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Les Etats-Unis et la crise des réfugiés

Obama met fin à son silence hypocrite sur les réfugiés

La véritable tragédie humaine qui se produit aux frontières de l'Europe s'est révélée ces derniers jours au monde entier. Alors que certains dirigeants européens comme la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre français Manuel Valls ont tenté de jouer la carte de l'humanitarisme pour court-circuiter les élans de solidarité populaires naissants dans leurs pays, le président états-unien Barack Obama a préféré rester hypocritement discret en ce qui concerne ce dossier « européen ». Lundi 7 septembre, il a enfin décidé de lever le silence sur la crise des réfugiés.

Ivan Matewan

8 septembre 2015

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Pendant que la question des migrants surgissait sur le devant de la scène européenne et internationale, les affaires aux États-Unis continuaient, sans grande surprise, comme à l’habitude. Depuis des années, l’administration Obama garde un silence assourdissant sur les questions liées à l’augmentation exponentielle des flux migratoires provoquée par les interventions militaires répétées, à l’initiative notamment de l’impérialisme nord-américain, au Moyen-Orient et en Afrique, depuis un quart de siècle.

Sous la pression des images cinglantes d’Aylan, enfant Syrien de 3 ans dont le corps noyé a échoué sur une plage en Turquie, de milliers de personnes tentant en vain de prendre le train à la gare de Budapest-Keleti en Hongrie ou du camion sur une autoroute autrichienne à l’intérieur duquel soixante et onze migrants avaient été abandonnés à la mort ainsi que de celle des gouvernements européens, l’administration nord-américaine a dû enfin lever son silence hypocrite.

Lors d’une conférence de presse du jeudi 3 septembre, le porte parole de la maison blanche, Josh Earnest, a reconnu « la tragédie humanitaire terrible qui se déroule au Moyen-Orient, particulièrement en Irak et en Syrie, et même dans des régions en Afrique du Nord comme en Libye ». Il est allé jusqu’à déclarer que « la violence et l’instabilité dans ces pays-là provoquent des effusions de sang généralisées ainsi que la fuite de millions de personnes ». Mais il a affirmé que l’administration Obama ne comptait pas aller jusqu’à changer de politique migratoire en ce qui concerne les migrants de ces régions du monde. « L’Europe a sans doute la capacité de gérer ce problème » a-t-il conclu.

Cependant, le gouvernement états-unien a laissé sous-entendre lundi 7 septembre un changement subtil, mais important, dans sa gestion du dossier. « L’administration étudie un certain nombre de pistes susceptibles d’apporter des solutions aux questions soulevées par le drame humanitaire que vivent les réfugiés, y compris en ce qui concerne la relocalisation des réfugiés » a déclaré un porte-parole du Conseil national de Sécurité.

Le président a jusqu’au 1er octobre, selon la loi fédérale, pour définir les quotas de migrants ayant droit à rentrer dans le pays. Cette année, le plafond d’entrées s’élève à 70 000. On estime que seuls 2000 viendront de Syrie. En 2014, ce nombre était de seulement 132. Et ce alors que la guerre civile syrienne a généré plus de 4 millions de réfugiés depuis 2011, sans compter les réfugiés d’autres pays comme l’Irak ou la Libye. Plusieurs sénateurs démocrates ont appelé le pays à accueillir jusqu’à 65000 Syriens l’année prochaine. Mais des députés républicains s’y opposent, affirmant que « des groupes terroristes pourraient viser à utiliser les programmes mis en place pour les réfugiés syriens comme une porte d’entrée pour réaliser des attaques ».

Si l’administration n’a pas encore clairement défini sa nouvelle politique, la responsabilité des Etats-Unis qui, avec ses alliés de l’OTAN comme la France, ont mis le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à feu et à sang, est claire. Les dizaines de milliers de réfugiés qui fuient la guerre, la misère économique et tentent aujourd’hui d’atteindre l’Europe sont le fruit d’une politique criminelle de guerres menée dans l’ impunité totale depuis 25 ans. Les guerres de plus de dix ans en Afghanistan et en Irak, « contre le terrorisme » et les « armes de destruction massive » fictives ont donné naissance à l’Etat islamique. La guerre en Libye a fait le lit des milices islamistes. La guerre civile en Syrie où les États-Unis financent tous les ennemis de Bachar al-Assad sous prétexte de « défense des droits de l’Homme » a fait sombrer cette région du monde dans un chaos sanglant.

Si les déclarations des gouvernements européens et états-uniens nous confirment une chose, c’est bien que ceux-ci ne sont pas prêts à changer de politique. Les tambours de la guerre ont de nouveau commencé à résonner avec l’annonce récente des frappes aériennes en Syrie par Hollande et la volonté affichée du Premier ministre britannique Cameron de faire de même. L’intervention militaire, qui est la racine même de la crise que vivent des millions de réfugiés à travers le monde, ne résoudra en rien ce drame : elle ne fera que l’empirer. Obama a peut-être fini par rompre le silence sur le dossier des réfugiés, mais seulement pour clarifier sa politique, dans le sens de plus de politique impérialiste et guerrière.


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