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Vers le deuxième round

Mobilisation dans la jeunesse : où en est-on ?

Alors que les vacances viennent de commencer en région parisienne et à Toulouse, ce lundi était jour de rentrée à Rennes 2. Et, quelques heures à peine après l'ouverture de la fac, un millier d'étudiant-e-s étaient déjà en assemblée générale, preuve pour celles et ceux qui en doutaient encore que le mouvement n'est pas en train de s'éteindre du fait des vacances. Il est vrai, néanmoins, qu'une première dynamique ascendante, vers le tous ensemble, a été cassée en mars. Alors, quelle est la dynamique et quelles sont les perspectives un mois et demi après le début de la mobilisation ? Guillaume Loic

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Comment la tendance à la grève générale a été coupée

Le 9 mars au soir, la question de la convergence, de la grève générale, était ouvertement posée, sans évidemment n’être en rien résolue. Le phénomène de masse qui avait émergé sur les réseaux sociaux, et le départ rapide de la mobilisation sur les facs et les lycées, avaient contraint les directions syndicales à appeler à cette journée, et suscité une forte aspiration à ce qu’elle ne soit qu’un début. D’autant que les cheminots se trouvent face à une attaque d’ampleur contre leur statut. Mais, en quelques jours et semaines, le gouvernement a su détricoter cette possibilité, en s’appuyant sur une intersyndicale qui n’a préparé sérieusement qu’une seule journée depuis le début du mouvement (le 31 mars), et encore en bataillant pour que rien ne dépasse la grève « carrée » de 24h. D’abord, il a récupéré le soutien de la CFDT, trop pressée de trahir. Puis il a concédé une broutille salariale aux fonctionnaires, pour obtenir de leurs grandes organisations syndicales qu’elles décommandent la grève du 22 mars. Enfin, il a répondu à quelques revendications de longue date de l’Unef, sans toucher une ligne de la loi... et l’Unef s’en est félicitée dans les médias, pendant qu’elle abandonnait partiellement les AGs, les manifs, et surtout les organes d’auto-organisation. Pendant ce temps, depuis le 9 mars, les directions syndicales cheminotes éludent, repoussent, diluent, malgré les appels du pied du mouvement étudiant.

C’est dans ce contexte, et certainement pas par manque de combativité comme voudraient le faire croire certains secteurs militants, que la mobilisation étudiante a perdu son premier souffle. Il faut, pour lutter, avoir une perspective de victoire, d’autant plus quand la lutte ne se fait pas ici sur une revendication sectorielle qui concernerait les universités, mais sur une loi qui s’en prend à l’ensemble des travailleuses et travailleurs. Mais une nouvelle phase de la mobilisation s’apprête à s’ouvrir autour du 28 avril, la (tardive) journée appelée par l’intersyndicale, et qu’il va falloir emplir d’un contenu autrement plus dense que le 31 mars.

Un reflux qui pourrait bien n’être que temporaire

Depuis début avril donc, les AGs étudiantes ont maigri, sans s’étioler complètement néanmoins – et il faut aussi souligner que la mobilisation a continué à se répandre sur les lycées, dans de nouvelles villes, permettant l’organisation de deux coordinations nationales le weekend passé à Toulouse, et le précédent à Rennes, en marge des coords étudiantes. Dans nombre de villes où le mouvement n’avait pas véritablement pris, elles sont retombées proche ou en dessous de la centaine. Paris 8, Rennes 2 et Paris 1 restent le cœur vivant de la mobilisation, avec un recul néanmoins dans cette dernière fac. C’était aussi l’effet de l’arrivée des partiels et des échéances de contrôle continu, qui font partout l’objet d’un bras de fer entre les comités de mobilisation et les présidences.

Mais, dans plus d’une vingtaine d’universités, et sur plus d’une centaine de lycées, les choses continuent à bouger, les discussions se maintiennent, les réunions, les actions, et la manifestation de jeudi dernier a tout de même rassemblé. La nouvelle séquence qui s’apprête à s’ouvrir, avec la journée de grève à la SNCF le 26, la journée nationale de mobilisation le 28, le 1er mai, et la présentation de la loi à l’Assemblée le 3 mai, pourrait voir un redémarrage massif du mouvement, avec, cette fois, le défi d’avancer vraiment vers la grève générale. Sur les facs et les lycées, les ingrédients sont en tous cas réunis pour que ça redémarre.

La force du mouvement : une nouvelle génération militante

Le premier de ces ingrédients constitue un fait majeur du mouvement. Si ce dernier n’a jamais atteint le volume des mobilisations contre le CPE ou la LRU, il a cependant vu émerger un phénomène marquant : l’apparition de milliers de militant-e-s du mouvement, qui font là leur première expérience de mobilisation, qui se réunissent en assemblées générales sur les lycées, qui tiennent les comités de mobilisation sur les universités. A Rennes 2, ils et elles sont parfois plus de 200, alors même que le milieu militant organisé est très faible, et c’est ce qui assure le dynamisme de la mobilisation. A Paris et pas seulement, ces dizaines d’activistes sont venus fusionner avec la Nuit Debout à République, où ils tiennent un stand interfac, participent aux AGs, aux actions. « Quelque chose s’est levé » dans la jeunesse, et ce quelque chose est une frange déterminée à continuer, politisée, et qui vient d’accumuler une première expérience. S’il faut insister sur ce fait, c’est qu’il a une grande importance pour la suite, et y compris au delà du bras de fer actuel. Car le gouvernement d’après Hollande aura la lourde tâche d’appliquer les attaques brutales que les classes dominantes brûlent de nous imposer ; la conscience et la détermination qu’il trouvera en face de lui sera alors un facteur important du rapport de force.

Quand répression et violences policières ne passent plus

Cette nouvelle génération a donc, en quelques semaines, accumulé une première expérience. Avec les organisations bureaucratiques d’abord, celles qui trahissent, ou celles qui, sans franchir le rubicond, s’auto-intitulent représentantes du mouvement à Matignon et dans les médias. Avec l’organisation concrète de la mobilisation, des AGs aux tentatives de jonction avec le monde du travail, qui ont été prises en charge un peu partout. Mais aussi avec la répression et les violences policières. Ce point est un aspect marquant du mouvement. D’abord parce que, même si les mobilisations de jeunesse précédentes avaient toujours eu affaire à la flicaille, la fragilité du gouvernement et l’état d’urgence ont fait passer un pallier.

Mais, surtout, du fait de la réaction exemplaire qu’il suscite depuis quelques semaines. Les images du lycéen de Bergson tabassé le 24 mars, des CRS dans Tolbiac le 17, de la répression à Strasbourg, à Lille, à Lyon, à Nantes ou à Rennes, ont d’abord provoqué une commotion à grande échelle et notamment parmi les salariés, qui ont affermi leur haine du gouvernement et leur solidarité avec cette jeunesse matraquée et gazée. Puis, progressivement, des réflexes nouveaux se sont inventés, jusqu’aux rassemblements du 5 avril rue de l’Evangile et à Maubert Mutualité à Paris (avec blocage du boulevard Saint-Germain pendant plus de deux heures), à celui qui a regroupé près de mille personne la nuit du 12 au 13 avril rue du Croissant, aux affrontements pour le centre ville de Rennes ou place de la Nation dans la capitale le 9 avril, etc. Alors que le rejet de l’état d’urgence et du tournant liberticide de Hollande et Valls, pourtant significatif dans une catégorie de la jeunesse et de la base sociale traditionnelle du PS, s’était peu exprimé dans la rue, il irrigue profondément la radicalisation en cours.

Des gares au 51e congrès de la CGT, construire la grève générale dès le 28

On a donc, en mars, assisté au reflux progressif d’une tendance à la généralisation du mouvement. Mais l’enjeu, pour les jeunes mobilisés, est de comprendre que celle-ci pourrait réémerger, et de se doter d’une politique pour s’adresser aux salariés, sans qui nulle victoire n’est possible. C’est ce qu’a fait la coordination étudiante parisienne mardi 12 avril, en investissant la gare Saint-Lazare pour s’adresser aux cheminots, comme avaient fait celles et ceux de Rennes dans les jours précédents. C’est le sens des tentatives d’organiser des assemblées générales interprofessionnelles, regroupant lycéens, étudiants et salariés d’une même zone géographique, comme cela se fait déjà à Saint-Denis, et comme cela vient de commencer dans le 13e arrondissement à partir de Tolbiac. Tout cela doit être démultiplié, approfondi, en prévision du 28.

Cette semaine se tient un événement qui n’a d’ailleurs rien d’anodin pour les possibilités de construction de la grève générale : le 51e congrès de la Confédération générale du travail, le plus vieux et plus important syndicat du pays, avec 800 000 adhérents. La coordination nationale étudiante qui s’est tenue ce WE à Toulouse a décidé d’interpeller les congressistes réunis depuis hier matin à Marseille, dans le sens de leur demander de se saisir de l’occasion pour initier la convergence avec la jeunesse, en construisant des dates communes, en rassemblant les forces, en nous défendant face à la répression comme l’ont fait les dockers du Havre, qui ont prévenu la préfecture de police que le port serait bloqué chaque fois que la flicaille s’en prendrait à un jeune. Cela, évidemment, doit commencer avec le 28 avril, en en faisant non pas une nouvelle journée « carrée », mais le début d’un mouvement d’ensemble, d’une grève reconductible et qui se généralise.

Quel rapport entre les places et les universités ?

Dès le départ, le mouvement actuel combinait la lutte revendicative avec un véritable phénomène politique, au croisement du rejet du système politique des classes dominantes et de la revendication d’un avenir digne condensé dans le #OnVautMieuxQueCa. Centralement, c’est à une rupture avec le parti socialiste, définitive, consommée, consciente, que l’on est en train d’assister. Nuit Debout s’en nourrit, l’exprime, avec un niveau de radicalité souvent bien supérieur à ce qu’était le mouvement des Indignés, tout en marquant aussi la volonté de poursuivre le mouvement au delà des journées saute-moutons imposées par les directions syndicales. C’est la même maturation politique qui fournit sa force au nouvel activisme étudiant qui a émergé avec ce mouvement, et qui est en train de fusionner assez naturellement avec l’occupation des places, qui fournissent de plus une plateforme pour s’organiser pendant les vacances, pour se mettre en contact avec la population (débats, cours alternatifs, etc), et avec les autres secteurs en lutte. L’enjeu étant que les places n’apparaissent pas comme un sauf conduit quand la mobilisation reflue sur les universités elles-mêmes, mais comme un bastion ou l’on prépare le redéploiement. D’ores et déjà, des signes se sont montrés en ce sens, quand République sert de vivier pour renforcer les rassemblements devant les commissariats qui renferment étudiants et lycéens arrêtés, ou quand les actions envers tel ou tel secteur de salariés s’organisent en commun entre la coordination étudiante d’Ile de France et la commission pour la gréve générale de Nuit Debout.


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