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Campagne réactionnaire

Mayotte : des collectifs bloquent des centres de soins pour empêcher l’accès aux Comoriens

À Mayotte des collectifs « citoyens » pro-Wuambushu bloquent des centres de santé et des services hospitaliers pour y empêcher l’accès aux étrangers, bloquant également l’accès aux soins des Mahorais. Une mobilisation totalement réactionnaire à laquelle Darmanin a opposé un silence complice.

Gabriel Ichen


et Natacha Lubin

16 mai 2023

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Mayotte : des collectifs bloquent des centres de soins pour empêcher l'accès aux Comoriens

Alors que l’opération Wuambushu prévue par Darmanin pour expulser des milliers d’immigrés à Mayotte a connu différents revers, des collectifs « citoyens » à Mayotte se mobilisent pour défendre l’exécution de l’opération sur l’île. Face au refus du gouvernement Comorien d’accepter les personnes expulsées, les collectifs ont commencé à bloquer des centres de santé et des services hospitaliers pour empêcher l’accès aux soins des étrangers.

Ces « manifestations » ont commencé le 4 mai à Mamoudzou où des « collectifs citoyens » xénophobes ont bloqué le dispensaire de Jacaranda, un centre de consultations et de soins. Suite à ce blocage, le Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) avait annoncé la fermeture jusqu’à nouvel ordre du dispensaire. Derrière ce blocage de l’accès aux soins notamment contre les Comoriens, les arguments présentant les immigrés des Comores comme des « profiteurs » qui viendrait voler la place des Mahorais, vont bon train : « on va bloquer Jacaranda pour que les Comoriens ne viennent pas […] l’hôpital c’est à eux, tant que les Comores n’ouvrent pas leur port pour recevoir leurs clandestins, nous on ferme ! » explique une femme d’un collectif bloquant le lieu au micro de Mayotte la 1ère.. Le lendemain, le bureau des admissions de l’hôpital de Mamoudzou était aussi bloqué.

Le mercredi 10 mai, le journaliste Louis Witter présent sur place rapporte le témoignage d’un soignant qui explique qu’une jeune femme qui venait d’accoucher cherchait se rendre au centre de consultations et de soins de Kahani et a été chassée par les collectifs qui bloquaient les lieux.

Le lendemain, jeudi 11 mai, le centre de Dzoumogné au nord de Mayotte est bloqué à son tour par les collectifs de soutien à l’opération Wuambushu. Le lendemain des jeunes ont réagi contre le blocage en attaquant les collectifs qui empêchaient l’accès au centre de soin. Suite à ces affrontements, la direction du CHM a annoncé la mise en place du « Plan Blanc » et la fermeture immédiate du centre de soin de Dzoumogné.

Des blocages aux conséquences graves qui empêchent l’accès aux soins des immigrés mais aussi des Mahorais

Ces blocages ont pour conséquences d’empêcher les soignants de réaliser leur travail et d’apporter des soins élémentaires et d’urgence tant aux immigrés qu’aux Mahorais qui souffrent de la perturbation des services hospitaliers liée à ces mobilisations xénophobes. Et ce dans une île où la situation sanitaire est déjà critique et où le service hospitalier est plus que sous-tension.

Sébastien*, infirmier dans un centre de soin de l’île témoigne de l’impact de ces blocages sur l’organisation des services de soins et des conséquences pour les patients et la population : « Ces blocages ont des conséquences importantes pour les patients : ils interrompent des prises en charge telles que des suivis de grossesse, de diabète ou encore des traitements psychiatriques, qui nécessitent des traitements lourds et réguliers. On risque de se retrouver avec des patients sans traitement depuis des semaines, voire des mois. Ça risque également de se ressentir au niveau de la file active des patients aux urgences : ceux qui ne peuvent pas se rendre en consultation ou au dispensaire vont se rendre directement aux urgences, alors que leurs états ne relèvent pas forcément d’une urgence. Les urgences étant un service déjà ultra saturé : les soignants doivent déjà mettre des patients sur des brancards dans le couloir, car ils ont trop de patients à gérer… ».

Cette situation grave est largement dénoncée par les soignants qui se voient empêchés physiquement d’assurer des soins par ces collectifs. Un témoignage anonyme d’un soignant donné au Journal de Mayotte dénonce une situation totalement critique générée par ces blocages, « on ne peut pas soigner les patients […] Il y a, à mon sens, une mise en danger des patients et un risque sanitaire qui ne cesse de croitre de jour en jour. Il y a urgence car le système de soins pour les personnes malades ne fonctionne plus, elles risquent de mourir chez elles ». « Ce que nous redoutons le plus c’est d’avoir des malades qui arrivent à l’hôpital dans un état décompensé, sur le point de mourir sans que nous n’ayons pu les soigner. Si cela dure, d’ici deux à trois semaines nous devrons faire face à une véritable catastrophe » alerte-t-il.

Face à cette situation, des personnels soignants ont récemment exprimé leur colère contre ces blocages et une banderole a été déployée devant le CHM avec l’inscription « laissez-nous soigner ».

Le gouvernement et le préfet ferment les yeux et cautionnent les blocages

Face à ces mobilisations réactionnaires et xénophobes qui vont jusqu’à empêcher l’accès aux soins pour les habitants de l’île et demandent toujours plus de répression contre les Comoriens et les immigrés de l’île, le gouvernement français et les autorités locales à Mayotte cautionnent. Les représentants de l’État et le gouvernement ne se sont quasiment pas exprimés sur ces blocages pourtant dénoncés directement par les soignants. Interrogé par Mayotte Hebdo, le préfet de Mayotte a simplement expliqué que « on verra avec le temps comment ça va se passer ». En bref, on ferme les yeux du côté de l’État français face à ces mobilisations absolument scandaleuses qui mettent en péril la vie de la population.

Et pour cause, ces mobilisations de « collectifs citoyens » avaient démarré par des rassemblements de soutien à l’opération sécuritaire qui avaient été saluées directement par le ministre de l’intérieur et des Outre-Mer sur son compte Twitter. En effet, à l’heure où l’opération Wuambushu a connu des difficultés et des revers au démarrage, ces mobilisations réactionnaires de « collectifs citoyens » soutenues par les politiciens locaux et la bourgeoisie mahoraise sont un appui non négligeable pour Darmanin et le gouvernement.

D’autant plus que cette opération militaro-poilicière et sa violence contre les immigrés de l’île mais aussi pour les mahorais qui vivent dans les quartiers informels qui sont ciblés par les destructions pourraient susciter l’indignation notamment en hexagone où la violence du gouvernement et de sa police a été largement dénoncée. C’est pourquoi il est primordial pour le gouvernement de pouvoir véhiculer l’image d’un soutien indéfectible de la société mahoraise à cette opération xénophobe, et donc de faire taire au maximum les voix qui s’exprimeraient contre l’opération. En ce sens les menaces et les blocages des « collectifs citoyens » constituent de véritables relais objectifs de la politique du gouvernement sur l’île.

En effet, Sébastien* témoigne également des pressions extrêmement fortes qui pèsent sur toutes celles et ceux qui oseraient dénoncer et s’exprimer contre Wuambushu. « Il existe une pression générale contre les voix qui s’élèvent contre l’opération Wuambushu à Mayotte : par exemple, les rassemblements contre l’opération ne sont pas autorisés sur l’île, et les militants vivent dans la peur d’être identifiés. Il est vivement conseillé de ne pas exprimer une opinion contre Wuambushu sur les réseaux sociaux et les messages allant dans ce sens sont le plus souvent censurés des groupes locaux Facebook par exemple » explique-t-il.

Une pression directement mise en place par les directions des hôpitaux sur les personnels soignants. « Du côté des soignants, il y a en effet une consigne qui circule de ne pas communiquer auprès des journalistes si on est contre l’opération » rapporte l’infirmier.

Des pressions qui font échos aux attaques des voix les plus farouchement xénophobes et anti-Comoriens qui soutiennent Wuambushu comme la députée de Mayotte Estelle Youssouffa. Début avril la parlementaire avait traité les soignants et les associations qui avaient alertés contre les conséquences de l’opération de « droits de l’hommiste ».

Face à cette situation et alors que les opérations de destruction de bidonvilles devraient reprendre après avoir été suspendues par la justice, il y a urgence à dénoncer ces blocages réactionnaires d’hôpitaux et à se mobiliser largement contre cette opération qui aura des conséquences dramatiques tant pour les Comoriens que pour les Mahorais.


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