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Répression militaire

Myanmar. Une petite fille de 7 ans tuée par les militaires dans les bras de son père

Le saut répressif de la junte a fait une nouvelle victime : une petite fille de 7 ans tuée dans sa propre maison. Le mouvement a répondu ce mercredi par une « grève silencieuse ».

Alexis Taïeb

24 mars 2021

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Depuis le coup d’Etat du 1er février de la junte militaire, la population myanmaraise se mobilise massivement et cela fait maintenant plusieurs semaines que l’économie du pays est à l’arrêt du fait d’une grève générale. Cela est en train de mettre les militaires dans une situation très compliquée ; en outre le mouvement attire l’attention de la presse internationale. C’est dans ce cadre que la junte a effectué un tournant répressif visant mater le mouvement.

Ainsi, d’après l’AAPP (Association d’Assistance aux Prisonniers Politiques) le nombre de morts s’élève à 275, un bilan qui pourrait s’avérer être bien plus lourd. De plus, on estime qu’il y a 2800 détenus politiques dans les prisons du pays. La junte a également déclaré la loi martiale à Yangon et dans de nombreuses villes du pays, et les militaires n’hésitent plus à ouvrir le feu sur les foules de manifestants.

C’est dans ce contexte répressif que se produit l’assassinat de Khin Myo Chit, petite fille de 7 ans près de Mandalay, deuxième ville du pays. D’après Frontier Myanmar, le chaos régnait à Mandalay ce mardi : barricades enflammées, arrestations, perquisition de maisons par les forces de répression, passage à tabac et tirs de mitrailleuses. Trois personnes ont été abattues, dont Khin Myo Chit alors qu’elle était dans les bras de son père, tuée d’une balle dans le ventre.

Les soldats et policiers seraient arrivés dans le quartier vers 16h et auraient enfoncé la porte, raconte May Thu, la sœur ainée de Khin Myo Chit, au journal Myanmar Now.

« Ils ont fait irruption dans notre maison de manière insolente. Tous ceux qui étaient à la maison ont été sommés de s’asseoir ». Les soldats ont demandé si tous les habitants de la maison étaient là, ce à quoi le père a répondu que oui. Cependant, l’un des soldats ne l’a pas cru et lui aurait tiré dessus, blessant mortellement la petite Khin Myo Chit qui se trouvait sur ses genoux. La famille a du résister pour que les soldats n’emmènent pas le cadavre, comme ils le font habituellement. Le frère aîné de 19 ans a été en revanche emmené par la junte après avoir reçu un coup de crosse au visage. « Nous n’avons pas pu les empêcher de l’emmener », a déclaré May Thu. « Ils ont dit : ’tu veux qu’on te tire dessus à nouveau ?’ ». Deux autres personnes ont été tuées dans le quartier.

Khin Myo Chit n’est pas le premier enfant tué par la répression militaire depuis le coup d’Etat. Selon l’ONG Save the Children et l’AAPP au moins 20 personnes âgées de moins de 18 ans ont été tuées au cours de la répression. « Nous sommes horrifiés par le fait que les enfants continuent de faire partie des cibles de ces attaques mortelles contre des manifestants pacifiques », a déclaré Save the Children dans un communiqué. L’organisation caritative a déclaré qu’elle était également extrêmement préoccupée par les « centaines de jeunes » qui sont en détention.

Cet assassinat de Khin Myo Chit a créé une grande émotion dans la population qui subit au quotidien depuis quelques semaines non seulement une répression sanglante mais l’humiliation de la part des militaires. En effet, pour briser la résistance l’armée fait usage de techniques d’intimidation rabaissant la dignité humaine de ses victimes. Ainsi, on a pu voir des images de soldats forçant des habitants des quartiers industriels à enlever à la main les barricades qu’ils avaient érigées ; des membres des forces armées ont été filmés en train de détruire la propriété des civils, de voler des marchandises, une attitude littéralement criminelle. Comme on peut le lire dans le journal The Irrawaddy : « la semaine dernière, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes, utilisé des grenades assourdissantes et tiré à balles réelles sur des manifestants hostiles au régime dans le township de Twante, dans le sud de Yangon. Lorsque les manifestants ont fui et que les habitants se sont cachés, les forces de sécurité ont commis des vols en plein jour. Elles ont mis à sac des magasins et des maisons, pillant tout ce qu’elles voyaient, des seaux de crème glacée aux iPads. Ils ont tout volé, de l’argent liquide aux bijoux en passant par les bouteilles de gaz de cuisine et le poisson séché ».

Cependant, malgré la répression et les humiliations, l’opposition populaire face au coup d’Etat tente de se maintenir et d’adopter de nouvelles formes. Ainsi, mercredi 24, la population en deuil de tous ses morts a décidé de faire une « grève silencieuse » pour leur rendre hommage. Tous les commerces étaient fermés et les habitants sont restés chez eux.

Malgré le fait que la répression est en train de rendre les manifestations de rue plus sporadiques, le mouvement de grève dans plusieurs secteurs de l’économie semble se maintenir fort. Cela exerce une forte pression sur les militaires qui se trouvent de plus en plus confrontés à des pénuries de produits, y compris pour les besoins du fonctionnement quotidien de l’armée et des institutions. La voie répressive et brutale choisie par l’armée ne sera pas suffisante pour légitimer le pouvoir des militaires. Le Myanmar est définitivement entré dans une situation de profonde crise sociale, politique et même économique.


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