×

La sélection à l'université en application

Parcoursup dissuade les bacheliers technologiques de postuler en fac

Mail de Parcoursup aux étudiants des filières technologiques : « En tant que bachelier technologique, vous êtes vivement invité à formuler des vœux en DUT car ces formations font partie de celles dans lesquelles vos opportunités de réussir sont les meilleures. »

Facebook Twitter

Les bacheliers des filières technologiques premiers touchés par la sélection à l’Université

Reçu par les bacheliers des filières technologiques de la part de la plateforme Parcoursup, ce courriel invite « vivement » les étudiants des filières technologiques à se détourner des études supérieures. Si, en principe, l’accès égal à l’éducation est un droit, chacun étant formellement libre de s’inscrire dans la filière de son choix à l’université, la réalité des faits contredit largement la rhétorique déployée par le gouvernement.En effet, la composition sociale du milieu universitaire reflète presque de façon inversée la composition sociale de la société hexagonale. Selon les statistiques de l’Education nationale, en 2017, les étudiants des classes « moyennes » ou« défavorisées » composaient respectivement 82,5 et 68,6% des effectifs des filières professionnelles et technologiques ; inversement, on compte un fils d’ouvrier à l’université pour trois fils de cadre. Mais si les processus de sélection et d’auto-censure dans l’accès à l’Université ont été dévoilés par de multiples recherches en sociologie (on peut citer notamment Les Héritiers, de Bourdieu et Passeron, publié en 1964), la loi dite « orientation réussite des étudiants » adoptée par le Parlement exacerbe ces tendances.

D’une part la complexité des démarches administratives inhérentes aux nouveaux processus de sélection – rédaction de CV, lettre de motivations, fiches de parcours – a tendance à écarter de fait les étudiants des classes populaires, souvent peu rompus à ce genre d’exercices et donc prompts à s’auto-censurer ; d’autre part, la nature des attendus par licence évinceront les candidats des classes populaires, ne pouvant de fait répondre à des prérequis dont la nature de classe est manifeste : maîtrise du latin ou du grec, engagement associatif, bilinguisme, voyages à l’étranger ; autant d’activités qui, si elles sont rarement accessibles aux populations des classes populaires, constituent les loisirs quotidiens de la bourgeoisie.

En outre, il convient de rappeler que la plupart des étudiants des classes populaires sont contraints, pour palier une situation précaire, d’exercer une activité salariée en parallèle de leurs études ; aussi, quand bien même devraient-ils réussir à passer l’étape de la sélection, ceux-ci seront d’autant plus fragilisés par les nouvelles modalités de validation qui mettent fin à la possibilité de compenser les matières entre elles pour valider un semestre, de même que les rattrapages et les redoublements dans certaines filières.

Une Université ajustée sur mesure aux besoins de la bourgeoisie

Ainsi se met en place un processus d’auto-sélection de la part des étudiants des filières technologiques, sélection accrue par une virulente propagande de la partdu gouvernement en vue de faire intégrer aux étudiants des classes populaires que les portes de l’université leur seront désormais closes. Exclus de plus en plus prématurément des études supérieures (en 2017, sur 1 623 500 étudiants en filières technologiques, seulement 14.000 étudiants poursuivaient des études supérieures), les étudiants des classes populaires se voient contraints de s’ « orienter » vers des filières privées aux coûts parfois exorbitants, tandis que les rejetons de la bourgeoisie continuent de squatter les bancs des filières sélectives de l’université ou des Grandes Ecoles.

Les Macron Leaks constituent à ce titre une véritable feuille de route du gouvernement pour la réforme de l’université ; ainsi de la contribution de Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’ENSAE, qui révèle avec un cynisme décomplexé le sort réservé aux étudiants des classes populaires, transformés en une lucrative source de revenus pour formations privées :« Tous les étudiants devront donc 1000 euros de droits (à la prochaine rentrée). Même les élèves d’IUT. Mais personne ne sera obligé de débourser cette somme tout de suite. Si j’étais fils d’ouvrier et que je venais de me faire refuser l’entrée en IUT, et qu’une université m’offrait de rentrer dans une formation de technicien supérieur bien organisée, avec des débouchés, qui sélectionne à l’entrée, où je serai bien encadré et où on me demande 1000 euros, j’y cours ! »

Pour une université ouverte aux travailleurs et fermées aux intérêts bourgeois

Le sort de l’université est intimement lié à celui de la classe ouvrière, seule classe qui dispose d’un intérêt réel à l’accès public à l’éducation. En effet, les questions propres à l’université dépassent largement le cadre de l’université : ainsi des conditions d’études (bourses, logements, contenu de cour, etc.) ou encore d’études dont les débouchés se résument à l’alternative consistant à exploiter ou être exploité (avec la seconde option qui échoit principalement aux étudiants des classes populaires).

Seule, la jonction des étudiants avec les travailleurs est capable de créer un rapport de forces susceptible de l’emporter face aux multiples attaques du gouvernement qui ne cesse, depuis des décennies, de s’attaquer avec toujours plus de véhémence aux acquis d’une université publique. Aussi, ce 22 mars, date de mobilisation de tous les secteurs, doit-il permettre de montrer que cinquante après, le spectre de mai 68, véritable hantise de la bourgeoisie, n’a pas fini de rôder.

Crédit : THIERRY DAVID


Facebook Twitter