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Politique migratoire et impérialisme

Manus, Nauru et Christmas Island ou les camps de l’horreur en Australie

En 2012 l’Australie met en place des centres de rétention pour les demandeurs d’asile arrivant par bateau. Aujourd’hui, des centaines de demandeurs d’asile sont retenus sur les îles de Manus, Nauru et Christmas Island dans ces camps. Les conditions de détention font penser à celle des bagnes de l’histoire coloniale ou aux camps de concentration nazis. Maryline Dujardin

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Les médias n’en parlent pas et pourtant c’est bien un véritable drame humanitaire qui se joue sur les îles de Manus, Nauru et Christmas Island où le gouvernement australien a décidé de faire payer aux demandeurs d’asile et par la manière forte leur précarité. Dans quelques médias alternatifs australiens, les témoignages sur les conditions de vie commencent à apparaître.

Ce 29 avril, Omid, 23 ans iranien d’origine et demandeur d’asile, est mort en s’immolant pour protester contre les méthodes de détentions dans ces camps de l’horreur. Omid avait eu le malheur d’atterrir à Nauru. Beaucoup sont décédés depuis 2013 sur ces îles comme en témoigne cette longue liste. Sur ces trois îles, les conditions de « vie » sont affligeantes : plus de 1300 demandeurs d’asile y sont actuellement « détenus » pour une durée indéterminée.

Sur place, l’accès aux journalistes est interdit et les témoignages des médecins, travailleurs et ex-détenus deviennent précieux. Un médecin témoigne : « Dans l’ensemble, les conditions de détention à l’île de Manus sont extrêmement difficiles. Quand je suis arrivé au CPVP Manus Island, j’ai été considérablement affligé de ce que je voyais, et je me souviens avoir pensé que cela était semblable à un camp de concentration. » Ce même médecin pense que si les migrants sont détenus dans des conditions si misérables, c’est afin de les casser moralement et de leur faire abandonner l’idée de pouvoir un jour recevoir l’asile afin de décourager les futurs demandeurs d’asile.

Il raconte aussi le manque d’hygiène maintenu volontairement par des gardiens du camp. Dans les salles de bain, l’eau des douches est contrôlée par les gardiens, les savons personnels sont interdits, le papier-toilette doit être demandé aux gardiens, qui jouent de leur autorité sur ce genre de nécessité. Autant dire que l’humiliation est quotidienne. D’autres témoignages confirment que les conditions d’hygiène sont ignobles, et particulièrement pour les femmes pour lesquelles les serviettes hygiéniques sont distribuées au compte-goutte et à la demande. Elles sont terrifiées à l’idée d’aller aux toilettes la nuit à cause des gardiens.

Lorsque les femmes et les jeunes filles prennent leur douche, les gardiens coupent l’eau et leur demandent de se dévoiler. Des jeunes filles victimes d’agressions sexuelles n’osent pas dénoncer les gardiens par peur de représaille. Des cas d’abus sur mineurs de la part des gardiens sont également dénoncés par les parents et par des psychologues pour enfants. Les formulaires d’aide médicale sont rédigés en anglais, rendant l’accès aux soins difficile.

Aujourd’hui, certains anciens demandeurs d’asile détenus sur cette île témoignent : « Lorsque j’ai été détenu à l’île de Manus, j’ai été traité comme un animal, j’ai été torturé  ».

Sur place, nombreux sont ceux qui vivent ce cauchemar. Un film d’animation raconte le parcours de certains d’entre eux.


Début février, la communauté juridique australienne a appelé le Premier ministre Malcolm Turnbull pour mettre fin à la détention des immigrés en mer et amener tous les demandeurs d’asile et réfugiés en Australie. La Nouvelle-Zélande a même proposé d’accueillir 150 migrants. Alors pourquoi une telle situation ? Quel intérêt le gouvernement australien a-t-il à tuer à petit feu ces demandeurs d’asile ?

« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde »

« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde. » Cette rengaine que nous entendons souvent de la part de nos dirigeants les plus fascisants semble également être celle des dirigeants australiens qui instaurent, comme en Europe, des politiques migratoires à faire vomir. La réalité est celle d’un système qui refuse le partage, la répartition des richesses et des ressources. Des gouvernements qui détiennent main dans la main avec le patronat les richesses des pays et qui, voulant organiser l’inégalité, se permettent de maintenir dans des seuils de pauvreté profonds des populations entières. Cette réalité de ces trois îles, qui sont autant de bagnes modernes, est à mettre en parallèle avec Calais et toute la politique migratoire européenne visant à punir et exclure les plus démunis de ce monde. Alors nous pourrions penser que l’immigration est le mal du siècle, il s’agit de comprendre d’où viennent ces migrations, ces frontières autant marquées et fermées et de telles inégalités.

Le mal du siècle, en réalité, c’est un système économique mondial qui maintient ces inégalités pour le bonheur de quelques puissants, pour le malheur du plus grand nombre. Le mal du siècle n’est pas l’immigration mais bel et bien un capitalisme froid qui fabrique des inégalités. Inégalités globales ; pauvres d’un côté riche de l’autre, surproduction alimentaire d’un côté, famine de l’autre, trop de travail pour certains, pas assez pour d’autres.

Ce qu’il est important de saisir, c’est la volonté qu’ont nos dirigeants à criminaliser ces migrants, de quelle façon politiquement et médiatiquement ils influencent la population. Ces gouvernements qui montent des pauvres contre des encore plus pauvres, afin qu’il n’y ait pas d’alliance entre les peuples amènent à avoir peur de l’autre, à ne pas comprendre sa détresse en nous empêchant de voir que cette détresse est mondiale. En France, comme dans d’autres pays, les actes de solidarités sont même d’ailleurs fortement punis. En Australie comme en Europe, ce choix de nos dirigeants de maintenir une politique raciste démontre bien qu’ils ont peur du plus grand nombre, peur de la convergence des luttes, peur de la répartition des richesses, peur de perdre leurs avantages.

En Australie, ces trois îles que le gouvernement a transformé en camps de la mort illustrent la violence des pays impérialistes et la peur qui animent leurs dirigeants.

Ce qu’il nous faut face à des situations comme celles de Calais, de l’île de Lesbos, des îles Manus, Nauru, Christmas Island et de bien d’autres endroits, c’est refuser toute la politique migratoire meurtrière qui est menée aujourd’hui par nos dirigeants, refuser le jeu de ces gouvernements, refuser l’exclusion, la terreur et le racisme. Nous allier à ces migrants qui sont contraints de fuir leurs pays et leur témoigner la plus grande solidarité.


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