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Offensives patronales

PSA, Toyota, Michelin... Ces grands patrons qui forcent la reprise du travail malgré le prolongement du confinement

Alors que Macron vient d’annoncer une nouvelle prolongation du confinement, de l’autre côté du miroir, l’offensive patronale s’accélère pour faire reprendre le travail coûte que coûte.

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Depuis le début de la crise sanitaire, les grands patrons sont anxieux : le confinement a mis à l’arrêt une partie du monde du travail et là où ils ont tenté de poursuivre malgré tout les activités, les droits de retraits ont été massifs.

Depuis, dans les secteurs non-essentiels à la lutte contre le Covid-19, les tractations pour faire reprendre au plus vite le travail sont au cœur des esprits d’un patronat qui craint de voir diminuer leurs profits. Pour l’instant, les dividendes reversés aux actionnaires ne sont pas touchés et le gouvernement a déployé un important plan de soutien aux patrons, laissant pour les « premières lignes » des miettes et des applaudissements.

Offensives médiatiques et menaces, le patronat déploie ses armes

Partout les discussions sont engagées sur les modalités de reprise du travail, dans chaque instance, les directions cherchent à faire payer le coût de la crise aux travailleurs. Elles sont souvent appuyées par une partie des directions syndicales, signant de manière criminelle des accords de reprises indécents concédant aux « efforts » demandés aux salariés dans chaque entreprise.

Cette semaine, la communication s’est accélérée, le MEDEF, syndicat des chefs d’entreprises, s’est exprimé à plusieurs reprises, annonçant la couleur : Geoffroy de Roux de Bézieux a expliqué vouloir poser la question « du temps de travail, des jours fériés et des congés payés  » et demander aux salariés de «  travailler un peu plus ». Dans la même ligne, la numéro 2 du MEDEF Dominique Carlac’h a déclaré sur BFMTV : « s’il faut mettre un coup de collier pour pouvoir reprendre le travail, on le mettra  ». Un vocabulaire directement issu du monde agricole, où l’on donnait des « coups de collier » aux animaux pour qu’ils accélèrent la cadence de labour.

Ce durcissement de ton intervient dans une séquence où les grandes entreprises marchent sur des œufs, la crise mondiale en cours redonnant une légitimité nouvelle aux travailleurs des secteurs les plus essentiels à la société. La reprise du travail dans un certain nombre d’entreprises, entre vigilance sanitaire et défense des acquis sociaux, peut ainsi engager des bras de fer houleux pour les capitalistes. Malgré tout, secteur par secteur, c’est un passage en force que tentent les dirigeants patronaux.

Un « Guide de préconisation » dans le bâtiment, construire à 1 mètre de distance ?

Dans le secteur du bâtiment, une très grande partie des gros chantiers sont à l’arrêt depuis le début du confinement. C’est autour d’un « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction-Covid-19 », que les patrons du BTP cherchent à trouver des accords de reprises. Ce document est censé garantir la protection des travailleurs du bâtiment, mais cherchent surtout à les remettre au travail, l’enjeu annoncé étant une reprise des chantiers courant avril.

Ce guide, pierre angulaire de la reprise dans le secteur à été élaboré par les organisations patronales et validé par le gouvernement via les ministères de la Santé et du Travail. Mais une grande partie des syndicats y sont opposés, à l’exception de… la CFDT.

Le secrétaire Général de FO construction dans la Marne a déclaré sur France Bleu : « On ne va pas sur les chantiers pour mourir », résumant une ligne importante que devraient tenir toutes les organisations des travailleurs. En effet, les doutes sont nombreux, et parmi eux la question des masques reste ouverte quand il en manque dans des secteurs essentiels à la lutte contre le virus. Aussi, même si le guide parle de réorganisation du travail, une question simple est pointée par les syndicats : dans le bâtiment, les charges lourdes sont portées à plusieurs, le mètre de distance est tout simplement impossible à respecter.

D’autres organisations syndicales soulignent qu’elles seraient prêtes à reprendre certains chantier, mais refusent une reprise généralisée : entre construire un péage ou un hôpital, il faudra dans tous les cas renforcer les mesures sanitaires, sauf que dans le premier cas cela peut attendre alors que dans le second la question se pose dans la mesure où il s’agit d’un service utile à la résolution de la crise.

La centralité économique du secteur de la métallurgie engendre mensonges et menaces

Que ça soit dans l’automobile ou l’aéronautique, le secteur de la métallurgie regroupe les plus grands groupes industriels et des accords sont en cours de signature partout. Pour ne citer qu’un exemple, à Thales les syndicats dénoncent clairement que «  les plans de continuité des activités se sont transformés en plan de reprise progressive des activités avant même que le gouvernement évoque la fin du confinement  ». Et partout, ces plans contiennent de lourdes attaques contre les travailleurs.

Aujourd’hui, on peut notamment parler de l’usine de Toyota Onnaing, qui devrait être une des premières boîtes à reprendre dans l’automobile. La réouverture est prévue pour le 21 avril, avec comme argument principal de la direction la nécessité de sortir 35 000 Toyota Yaris commandés par des clients, afin de « ne pas prendre trop de retard » et de pouvoir enchaîner avec la sortie de la nouvelle génération de la gamme Yaris.

Le délégué syndical CGT, Éric Pecqueur dénonce le mensonge de la direction au micro d’Europe 1 : « ce n’est pas vrai que 35 000 clients attendent les voitures. Le parking des expéditions est blindé », avant d’ajouter que : « On plante un couteau dans le dos des soignants qui mettent en jeu leur vie pour en sauver d’autres. Les profits passent avant la santé. »

La direction de Toyota assure que les conditions sanitaires seront suffisantes, se targuant de prendre en compte les moindres détails : « Les zones fumeurs ont été agrandies et les salariés seront dotés de cendriers de poche pour éviter les regroupements autour des cendriers.  ». C’est avec ce type de mesure que la direction compte faire reprendre le travail fin avril, alors que le confinement général vient d’être prolongé à la mi-mai !

Il est évident que cette reprise est criminelle, la direction elle-même admet dans d’autres interviews que certains « process » ne peuvent être sécurisés d’un point de vue sanitaire. En effet, dans une usine les contagions potentielles sont difficile à éviter et la solution est relativement simple : « la seule mesure sanitaire pour la santé des salariés, c’est le confinement, donc l’arrêt » nous rappelait Boris Amoroz, délégué syndical central Alstom dans un entretien.

Dans les autres usines automobiles, la situation est la même, avec parfois des délais différents, mais ce sont toujours des reprises anticipées auxquelles poussent les patrons. A PSA, un accord a d’ores et déjà été signé entre la direction et 4 organisations syndicales de manière criminelle, accompagnant la soif de profit sur le dos des 400 000 ouvriers concernés par l’accord !

Un autre exemple, celui de Michelin où la encore la direction veut faire au plus vite, comme sur le site de Cholet dans le Maine-et-Loire, où pas moins de 300 salariés sont appelés à revenir travailler dès ce mardi 14 avril !

Dans l’aéronautique, le géant AirBus poursuit également sa logique, agitant le spectre de la faillite, ils ont réussi à être classés parmi les entreprises nécessaires à la continuité de la vie durant la crise sanitaire ! La prétendue « urgence vitale » de la catégorie 2 dans laquelle est maintenant classée l’entreprise, est surtout une urgence économique pour leur profit.

Dans ce sens, la porte est ouverte à ce que le reste de l’industrie inutile dans la période reprenne. C’est en tout cas ce que souhaite un autre ponte du patronat, Philippe Darmayan, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), qui demande à ce que le gouvernement accélère et facilite la reprise du travail. Ce représentant d’un important lobby de la métallurgie use de l’ensemble des arguments à sa disposition, en extrapolant sans honte sur les capacités industrielles : « Chaque industrie fait des produits qui servent à ce qui est appelé l’industrie de la santé. Faire des masques demande une industrie du papier, une industrie de la couture, une industrie du plastique. Toutes les industries sont reliées entre elles. Et, finalement, chaque entreprise industrielle a aujourd’hui des activités essentielles pour la santé, l’alimentation, l’énergie...  ». Si cette déclaration s’avère véridique, elle est surtout hypocrite, car oui une mobilisation de l’ensemble des moyens industriels est nécessaire pour faire face au virus en France et dans le monde, mais aujourd’hui, on voit bien la logique dans laquelle ce dirigeant industriel fait cette déclaration : faire reprendre le travail à tout prix. Là où il est effectivement possible de produire du matériel médical, ce ne sont que des petites équipes qui ont été détachées, le gros des travailleurs restant assignés à la production de marchandises non-essentielles !

De plus, Philippe Darmayan avance la question de la concurrence, notamment avec la Chine : « Mon inquiétude est que la Chine est repartie alors que la France est arrêtée. C’est un danger très important pour notre industrie  ». La logique est la même que pour Airbus, qui cherche à gagner des parts de marché sur Boeing. L’enjeu est économique, pas sanitaire.

Dans cette grande opération de la reprise du travail, le patronat donne toute son énergie et mène une véritable guerre à la santé des travailleurs. L’hypocrisie est toujours de mise, quand on entend un patron avancer le fait que « 2 heures par jour seront consacrées à la désinfection des ateliers », alors que le gouvernement a entériné la possibilité de travailler jusqu’à 60 heures par semaine ! Partout les congés sont attaqués, le temps de travail va augmenter et les cadences vont s’accélérer. Bref, la crise risque d’être payée par les travailleurs. La déclaration de Macron ce lundi 13 avril mentionne peu cette question, mais prépare néanmoins cette reprise, avec notamment la réouverture des écoles, pourtant de véritables foyers de contagion, mais qui vient en réalité répondre à la nécessité de libérer les parents afin de les renvoyer au travail.

Face à cela, les réponses devront être collectives, dans certaines usines des grèves ont déjà eu lieux pour exiger des mesures sanitaires minimales comme à Allard Emballages. Si reprise du travail il doit y avoir, elle doit se faire sous le contrôle des travailleurs : les CHSCT, acquis non-négligeables, ont été démantelés avec la création des CSE et ces instances ne sont plus suffisantes, encore moins dans la période ! Les décisions doivent revenir aux travailleurs, que les usines restent fermées ou ouvrent avec l’accord de commissions indépendantes, permettant un suivi des risques hors d’atteinte de l’avidité du patronat.

Crédit photo : PHOTO PIERRE ROUANET - VDNPQR


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