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Nouvelle séquence

Mid-terms aux Etats-Unis : une Amérique polarisée

Les résultats tant attendus des élections de mi-mandat sont tombés hier. En l’absence de véritable « vague bleue » anti-Trump les résultats témoignent malgré tout d’une polarisation à l’œuvre aux Etats-Unis et ouvrent une nouvelle séquence dans le mandat de Trump.

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Ceux qui étaient suspendus dans l’attente des résultats des élections de mi-mandat américaine ont de quoi être déçus. Les élections de mi-mandat, une fois n’est pas coutume, ont suscité un intérêt particulièrement fort en lien avec les incertitudes que semble faire peser la politique de Trump sur la situation étatsunienne et internationale.

Annoncées comme un véritable référendum « pour ou contre le Trump », les résultats des élections sont restés dans les clous des prévisions de la plupart des analystes, avec une victoire des Démocrates à la Chambre des Représentants, et un renforcement des Républicains au Sénat.

Pour autant, si la « vague bleue », couleur des Démocrates, annoncée par certains, n’a pas eu la portée espérée, il n’en demeure pas moins que les résultats ouvrent une nouvelle séquence dans le mandat de Trump tout en continuant d’exprimer la polarisation du pays.

Maintien des Républicains au Sénat, majorité Démocrate à la Chambre des Représentants

Dans le cadre d’une hausse de la participation de 12 points par rapport aux dernières élections de mi-mandat, passant de 37 à 49%, les résultats sont en général restés dans les clous de ce qui était prévu par la plupart des analystes.

Au Sénat, renouvelé par tiers, les Démocrates étaient mis à la défensive puisque sur les 35 sièges en jeu, 26 étaient déjà aux mains des Démocrates et 9 aux mains des Républicains. Dans ce contexte, les Républicains ont réussi à accroître leur majorité au Sénat en emportant 3 sièges dans le Missouri, l’Indiana et le Dakota du Nord, ce qui leur permet d’assurer une majorité avec 51 sièges, tandis que les Démocrates ont récupéré un siège dans le Nevada. Un score qui témoigne de la capacité de Trump à mobiliser sa base autour d’un discours anti-migrant appuyé sur l’actualité de la fameuse « caravane de migrants » venue d’Honduras.

A la Chambre des Représentants, réélue dans son entièreté, les Démocrates ont en revanche réussi à obtenir une majorité, récupérant 26 sièges aux Républicains dépassant ainsi la majorité requise de 218 sièges. Une victoire en deçà de l’espoir de voir surgir une « vague bleue », la couleur des Démocrates, anti-Trump, qui restera marquée par la défaite de candidats démocrates stars tels que Stacey Abrams en Géorgie, Andrew Gillum en Floride ou encore Beto O’Rourke au Texas.

Pour autant, si la reconquête d’une majorité par les Démocrates apparaît comme une situation fréquente pour un parti d’opposition aux élections de mi-mandat et que le score demeure limité, ces résultats n’en restent pas moins importants. En effet, cette nouvelle situation ouvre une nouvelle période dans le mandat de Trump.
Vers une période de paralysie sur le terrain des réformes ?

Le Président Américain se voit désormais menacé de paralysie sur le terrain des réformes, la Chambre des Représentants pouvant à tout moment mettre en échec les propositions du gouvernement, qu’il s’agisse du démantèlement de l’Obamacare ou encore de la promulgation de nouvelles baisses d’impôts. Une situation dont ont bien conscience les Républicains, à l’image des journalistes de Fox News qui ont appelé les Démocrates à faire preuve de « responsabilité ».

La politique de protectionnisme et de guerre commerciale assumée par Trump depuis le début de son mandat ne devrait quant à elle pas être affectée par les élections de mi-mandat puisque celle-ci, il convient de le rappeler, a reçu le soutien d’une partie des Démocrates, et qu’elle ne dépend quasiment pas des votes à la Chambre des Représentants.

En revanche, les Démocrates disposent désormais de la possibilité de mener des enquêtes qui pourraient jouer un rôle dans l’affaiblissement de Donald Trump, toujours soupçonné de collusions avec la Russie dans le cadre de la dernière campagne présidentielle. En ce sens, les Démocrates pourraient jouer sur leur nouveau pouvoir pour bloquer Trump sur le champ des réformes tout en le déstabilisant politiquement.

Surtout, en cas de révélations politiques ils pourraient entreprendre une procédure d’impeachment pour destituer le président, une menace toutefois nuancée autant par la division des Démocrates sur le sujet que par la nécessité de trouver une majorité au Sénat pour mener à bien un tel processus.

Malgré ces éléments, la situation reste ouverte pour Trump. D’abord la situation économique reste très clémente pour le président avec une croissance proche des 4%, bien qu’en baisse ce semestre, et un chômage contenu. Ensuite, celui qui vise la réélection en 2020 pourrait choisir de s’appuyer sur l’obstruction parlementaire des Démocrates pour justifier des réformes limitées. Enfin, la nécessité de dialoguer avec les franges modérées des Démocrates pour passer des lois pourrait permettre à Trump de se « représidentialiser » avant les prochaines présidentielles.

Outre ces conséquences plus immédiates, les résultats électoraux mettent en avant la polarisation des Etats-Unis. En particulier, le profil d’un certain nombre d’élus et d’élues issus des minorités souligne la façon dont les outrances de Trump alimentent en retour la mobilisation de ce secteur des américains.

Socialistes, femmes et minorités au Congrès : un scrutin historique

Avec près de 500 femmes qui se présentaient aux élections et 100 élues, ces élections ont été marquées par de véritables records en ce qui concerne les minorités, souvent soumis à la vindicte sexiste et raciste de Trump.
Ilhan Omar et Rashida Tlaib ainsi que Deb Haaland and Sharice Davids deviennent ainsi respectivement les premières femmes musulmanes et les premières femmes amérindiennes au Congrès, tandis que Jared Polis devient le premier homme ouvertement gay à être élu gouverneur.

A l’échelle des Etats, Verónica Escobar y Sylvia García deviennent les premières femmes latino-américaines à représenter le Texas au Congrès, tandis que Debbie Murcasel-Powell, d’origine équatorienne, s’impose en Floride. De son côté, la républicaine Marsha Blackburn devient la première sénatrice de l’histoire du Tennessee.

En outre, comme le note Mediapart, deux candidates femmes, racisées et socialistes du Democratic Socialists of America, une organisation située à la gauche du Parti Démocrate dont est proche Bernie Sanders, font leur entrée au Congrès. Alexandria Ocasio-Cortez, qui avait créé la surprise en emportant les primaires démocrates quelques mois plus tôt, apparaît ainsi à 29ans comme l’une des révélations de ces élections.

Quelques semaines après l’attentat antisémite de Pittsburgh, la nomination du juge Kavanaugh ou encore les attentats déjoués visant des Démocrates et leurs soutiens, les résultats de ces candidats issus des minorités et/ou progressistes apparaissent ainsi comme l’envers d’une polarisation politique dont, jusqu’ici, seules les conséquences sur la droite étaient apparues au grand jour.
S’ils restent minoritaires, défendent au mieux un programme social-démocrate de relance keynésienne et de taxation du capital, et restent fortement encadrés par l’appareil du Parti Démocrate, ils n’en restent pas moins un phénomène notable. Au point où la Maison Blanche n’a pas hésité, avant les élections, à jouer sur la peur des « rouges » pour affaiblir le Parti Démocrate en publiant un rapport économique sur les risques du socialisme, amalgamant les Démocrates aux DSA et le DSA au parti bolchévique… ! Une caricature qui en dit long sur les fantômes que réveillent malgré eux les membres du DSA et sur le spectre d’une polarisation plus aigüe encore.

Si la radicalité de l’opposition à Trump tient encore pour le moment du fantasme, les grèves des enseignants et des salariés des fast-foods pour obtenir de meilleures conditions de travail, le mouvement BlackLivesMatter et la mobilisation des femmes, laissent cependant espérer que la dynamique des travailleurs et des mouvements sociaux permette de construire un front d’opposition à Trump. A condition cependant que ces mouvements ne soient pas tout bonnement captés par le Parti Démocrate, rougi pour l’occasion, et canalisés sur un terrain électoraliste.


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