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LGBTI

Marche des Fiertés 2015. Nouvelles polémiques à l’affiche

On pensait avoir tout vu lorsqu’en 2011 l'Inter-LGBT (principale coordination d'associations et collectifs LGBT en France, hégémonisée par le Parti Socialiste au pouvoir) avait produit une affiche bleu-blanc-rouge, avec un coq et un boa rose autour de son cou, et comme mot d'ordre de la Marche des Fiertés de cette année-là « aujourd'hui on marche, demain on vote ». Après de nombreuses protestations, l'affiche avait été retirée, laissant un goût amer dans la bouche de certainEs... Cette fois-ci, l'Inter-LGBT récidive avec une affiche sans les couleurs pimpantes du drapeau national, mais pas moins ambiguë et problématique, qui en dit long sur l'horizon étroit du mouvement LGBT aujourd'hui.

Seb Scorza

19 avril 2015

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Ce n’est pas anodin que l’Inter-LGBT, qui regroupe des associations, des représentantEs de confédérations syndicales et de partis politiques (PG, PCF, EELV, entre autres), et même des collectifs LGBT d’entreprises importantes (comme EnerGay d’EDF et Gaz de France, Gare ! de la SNCF ou Embrayage de PSA), choisisse comme mot d’ordre pour 2015 : « Nos luttes vous émancipent », avec pour logo une Marianne Noire. Ce n’est pas un hasard que cette affiche arrive après les attentats de janvier et l’union nationale qui s’est ensuivi, dans un contexte de renforcement de l’exécutif, de répression accrue et d’attaques du gouvernement contre le monde du travail.

Aussitôt l’affiche dévoilée au Printemps des associations par le président de l’Inter-LGBT, plusieurs voix se sont élevées pour critiquer le contenu homo-nationaliste de l’affiche. Gwen Fauchois, ancienne vice-présidente d’Act Up, a déclaré dans Yagg : « La liste des problèmes suscités par cette affiche est longue. Mais à mon sens, il suffit de dire qu’elle est tout simplement raciste et colonialiste. » Dans le même sens, Thierry Schaffauser, co-fondateur du Syndicat du travail sexuel (Strass), a également publié une tribune dans Yagg sur cette affaire : « Soit l’Inter-LGBT assume un positionnement républicain (et sa teneur raciste) en disant clairement qu’elle emmerde ceux qui ne s’y reconnaissent pas, soit elle doit faire l’effort de comprendre que nos communautés sont riches de cultures militantes variées ».

L’argument avancé souvent par les tenantEs de la recherche d’une « respectabilité middle-class » selon Fauchois (respectabilité bourgeoise, dirions-nous), pour les LGBT, qui voudrait que « nos luttes soient communes » et que « nos divisions » nourrissent « nos ennemis communs », ne sert qu’à cacher les vraies divisions et les vraies oppositions dans la société. Effectivement, après trois ans de gouvernement PS et de promesses trahies, une chose est sûre : ce n’est pas par la stratégie de l’Inter-LGBT faite de persuasion, conciliation ou concessions aux partis de la bourgeoisie et à la morale dominante que la LGBT-phobie pourra être combattue, ou qu’on obtiendra la PMA pour toutes et la satisfaction des droits des personnes trans, entre autres. Mais le plus grave encore, c’est d’imprégner les luttes LGBT de l’universalisme républicain raciste qui repeint en rose les bombes de l’impérialisme français et qui dénonce une homophobie fantasmée qui serait spécifique aux banlieues et à la classe ouvrière.

Comme le soulignait Daniel Guérin dans Homosexualité et révolution (1983), « jamais la bourgeoisie dans son ensemble ne lèvera tout à fait l’interdit lancé contre les dissidences sexuelles. » Cela fait un moment que les revendications LGBT se heurtent à leur récupération républicaine et aux limites de la société bourgeoise. En poursuivant son institutionnalisation et en centrant ses revendications sur un secteur mieux positionné et plus stable socialement, laissant de côté les plus précaires et marginaliséEs par la société, le mouvement LGBT perdrait de sa radicalité. C’est en ce sens que l’auto-organisation des oppriméEs, de manière indépendante du gouvernement et du patronat, et leur convergence avec le monde du travail en lutte, est plus que jamais nécessaire pour faire changer de cap au mouvement LGBT et faire aboutir nos revendications.


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