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Xénophobie d'Etat

Niveau minimal de français pour un titre de séjour : Darmanin durcit encore le tri des immigré.e.s

Le gouvernement veut conditionner la délivrance de titres de séjour pluriannuels aux étrangers à leur maîtrise de la langue française : avec cette mesure, Darmanin continue de dérouler son programme xénophobe pour flatter la droite et le RN, dans un contexte d’instabilité institutionnelle du gouvernement Macron 2.

Adèle Chotsky

13 juillet 2022

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A peine reconduit pour un nouveau quinquennat Macron, Darmanin continue dans son style : pas un jour ne se passe sans une attaque sécuritaire et raciste. Lors de la première session de « questions au gouvernement » de l’Assemblée Nationale, le ministre de l’intérieur a déclaré que le gouvernement allait proposer de conditionner la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à « la maîtrise d’un niveau minimal de la langue française »

Le faux-nez d’une politique raciste et répressive

Actuellement, après une première année avec un titre de séjour en France, il est censé être possible d’avoir une carte de séjour de 4 ans. Les conditions pour obtenir cette dernière ont déjà été durcies, particulièrement au cours des dix dernières années, qui ont verrouillé progressivement tous les niveaux du parcours migratoire. S’il n’est pas nécessaire de justifier d’un niveau de français, il faut néanmoins justifier d’avoir participé à des formations linguistiques et « civiques » dans le cadre d’un « contrat d’intégration républicaine » et prouver que l’on adhère aux « valeurs de la République ».

Cette annonce, qui consiste à durcir les conditions d’obtention d’un titre de séjour, est l’aboutissement d’un processus commencé en 2011 pour associer étroitement exigences linguistiques et répression migratoire, dans une logique qui associe de plus en plus l’enseignement de la langue et l’inculcation de « valeurs » supposément françaises. Elle est dans la droite lignée des politiques des gouvernements précédents, que ce soit Sarkozy, Hollande ou Macron 1.

Depuis le milieu des années 2000, l’acquisition de compétences en langue française s’est imposée comme centrale dans la politique dite « d’accueil et d’intégration ». C’est à partir du quinquennat Sarkozy que ces dispositifs, qui jusque-là relevaient du ministère des affaires sociales, furent placés sous la tutelle du « ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale » créé au début de la présidence Sarkozy en 2007, puis sont passés sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Une illustration, s’il en fallait, de la dimension répressive de ces dispositifs.
La formation linguistique a ainsi été un outil pour légitimer les restrictions du droit au séjour : il s’agit purement et simplement d’un contrôle de plus qui pèse sur les personnes migrantes. L’idée a peu à peu été instaurée selon laquelle maîtriser la langue française était une exigence préalable pour que les migrants et migrantes soient considérés comme intégrés.

Ces politiques sont d’une nature purement répressive et à la démagogie raciste : il est possible de progresser dans une langue lorsque l’on peut travailler et s’installer dans son pays d’accueil à son rythme, et non pas le pistolet sur la tempe dans une formation linguistique à marche forcée et sous la pression d’exigences disproportionnées. Une telle mesure impose également une double peine pour les personnes peu scolarisées avant leur arrivée en France, ou issues de milieux populaires, peu susceptibles d’avoir accédées à niveau scolaire leur permettant une bonne maîtrise de la langue écrite et parlée – voire de deux langues dans le cas où le français n’est pas leur langue maternelle. Le « niveau minimal » en question n’est pas encore précisé, mais il est certain que ces exigences maintiennent dans la précarité les personnes qui ne les atteignent pas, parce que peu lettrés, en les condamnant à n’accéder qu’à des titres de séjour d’un an. [1]

Au contraire, il serait nécessaire de mettre des moyens pour des formations adaptées pour les personnes qui souhaitent apprendre le français, à tout moment des parcours d’installation et les années au-delà, détachés d’un bourrage de crâne consistant à associer la langue au fait d’adhérer aux supposées « valeurs » de la France.

Un nouveau quinquennat à droite toute

Cette annonce va de paire avec la proposition du gouvernement d’expulser les étrangers qui commettraient des « délits graves », reprenant ainsi une mesure de l’extrême droite. Samedi dernier, Gérald Darmanin expliquait dans un entretien au Monde sa volonté de « permettre l’expulsion de tout étranger reconnu coupable d’un acte grave par la justice, quelle que soit sa condition de présence sur le territoire national ».

Ce mardi, devant les députés, le ministre se félicitait du fait que « 2650 » personnes aient été expulsés de France depuis plus d’un an.

Comme nous l’écrivions à propos de cette mesure, cette politique du tout répressif consiste à déplacer le débat politique, polarisé par l’inflation, sur le terrain sécuritaire. Elle s’inscrit dans la lignée du gouvernement Macron I, qui imposait des mesures directement inspirées de l’extrême droite, avec le succès que l’on connaît dans le renforcement sans précédent de cette dernière.
Darmanin donne le ton après avoir été réinvesti au ministère de l’Intérieur : un gouvernement à droite toute ! Ces mesures viennent aussi s’ajouter à l’augmentation prévue du budget de la police, de la justice et de l’armée. Dans un contexte d’instabilité politique du gouvernement Macron 2, qui a perdu sa majorité absolue à l’Assemblée, il s’agit pour la majorité parlementaire de brosser dans le sens du poil la droite et le RN avec un discours et des mesures xénophobes.
Face à un gouvernement ouvertement raciste et xénophobe, il faut opposer un discours clairement antiraciste, contre la double peine et la stigmatisation des étrangers, pour l’ouverture de toutes les frontières et l’accueil digne de toutes et tous.

Notes

1. A ce sujet voir « La langue française, modèle d’intégration ? » dans le podcast Parler comme jamais




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