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Sorbonne

« On me traite en terroriste ». Un étudiant convoqué pour avoir dénoncé la répression administrative à Paris 1

Alors que l’université Paris 1 et le rectorat accentuent leur politique de lock-out les jours de mobilisation, un étudiant souhaitant aller à la bibliothèque s’est vu refuser d’entrer à La Sorbonne le 8 mars. Après avoir dénoncé le fait d’être traité comme un « poseur de bombe », il s’est vu convoquer par la direction de l’université. Une politique de criminalisation des étudiants scandaleuse.

Ariane Anemoyannis

10 mars 2023

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« On me traite en terroriste ». Un étudiant convoqué pour avoir dénoncé la répression administrative à Paris 1

Le centre Tolbiac en 2019. Crédit photo : Révolution Permanente

Théo, 23ans, en M2 d’Histoire de la Philosophie, s’est vu convoqué comme un criminel ce jeudi 9 mars par la direction juridique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne pour des faits s’étant déroulés le mercredi 8 mars. A l’origine de cette situation, le dispositif de sécurité renforcé du rectorat et de l’université en raison du mouvement contre la réforme des retraites.

« J’ai voulu entrer dans l’établissement, muni de ma carte étudiante, pour aller réviser à la Bibliothèque Universitaire » explique Théo. Sauf que, en cette journée de grève contre la réforme des retraites et de lutte pour les droits des femmes, l’administration de Paris 1 et le rectorat redoutent que les étudiants mobilisés ne se réunissent en Sorbonne. Résultat : même muni d’une carte étudiante, sans enseignement prévu à l’heure de passage des contrôles, aucun étudiant n’est admis sur le site, même pour aller réviser à la BU.

« Honnêtement, je n’ai pas compris ce qu’il se passait. Il y avait une dizaine de vigiles à la porte, en train de fouiller les gens, leur demander leur emploi du temps, renvoyer ceux qui n’avaient pas cours au même moment. C’est un niveau de harcèlement de la part de la présidence de l’université qui m’a indigné. C’est là où j’ai dénoncé le fait qu’on me traitait comme un poseur de bombe dans ma propre fac » raconte-t-il.

L’histoire ne s’arrête pas là, puisqu’il se voit confisquer sa carte étudiante et interdit d’entrer sur quelconque centre de Paris 1 jusqu’à sa convocation au bureau de la direction juridique de l’université, le 9 mars. Il a été interrogé sur le fait d’avoir menacé de poser une bombe à La Sorbonne. « C’est tristement ironique ce qu’il se passe. Je me fais traiter comme un dangereux criminel car j’ai précisément dénoncé la criminalisation des étudiants » poursuit Théo.

Augustin Pierrat, élu Le Poing Levé au Conseil d’Administration de Paris 1, l’y a accompagné. « Nous sommes face à un cas d’intimidation grave d’un étudiant, qui a vocation à créer un précédent pour quiconque oserait dénoncer la répression administrative qui empêche aux étudiants et aux personnels de circuler librement dans leur université, mais aussi de s’y mobiliser. Car c’est de ça dont il s’agit, dans la lignée des fermetures systématiques des centres à la moindre manifestation ou action ».

En effet, la criminalisation des étudiants dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites n’est pas nouvelle. Le 23 février, alors qu’une manifestation jeune était prévue au départ du métro Olympiades à proximité du centre de Tolbiac, ce dernier a été fermé pour « risque d’atteinte aux biens et aux personnes » par l’administration sur conseils de la préfecture de Paris. Une politique répressive arbitrée par les présidences en lien avec le gouvernement, et qui est le corollaire des violences policières contre les jeunes depuis le début de la mobilisation.

Canal Telegram : @revolution_permanente

Hantée par le spectre d’un mouvement étudiant qui participe à paralyser le pays alors que le monde du travail s’élance dans une grève reconductible depuis le 7 mars, les directions d’université sont donc prêtes à tout pour enterrer toute possibilité de s’organiser et se réunir sur les campus, quitte à traiter en terroriste l’un de leur étudiant. Pour cela, elle s’appuie non seulement sur les méthodes d’enseignement propres à la pandémie, à l’instar du distanciel les jours de manifestation, mais aussi les dispositifs liés à l’état d’urgence. De fait, depuis plusieurs années, les fouilles de sac et la règlementation sur les entrées et sorties des établissements ont été largement renforcées et permettent désormais à la présidence de contrôler qui entre et sort des établissements. Une politique qui est bien évidemment au service de la surveillance des étudiants mobilisés, comme cela avait été le cas en 2020 où la sécurité disposait carrément d’une « liste noire » de militants étudiants à ne pas laisser entrer à Tolbiac.

Pour se couvrir d’une telle politique, la direction de Paris 1 rejette la faute sur les vigiles. « A l’entretien, on m’a donné un formulaire pour que je puisse raconter ma version des faits, en m’expliquant que les vigiles seraient éventuellement sanctionnés s’il s’avérait que je n’étais pas en tords ». En réalité, la présidence s’appuie précisément sur des agents de sécurité de plus en plus précaires, employés par des entreprises sous-traitantes, afin de s’assurer qu’ils assurent un niveau de répression aux portes de la fac sous peine de risquer de perdre leur travail. « Il faut être clair là-dessus : les vigiles ne sont pas responsables du niveau de répression que la présidence instaure. Il ne faut pas se tromper d’adversaires, et le fait d’opposer les « versions » de Théo à celles des vigiles est encore une fois scandaleuse ».

Face à ces méthodes ultra-répressives, il est nécessaire de s’organiser entre étudiants et personnels pour exiger l’ouverture pure et simple de nos universités. Cela signifie se battre contre les lock-outs et le distanciel, à l’instar d’une tribune publiée sur Libération et signée par une centaine d’enseignants, personnels, et élus étudiants. Mais cela implique également d’exiger la fin des contrôles de carte et des fouilles aux entrées des campus, et la libre circulation de toutes et tous.

Si vous avez été victime ou témoin d’une situation de ce type, vous pouvez nous écrire pour en témoigner, par mail ([email protected]) ou sur nos réseaux (Le Poing Levé Paris 1).


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