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Brexit

Parlement suspendu, rejet des élections anticipées… Boris Johnson dans l’impasse

Boris Johnson cumule six défaites au Parlement en six jours. Cette fois, la chambre des Communes a voté contre l'appel à des élections anticipées. L'issue du « feuilleton Brexit » demeure encore et toujours incertaine.

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Dans la nuit de lundi à mardi, le Premier Ministre britannique a subi un nouveau vote défavorable au Parlement. Le sixième en six jours, un record pour le successeur de Theresa May. La Chambre des communes (Chambre basse) a voté contre l’appel à des élections anticipées, comme l’avait invoqué Johnson. Ce vote est le dernier jusqu’au 14 octobre, date à laquelle les sessions reprendront.

Plus tôt dans la journée, John Bercow, figure incontournable dans les débats sur le Brexit, président de la Chambre des Communes pendant dix ans, et membre du parti conservateur (tout comme Johnson) annonçait les larmes aux yeux qu’il quitterait son poste au plus tard le 31 octobre, date fatidique pour que la Grande-Bretagne et l’UE trouvent un accord. Tout un symbole. Bercow avait qualifié de « scandale constitutionnel » la suspension forcée par Johnson des séances parlementaires pour cinq semaines.

Après avoir reçu cinq claques par le Parlement, Boris Johnson pariait sur le fait qu’un appel à des élections anticipées lui permettrait de regagner la majorité et de tenir ainsi sa promesse de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne. Selon la moyenne des derniers sondages publiés par le journal The Times, dans une hypothétique élection anticipée, le Parti conservateur de Johnson obtiendrait 34 % des voix, le Parti travailliste 25 %, le Parti libéral démocrate 18 % et le Parti du Brexit 12 %. Mais la proposition a obtenu 293 voix, loin des 434 voix nécessaires (les deux tiers) à son adoption. Les députés ont donc rejeté pour la deuxième fois en cinq jours l’appel de Johnson à des élections anticipées. Une nouvelle fois, l’opposition s’est unie pour contrecarrer les plans d’un Premier Ministre qui, rappelons-le, a pour seule légitimité le vote de 92 000 membres du parti conservateur.

Cet appel était l’ultime manœuvre d’un Johnson qui, la semaine dernière, sollicitait la Reine afin de suspendre, pendant 5 semaines, les sessions parlementaires. Bien qu’il s’agisse d’une procédure régulière, cette manœuvre est clairement anti-démocratique, ce qui a provoqué un torrent de critiques et même la sortie de centaines de milliers de britanniques dans la rue lors de manifestations contre le « coup d’Etat » de Johnson.

Conséquence, « Bojo » a facilité l’alliance multipartite au sein de la Chambre des Communes entre le Parti travailliste, les Verts, les Libéraux Démocrates et les Conservateurs dits « rebelles », perdant sa majorité plus une voix à la Chambre basse censée exprimer la « souveraineté populaire » électorale. Symbole de l’exacerbation des tensions et contradictions au sein du parti conservateur, le 3 septembre dernier, les 22 conservateurs « rebelles » ont été expulsés de leur parti. Réaction en chaîne, deux conservateurs clés du gouvernement Johnson ont démissionné dans la foulée : Amber Rudd, ministre au Travail et aux Retraites et... le frère du Premier Ministre Jo Johnson, déplorant que son frère n’agissait pas « dans l’intérêt national ». Ambiance...

Une issue encore et toujours incertaine

La Chambre des communes, – ayant à l’esprit le suspension des séances parlementaires à venir – a ainsi adopté la semaine dernière une loi d’urgence « anti no-deal » qui oblige le Premier Ministre à solliciter auprès de l’UE un report de trois mois du Brexit en cas d’absence d’accord avec Bruxelles avant le 31 octobre. Isabelle II, dans sa fonction anachronique de cheffe de l’Etat, a donné son approbation, et la loi est entrée en vigueur ce lundi 9 septembre. Ainsi le Premier Ministre britannique est-il normalement contraint de repousser le Brexit au 31 janvier 2020 si aucun accord n’est trouvé avec Bruxelles avant le 19 octobre (cinq jours après la reprise des sessions parlementaires), ce qui semble le plus probable en l’état.

Loin d’être une solution à la crise britannique, la nouvelle loi peut au contraire l’approfondir. Boris Johson a répété à plusieurs reprises qu’il ne demanderait pas une nouvelle prorogation, il est même allé jusqu’à lancer :« plutôt mourir dans un fossé ». Selon des juristes, le chef du gouvernement pourrait alors faire l’objet d’une condamnation pour « outrage à la Cour » (obstruction parlementaire) et être alors jugé par la Cour suprême avec possibilité de finir en prison, si un juge lui ordonne de faire la demande à Bruxelles et qu’il refuse. Il n’est pas certain non plus que l’UE acceptera de reporter le Brexit si aucun accord n’est trouvé d’ici au 31 octobre.

Comme si le refus de déclencher des élections anticipées ne suffisait pas, le Parlement a adopté un projet de loi pour obliger Johnson à délivrer les documents de l’opération Yellowhammer, nom de code attribué aux plans du gouvernement pour réaliser un Brexit sans accord avec l’UE (Brexit dur). La motion, déposée par l’ancien conservateur Dominic Grieve, oblige Johnson à divulguer les messages échangés avec ses conseillers par le biais de réseaux sociaux et de services de messagerie, que ce soit via son téléphone officiel ou personnel. Les avocats du Premier Ministre ont interjeté appel.

La démission de Johnson n’est pas non plus à exclure. Elle est même le scénario le plus probable pour certains observateurs à l’image de l’économiste de la banque JP Morgan Malcolm Barr, qui dans une note envoyée à ses clients, et reprise par l’agence de presseReuters, affirme : « Le seul scénario qui nous semble viable, c’est que le Premier ministre présente un deal à la Chambre des communes, s’assure de leur accord et démissionne pour laisser quelqu’un d’autre demander un report. »

Si pour « Bojo » le poste de Premier Ministre était l’objectif d’une vie, il pourrait finalement se convaincre de démissionner, obligeant son successeur, selon toute vraisemblance le travailliste Jeremy Corbyn, à demander un report du Brexit à sa place. Dans ce coup de billard à trois bandes, la démission de Johnson conduirait à « une élection dans laquelle les travaillistes pourraient être blâmés pour l’échec du Brexit », estime le quotidien Britannique The Guardian.

Ces turbulences qui paralysent le Royaume-Uni sur la question du Brexit depuis des mois trouvent leurs racines dans la fracture sociale résultant des contre-réformes néolibérales. Une chose est certaine, pendant que la caste politicienne s’affronte à grands coups de calculs électoraux et autres manœuvres, « la plus grosse crise politique dans l’histoire moderne du Royaume-Uni » (pour reprendre les mots du député « rebelle » Dominic Grieve) n’annonce une nouvelle fois rien de bon pour l’avenir des classes populaires britanniques qui auront, Brexit ou non, à payer la note de la crise.

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