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En marche vers la guerre sociale ?

Macron veut « gouverner par ordonnances » : pourra-t-il faire passer sa loi Travail 2 cet été ?

Le nouveau chef de l’État, Emmanuel Macron, a déjà annoncé quel sera son premier grand projet : celui de reformer le Droit du travail, et cela le plus rapidement possible, à coups d’ordonnances. Comment Macron compte-t-il s’y prendre ? Quelles résistances risque-t-il de trouver sur son chemin ?

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Il n’y aura pas d’état de grâce

Emmanuel Macron, fraichement élu président, a été accueilli pour son « premier jour » par une manifestation ce lundi 8 mai, à l’appel du collectif Front social, de sections syndicales de la CGT, de SUD, à laquelle se sont joints l’UNEF, CNT, le NPA, des anarchistes… Ce sont environ 5 000 personnes qui ont défilé dans la rue de République à Bastille. « L’ennemi public numéro 1 des travailleurs », « Macron démission », « Macron main dans la main avec le Medef », « Macron, le président des patrons »… Autant d’expressions que l’on a pu entendre dans cette manifestation pour inaugurer le quinquennat Macron. Une première pour en annoncer d’autres à venir.

Les manifestants et militants présents savent ce que Macron leur réserve : une offensive libérale en règles. Et cette offensive, le nouveau président veut qu’elle soit rapide et efficace. Ainsi, Macron, sur la fin de sa campagne, après avoir fustigé le recours au 49.3 pour faire passer la loi El Khomri, a annoncé qu’il aurait recours aux ordonnances pour lancer un ensemble de projets. Le premier dossier brûlant étant celui d’une loi Travail « XXL » introduite dès le mois de juillet.

Alors, pour celles et ceux qui ont rejeté et lutté contre la loi Travail, qui étaient loin de faire l’unanimité dans la population, l’idée d’une loi Travail « puissance 10 » passée à coups d’ordonnances, produit déjà colère et mécontentement. Depuis les résultats dimanche soir se succèdent une série d’avertissements – la manifestation ainsi que des déclarations de centrales syndicales – annonçant dès maintenant la possibilité d’un « troisième toursocial » si Macron légifère sur le Droit du travail par ordonnances.

Macron pourra-t-il gouverner par ordonnances ?

La réalité des résultats des présidentielles ce 7 mai est que Macron a été élu avec une légitimité toute relativeau regard du score en lui-même, du niveau d’abstention et de vote blanc, et du peu d’enthousiasme que sa victoire a généré. Avec cette légitimité fragile et l’inquiétude des présidentielles laissant place à celle des législatives – la question étant de savoir si Macron président aura une majorité présidentielle –on s’interroge sur les conditions dans lesquelles Macron pourra faire passer son projet de réforme du Code du travail par ordonnances.

À l’heure où le passage en force par le 49.3 de la loi El Khomri est encore frais dans les esprits, de quoi parle-t-on quand les médias aujourd’hui écrivent que Macron compte « gouverner par ordonnances » ?

La Constitution de 1958 donne au gouvernement, dans son article 38, la possibilité de contourner le processus législatif régulier, dans lequel l’Assemblée nationale comme le Sénat peuvent amender les projets ou propositions de loi avant de les voter : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État », énonce-t-il notamment. Le gouvernement, lorsqu’il fait usage des ordonnances, se passe donc de l’avis du Parlement pour légiférer sur les domaines listés à l’article 34, c’est-à-dire ceux qui relèvent de la loi. Le Droit du travail est dans la liste.

Les grandes organisations syndicales (CFDT, FO, CGT) restent discrètes pour le moment au niveau confédéral, n’appelant pas à manifester, conscientes de la difficulté qu’elles auront à mobiliser, cet été, si Macron a une majorité à l’Assemblée pour soutenir sa réforme du Droit du travail. Car même s’il demande à son gouvernement de procéder par ordonnances, le nouveau président ne pourra pas se dispenser de respecter la loi Larcher, qui impose de consulter les « partenaires sociaux » avant toute modification du Code du travail. Certains de ses proches et conseillers le mettent en garde de passer trop vite sur la phase de « négociations » et de « dialogue » avec les syndicats.

Macron devra aussi se plier deux fois au votede l’Assemblée et au Sénat. Une première fois pour faire adopter la loi d’habilitation, une seconde fois pour ratifier lesdites ordonnances. Les ordonnances « entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation », énonce l’article 38. Il faut donc que l’exécutif dispose d’une majorité solide pour lancer le processus. Le Parlement est donc consulté au début et à la fin de la procédure. D’où l’enjeu des élections législatives de juin pour Emmanuel Macron, pour lesquelles des candidats du mouvement « En marche » tenteront de remporter des sièges.

Un projet (très) périlleux pour Macron

L’affaire s’annonce donc aventureuse pour Macron, qui va chercher à tout faire pour éviter un nouveau mouvement loi Travail semblable à celui du printemps 2016. Le choix de légiférer envoi un signal clairà la fois au parlement – dont la composition reste imprécise – qu’il compte outrepasser, aux syndicats laissant entrevoir qu’il souhaiterait que les discussions soient courtes et rapides, et à la population dont, tout comme son prédécesseur, il n’a que faire des marques d’opposition à son projet.

Déjà assez impopulaire, Macron en s’attaquant au Droit du travail cet été, fera son premier test. Un test qui pourrait lui coûter cher pour ses prochaines années de gouvernance. De fait, la défiance et la colère contre les plans ultra libéraux de destruction des acquis sociaux des travailleurs, de précarité pour tous, se sont exprimées tout au long de la campagne présidentielle. Il y a à peine quelques jours de cela, lors de sa dernière prise de parole à Albi jeudi dernier, Macron a été hué par les salariés d’une verrerie qui ont juré de le « sortir par ordonnance ».

En attendant la construction d’une réponse à la hauteur des attaques que le nouveau président prépare, les législatives sont une première étape pour contester les politiques libérales annoncées et pour défendre des candidats porteurs d’un projet de luttes, anticapitaliste et révolutionnaire, seul projet capable de s’opposer réellement aux plans de Macron et de le mettre, lui et tous les autres, définitivement sur le carreau.


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