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Le Front national, ennemi des opprimés

Marine Le Pen, les femmes et les LGBT

Début février, Marine Le Pen dévoilait les « 144 engagements présidentiels » de son programme. Protectionnisme, préférence nationale, fermeture des frontières, islamophobie, répression pour les quartiers populaires, etc. Tout y est. Il n’est pas difficile de démontrer que le programme du Front national est anti-populaire, ou de démontrer que les frontières, le nationalisme, le patriotisme économique, sont les ennemis des travailleurs. Pourtant, depuis quelques années, le FN et son « nouveau » visage souhaitent attirer vers eux un nouveau public avec un slogan de « défense des minorités ».

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Les dessous impérialistes de la « défense du droit des femmes »

On a de quoi s’étonner : on ne trouve que peu de choses dans le programme de Marine Le Pen sur les femmes et les LGBT. Seulement le « Point 9 » en fait mention brièvement : « Défendre les droits des femmes : lutter contre l’islamisme qui fait reculer leurs libertés fondamentales ; mettre en place un plan national pour l’égalité salariale femme/homme et lutter contre la précarité professionnelle et sociale. »

D’abord, en quoi consisterait un « plan national pour l’égalité salariale homme/femme » ? Tout au plus de la poudre aux yeux, puisqu’il s’agit de faire passer ce qui est une politique consciente du patronat pour réduire le coût de la main-d’œuvre pour un simple accident. Le temps partiel subi qui touche essentiellement les femmes, la dévalorisation des métiers féminisés ou l’écart de salaire hommes/femmes sur un même poste et avec la même qualification sont du pain béni pour les patrons. Pour mettre fin à ces inégalités, il faudrait remettre en cause les profits patronaux et plus généralement la structure de l’économie capitaliste en France. Chose qui, on peut l’imaginer, n’est pas dans le programme du Front national.

C’est plutôt dans « la lutte contre l’islamisme qui fait reculer leurs libertés fondamentales » qu’on retrouve le cœur de la politique du Front national à l’égard des femmes et des LGBT. Rien d’autre en réalité que la vieille rengaine sur les « dangers » de l’immigration et de l’Islam pour les femmes et les LGBT. Marine Le Pen avait déjà affirmé en 2016 que l’ « immigration massive » était en cause dans la régression du droit des femmes en France, en prenant des exemples qui par la suite ont été démontrés comme faux, comme les agressions lors du nouvel an en Cologne. Ce n’est donc pas la faute des gouvernements successifs qui ferment les centres IVG, la précarité qui touche principalement les femmes, ou la complaisance de la police et de la justice à l’égard des violeurs et des maris violents qui seraient à l’origine du recul des droits des femmes en France. Non, c’est l’ « immigration massive », fantasme identitaire qui vise à expliquer tous les maux et à dédouaner les principaux responsables. De plus, faisant appel à la République et à la laïcité, le programme du FN pour 2017 voudrait donc que l’Etat dévoile les femmes au nom du féminisme, c’est-à-dire de transformer les corps des femmes en une affaire d’Etat. Nous avons pourtant déjà affirmé ailleurs combien ceci est contradictoire avec tout ce pour quoi a lutté le féminisme dans le passé. Celui-ci a revendiqué haut et fort dans les années 1970 l’autonomie du corps et de la sexualité des femmes face à l’Etat et la famille patriarcale. Une leçon que les féministes sponsorisées par les institutions d’Etat et Marine Le Pen voudraient faire oublier.

Les gays votent-ils FN ?

Comme pour les femmes, depuis quelques années, Marine Le Pen a intégré les homosexuels dans ses discours de campagne. Le peu d’enquêtes statistiques qui existent sur le vote des LGBT ont montré que les couples homosexuels votent à peu près comme les couples hétérosexuels. L’enquête statistique publiée par le CEVIPOF en février 2016 montre néanmoins que le FN a été le premier parti chez les couples homosexuels lors des régionales de 2015, et que le PS a, somme toute, assez peu bénéficié du mariage pour tous. Là où une différence importante se manifeste est que 38% des hommes homosexuels ayant participé à l’enquête ont voté pour le FN en 2015, c’est-à-dire 8% de plus par rapport aux hommes hétérosexuels.

Comment expliquer ceci, malgré l’absence dans le programme de Marine Le Pen de points relatifs aux LGBT ? Une première explication tient à l’intégration des identités sexuelles et de genre dissidentes au sein du capitalisme néolibéral. Ces transformations ont rendu les identités LGBT moins subversives pour les institutions hétéronormatives, voire parfois les nourrissent et les renforcent. Cette « normalisation » des identités LGBT et la pacification de leurs revendications les rendraient plus réceptifs à des discours qui a priori vont contre leurs intérêts.
De la même manière, on peut faire aussi l’hypothèse d’un retour d’une homosexualité « de droite ». Celle-ci a toujours existé, mais elle était principalement hégémonique dans le passé, dans des milieux où le statut social permettait aux homosexuels de vivre en paix leur sexualité. Le club Arcadie était le seul espace en France dans l’après-guerre qui accueillait des « homophiles ». Il revendiquait une homosexualité « discrète » et « respectable », mais celle-ci a volé en éclats avec 1968 et tout particulièrement avec la naissance du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, des Gouines Rouges, des Gazolines, etc. Mais pourquoi est-ce que les homosexuels préféreraient voter pour Marine Le Pen et non pas pour un des deux piliers du bipartisme ? La réponse se trouve dans ce que des chercheurs ont appelé l’ « homonationalisme », c’est-à-dire la valorisation par une partie de la communauté LGBT de la « culture occidentale » et l’intégration de la rhétorique impérialiste de défense de la « civilisation occidentale » face à l’ « immigration massive ».

Tout comme pour le droit des femmes, instrumentalisé au nom de politiques racistes et du redéploiement de l’impérialisme français, les droits des LGBT sont présentés par l’extrême droite comme un « acquis de la modernité occidentale » menacés par l’immigration et l’Islam. Sarra Farris rappelle également que ce discours n’est pas une simple instrumentalisation du féminisme. Le nationalisme n’est donc pas seulement une opinion, ni une idéologie, il comporte une dimension politico-économique centrale qui a partie liée avec l’histoire des relations impérialistes entre pays dominants et pays dominés.

Les attaques de l’extrême droite contre les musulmans et les migrants ont donc quelque chose de spécifique en France, puisqu’il s’agit d’attaques contre des sujets économiques coloniaux ou post-coloniaux. Derrière « le musulman » se cache aussi un travailleur de l’armée de réserve, et derrière « la femme voilée », une salariée précaire du secteur de services à la personne. Ainsi, la « défense des droits des femmes et des LGBT » n’est, pour Marine Le Pen et le Front national, que la continuation de la politique impérialiste de la France sur le sol français. Sans surprise, ces positions sont parfaitement en accord avec la partie de son programme qui souhaite rendre à la France son rayonnement économique et militaire. Pourtant, rien n’est plus contraire aux droits des LGBT, qui n’ont rien à attendre d’une droite xénophobe et nationaliste, et qui exigent la pacification de nos revendications et leur intégration dans le cadre réactionnaire de l’impérialisme français.


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