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VIDAL DÉMISSION

Paris 8. Retour en présentiel à la fac : réelle mesure ou mascarade ?

Si le gouvernement avait promis le retour en présentiel une fois par semaine à l’université, la réalité est tout autre. Le collectif Le Poing Levé a interrogé plusieurs étudiant-e-s de Paris 8 sur cette mesure cosmétique.

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Une situation alarmante dans la jeunesse

Depuis un an, en raison de la crise sanitaire, les universités sont fermées. Pendant le premier confinement, l’ensemble les étudiant-e-s se sont retrouvé-e-s à devoir passer leurs journées devant leur ordinateur, devant parfois travailler sans connexion internet ou dans des endroits peu propices à la concentration. À la rentrée, les universités ont rouvert pendant 2 semaines avant de fermer pour le deuxième confinement, un confinement made-in MEDEF avec les écoles et les transports ouverts. Depuis, les étudiant-e-s ont cours en distanciel, avec tout l’isolement et le décrochage scolaire que cela implique.

Julie, étudiante en histoire-science politique à Paris 8, explique : « Je vis très mal cette crise sanitaire et les cours en distanciel. C’est vrai que c’est hyper compliqué de suivre les cours à la maison, surtout quand vous habitez dans un appartement comme moi, que vous partagez votre chambre avec votre petite sœur. C’est vrai que pour trouver de la place et travailler tout en participant aux tâches de la maison, c’est-à-dire faire le ménage, à manger, faire son lit… Pour avoir de la motivation et travailler, c’est pas facile. Être confinée avec sa famille c’est pas tout le temps facile, ne pas pouvoir s’aérer quand vous le voulez c’est pas tout le temps simple. Comme on est en crise sanitaire, vous le faites, mais c’est vrai qu’en tant qu’étudiant, ne pas pouvoir voir du monde, ne pas pouvoir côtoyer des gens, les problèmes de connexion : toutes ces choses font qu’au bout d’un moment, les cours en distanciel ça devient de plus en plus compliqué. On commence à être fatigués psychologiquement et physiquement. »

Cet isolement et ce sentiment de fatigue face aux cours en distanciel est loin d’être une exception et se retrouve chez la majorité des étudiant-e-s. Chez certain-e-s, il se transforme en détresse psychologique beaucoup plus profonde, voire en états dépressifs. Une enquête de Santé Publique France a montré que depuis le 23 mars 2020, le taux d’états dépressifs avait augmenté de 16% chez les 18-24 ans et de 29% chez les étudiant-e-s. Cette détresse psychologique s’est récemment traduite par une vague de suicides et de tentatives de suicides, manifestation extrême du désarroi profond chez la jeunesse.

Pour les étudiant-e-s étranger-e-s, la situation est encore plus catastrophique. Ces dernier-e-s, déjà isolé-e-s en tant normal du fait de la barrière de la langue et de l’adaptation à un nouveau pays, se sont retrouvé-e-s toustes seul-e-s lors des confinements, n’ayant personne vers qui se tourner en cas de problème administratif, matériel, ou de compréhension des cours. Meryam, étudiante marocaine, explique ainsi : « c’était pas évident, surtout parce que je suis arrivée en France en début d’année. J’étais toute seule, et je me sentais assez isolée. » Anne-Isabelle, elle, témoigne : « C’était difficile de s’adapter au système scolaire français, l’administration ne me répondait pas, certains professeurs non plus. J’avais beaucoup de questions et je ne savais pas vers qui me tourner. C‘était difficile de me concentrer pendant 3h derrière un ordi parce que le français n’est pas ma langue maternelle et pcq j’avais des pb de connexion. »

À cette situation d’isolement extrême des étudiant-e-s depuis un an s’ajoute une précarité grandissante. Déjà en octobre 2019, la tentative de suicide d’Anas mettait en lumière la précarité étudiante, un tabou jusqu’alors passé sous silence. Cette précarité s’est accentuée avec la crise sanitaire, et la perte de leurs emplois pour de nombreux jeunes. Au premier confinement, un-e étudiant-e sur trois a ainsi perdu son emploi. Les files de queue pour des distributions alimentaires sont la preuve glaçante de cette pauvreté et aujourd’hui, 26% des moins de 30 ans vivent sous le seuil de pauvreté.

Des mesures cosmétiques du gouvernement qui ne sont même pas tenues

Face à cette situation alarmante dans la jeunesse, le gouvernement a tenté de calmer les critiques en annonçant quelques mesures cosmétiques. En premier lieu la mise en place de « chèques psy » qui, en réalité, sont loin de permettre de résoudre la détresse psychologique des étudiant-e-s, mais également le retour d’une journée en présentiel pour l’ensemble les étudiant-e-s.

Le 22 février dernier, Frédérique Vidal a annoncé au micro de RTL que « tous les établissements sont en capacité d’accueillir de nouveaux des étudiants. D’ici la fin du mois, l’intégralité aura repris en présentiel ».

Alors que la fin de l’année approche pour les étudiant-e-s, cette annonce non tenue pour une grande partie des étudiant-e-s apparaît encore une fois comme une promesse creuse de la part du gouvernement. Pourtant, l’annonce avait redonné espoir aux étudiant-e-s, épuisé-e-s par l’isolement et les cours en présentiel. Mais très vite iels ont réalisé que ces annonces n’étaient pas réalistes. Anne-Isabelle, étudiante en licence de lettres, explique qu’elle a « très vite réalisé que ce n’était pas possible, parce qu’en plus du fait que beaucoup d’étudiants n’habitaient pas en ville, certains de mes professeurs faisaient partie des populations à risque et ont annoncé ne pas reprendre les cours en présentiel. Ce n’est presque pas possible d’appliquer cette mesure. Depuis le début de l’année, tous mes cours ont eu lieu en ligne, j’ai été très rarement à l’université depuis que je suis arrivée en France et je n’ai vu personne de mes camarades de classe ».

En effet, ces mesures ne tiennent pas compte des étudiant-e-s n’habitant pas à côté de la fac, pour qui les temps de transports sont souvent supérieurs à l’heure de cours proposée. Julie, qui habite à Clichy-sous-Bois, explique ainsi qu’elle n’a eu qu’un seul cours en présentiel. Mais « comme j’habite à 1h30 de la fac, ça ne vaut pas le coup. Surtout qu’aller à la fac une seule fois et faire le reste du semestre en distanciel, je trouve ça bizarre, c’est comme si on était des machines et on pouvait s’adapter en tout temps et en tout lieu ».

Meryam, étudiante en science politique, n’a elle de toute façon pas eu la possibilité de reprendre les cours en présentiel, comme c’est le cas de nombreux étudiant.e.s. Elle conclut en disant que de toute façon “Ce n’est pas suffisant, un jour par semaine”.

Des mesures pour tenter de cacher les scandales et les attaques envers l’université

L’annonce de la reprise partielle des cours en présentiel faisait suite au scandale lancé par Frédérique Vidal concernant « l’islamogauchisme ». Elle avait attaqué l’université et les libertés académiques à l’aide d’arguments profondément islamophobes et réactionnaires. Ces propos, accueillis par des applaudissements par l’extrême droite, avaient fait polémique et avait fait réagir beaucoup d’universitaires. Dans ce contexte, l’annonce du retour des cours en présentiel était une façon de calmer la polémique.

Pourtant, cette tentative d’apaiser le débat a été de courte durée puisque le gouvernement continue ses attaques islamophobes et contre l’université. Le mois dernier, c’est l’UNEF, un syndicat étudiant historique, qui a été l’objet des attaques du gouvernement. Cette fois, ce sont les réunions en non mixité qui sont attaquées. Le 19 mars Jean Michel Blanquer a ainsi osé parler de « choses ressemblant au fascisme » pour qualifier ces réunions en non mixité de personnes racisées, alors que cet outil peut permettre aux personnes discriminées de discuter entre elles et de s’auto-organiser face aux multiples oppressions subies.

Face à ces attaques répétées du gouvernement, soutenues par une partie de la droite et de l’extrême-droite, les quelques mesures du gouvernement à destination de la jeunesse cachent difficilement l’ampleur du mépris à l’égard de celle-ci. C’est la lassitude et la colère qui transparaît de plus en plus dans cette jeunesse désillusionnée. Julie, parlant du potentiel retour en présentiel, explique qu’elle a « l’impression que le président avait fait cette annonce pour satisfaire les étudiants mais qu’il n’y avait pas eu de concertations là-dessus. Comme s’il se débarrassait de nous en une mesure ».

Ainsi, il apparaît clairement que les étudiant-e-s et la jeunesse ne font pas partie des préoccupations du gouvernement. Celui-ci est occupé à séduire l’électorat d’extrême droite à coup de mesures répressives et islamophobes. Face à ce mépris il faut exiger un plan d’urgence pour les universités avec des investissements massifs. Si de vrais moyens avaient été alloués à l’université dès le début de la crise, il aurait été possible pour une grande partie des étudiant-e-s de vivre une année universitaire un peu plus normal, et d’éviter l’isolement, la précarité et la détresse psychologique dans laquelle le gouvernement a plongé des milliers d’étudiant-e-s.


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