terroriste, le gouvernement voudrait le légaliser. Dans un rapport du 31 mai Amnesty s’inquiétait des « restrictions de libertés » qu’engendre l’état d’urgence, l’organisation estimant que « le droit de manifester en France est menacé ».

Des associations, des organisations, des militants, des citoyens, s’inquiètent et s’insurgent également depuis plusieurs mois de l’utilisation des mesures de l’état d’urgence à des fins répressives lors des manifestations qui ont eu lieu en France ces deux dernières années. Ils sont indignés des récits qui leur sont relatés sur les conditions dans lesquelles se passent désormais les gardes à vue (et leur nombre !), les perquisitions, les interpellations… Depuis novembre 2015, nombreux sont ceux qui dénoncent le fait que l’état d’urgence aura surtout permis d’accentuer les contrôles et la répression dans les quartiers populaires, à stigmatiser les personnes musulmanes ou supposées comme tel, à réprimer les militants, et à donner plus de droits et d’armes aux forces de police. Des policiers qui aujourd’hui n’hésitent plus à brandir leur matraque, à dégainer leur arme de service, à continuer d’agresser verbalement et physiquement… Et ceci en toute impunité. Qu’en sera-t-il demain ?

Alors même que le gouvernement cherche à temporiser, selon le Monde, qui a pu consulté le texte du projet de loi « renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure » soumis au Conseil de défense ce mercredi, ce sont donc quasiment toutes les mesures de l’état d’urgence qui vont se retrouver dans le droit commun.

Ainsi, assignations à résidence, perquisitions administratives, fermeture de lieux de culte, zones de protection et de sécurité, toutes ces mesures emblématiques du régime d’exception - créé en 1955 pendant la guerre d’Algérie - et perfectionné depuis les attentats du 13 novembre 2015, devraient se retrouver dans le droit commun avec quelques modifications marginales. Au cœur du projet : la mise à l’écart de l’autorité judiciaire. Toutes les mesures seront donc l’apanage du ministère de l’intérieur et des préfets, sans l’intervention d’un juge judiciaire. Le Monde explique d’ailleurs que le projet a été seulement signé par le ministre de l’intérieur.

Il sera inscrit à l’avenir dans le code de sécurité intérieure un nouveau chapitre intitulé « surveillance et autres obligations individuelles ». L’article qui permettra de prononcer des assignations à résidence de trois mois renouvelables reprend quasiment mot pour mot les termes de l’article 6 de la loi sur l’état d’urgence : ces mesures pourront être décidées pour « toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ».

La seule modification de ce nouveau droit commun par rapport au régime d’exception est que le procureur prévenu « sans délai » d’une assignation à résidence sous l’état d’urgence sera désormais informé avant l’entrée en vigueur de la mesure.

Pour ce qui est des perquisitions administratives, il s’agit aussi d’un copié collé de l’état d’urgence. Ainsi l’exploitation des données numériques, des ordinateurs et autres téléphones portables saisis sera soumise à l’autorisation du seul juge administratif, et non d’un juge judiciaire.

Quant à la fermeture d’un lieu de culte, elle sera désormais grandement facilitée. Les préfets pourront la décider dès lors que « les propos qui y sont tenus, les idées ou les théories qui y sont diffusées ou les activités qui s’y déroulent, provoquent à la discrimination, à la haine, à la violence, à la commission d’actes de terrorisme en France ou à l’étranger, ou font l’apologie de tels agissements ou de tels actes ».

Là encore, pas besoin que l’autorité judiciaire apporte une qualification aux propos ou idées justifiants la mesure. Le texte prévoit que la fermeture d’un lieu de culte qui ne peut excéder six mois, doit être « précédée d’une procédure contradictoire dans les conditions prévues par le code des relations entre le public et l’administration ».

Mais ça ne s’arrête pas là et le texte va au-delà de ce qui a été mis en œuvre lors de l’instauration de l’état d’urgence. Le ministre de l’intérieur pourra ainsi décider de placer toute personne suspecte sous bracelet électronique.

Ce projet de loi, qui pourrait être examiné en conseil des ministres le 21 juin, en même temps que le septième projet de loi de prorogation de l’état d’urgence, jusqu’au 1er novembre, comporte également une série de mesures concernant les services de renseignement.

Une loi qui votée acterait d’un tournant important dans l’histoire du régime de l’Etat français. Cela marquerait un virage assumé vers un régime plus sécuritaire, policier et répressif, sans précédent.


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