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Naturalisation de 700 étrangers. Derrière la communication de Schiappa, la répression des migrants continue

Schiappa a annoncé mardi la naturalisation de 700 étrangers en « première ligne » durant le confinement. Un coup de communication bien en deçà des demandes des sans-papiers qui manifestent depuis des mois et qui vise avant tout à instaurer une opposition entre « bons » et « mauvais » migrants.

Philomène Rozan

23 décembre 2020

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Un coup de communication hypocrite et une logique de tri des migrants

 
Ce mardi 22 décembre, Marlène Schiappa -ministre déléguée à la citoyenneté- annonçait par un communiqué que plus de 700 sans-papiers ayant été en « première ligne » durant le confinement obtiendraient la nationalité française. L’annonce avait déjà été faite au mois de septembre et promettait de récompenser celles et ceux qui ont participé à ce que le gouvernement aime à appeler l « effort national ».
 
Une mesure dénoncée par les associations comme un pur coup de communication. Ce chiffre de 700 est en effet très loin d’être significatif, puisque ce sont 3 000 personnes qui ont fait la demande de naturalisation suite aux annonces du gouvernement souligne France Inter, et que les chiffres des travailleurs potentiellement concernés sont encore plus importants. Lise Caron de la Cimade -une association d’aide aux migrants- dénonce ainsi l’hypocrisie de la mesure auprès de France Inter : « on n’est pas du tout sur un geste significatif. Quand on voit que sur les dernières années, on était autour de 50 000 naturalisations par an, c’est très peu. Et quand on voit aussi qu’il y a 300 000 ou 400 000 personnes sans papiers qui vivent en France aujourd’hui, qui se mobilisent depuis le printemps pour obtenir une régularisation et qui n’ont obtenu, à ce jour, aucune marque d’attention de la part du gouvernement, donc non ce n’est vraiment pas du tout significatif. »
 
En outre, ces annonces s’inscrivent dans une logique de tri entre les « bons migrants », ceux qui auraient « mérité » la nationalité, en trimant durant tout le confinement au mépris de leur santé, et les « mauvais » migrants, les autres. Une logique stigmatisante qui ignore le rôle de l’ensemble des travailleurs sans-papiers, surexploités, dans l’économie, mais aussi la réalité des « sans-papiers employés dans l’hôtellerie ou la restauration [qui] ont perdu leur emploi et n’ont pas pu bénéficier des aides de l’État, comme le chômage partiel » qu’évoquait en juin dernier Leslie Carretero sur InfoMigrants.

Rien de surprenant de la part d’un gouvernement qui héroïse aujourd’hui quelques migrants mais qui a fait passer en 2018 la répressive loi Asile et Immigration. Dans le même sens, en septembre dernier, quelques jours après les annonces de Schiappa sur la naturalisation des sans-papiers, Darmanin s’en prenait aux mineurs isolés en appelant à faire preuve d’un « grand volontarisme à l’éloignement ». Dans le même temps à l’échelle de l’union européenne se prépare un « pacte sur l’immigration », soutenu par Emmanuel Macron, qui vise à accélérer les procédures d’examen des dossiers de demande d’asile et à augmenter le taux d’expulsion des personnes migrantes.
 

Les sans-papiers, en première ligne… de la répression du gouvernement !

 
L’annonce de Schiappa oublie par ailleurs de mentionner la violence de la dégradation des conditions de vie que l’ensemble des sans-papiers ont dû affronter pendant le confinement. Que ce soit dans le nettoyage, la grande distribution ou la livraison à domicile les travailleurs sans-papiers ont été en première ligne dans les pires conditions possibles, quand ils n’ont pas été licenciés immédiatement après le confinement. A l’image des livreurs de Frichti, enseigne de livraison de nourriture à domicile, qui a décidé de se débarrasser des travailleurs sans titre de séjour qu’elle avait exploités pendant le confinement.
 
A cette situation de travail particulièrement exposée au virus s’est ajoutée le danger de l’important dispositif policier pour contrôler les attestations, qui s’est traduit par une multiplication des violences policières. Une des plus terrible illustration de phénomène est peut-être le passage à tabac de Medhi, un travailleur sans-papier, suite au contrôle de son attestation et qui s’est finalement vu mentionner une obligation de quitter le territoire suite à sa garde-à-vue. Les sans-papiers ont également vu la répression s’intensifier dans les prisons pour migrants que constituent les CRA. Plus récemment, le traitement indigne des sans-papiers s’est incarné dans l’expulsion du camp de migrants à Saint-Denis, puis sur la place de la République donnant lieu à des scènes de violences policières très largement dénoncées.
 
Dès la fin du premier confinement, plusieurs collectifs de sans-papiers ont appelé à des marches des solidarités qui ont réuni des milliers de personnes à travers la France . Ils dénonçaient les conditions de vie durant le confinement et au-delà en exigeant « la régularisation de touTes les Sans-Papiers, la fermeture des centres de rétention et le logement pour touTEs ». Le gouvernement est resté silencieux, répondant aux importantes manifestations par de gros dispositifs policiers et ignorant les revendications des manifestants. Dès lors, les miettes offertes par les coups de communication de Marlène Schiappa apparaissent comme une véritable insulte, face à laquelle il faut continuer d’exiger la régularisation de l’ensemble des sans-papiers et préparer la rentrée contre un gouvernement qui multiplie les attaques sécuritaires et racistes.


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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