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Xénophobie

Pendant ce temps, la répression des « mineurs étrangers » se durcit

Dans le cadre de la loi « asile et immigration » de Gérard Collomb, le gouvernement est sur le point de mettre à la disposition des préfectures un nouvel outil de répression des jeunes demandeurs d’asile présents sur le territoire. De nombreuses institutions et associations dénoncent cette nouvelle mesure qui, fondée sur un principe implicite de « préférence nationale » tout à fait illégitime, exposera ces jeunes à un danger encore plus important qu’il ne l’est déjà.

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Statut de « mineur non accompagné » (MNA) : l’évaluation arbitraire de l’âge

Les mineurs étrangers, arrivés sur le territoire français dans le but premier de survivre, peuvent depuis 2016 prétendre à un statut de « mineur non-accompagné » (MNA) leur donnant accès à un dispositif de protection de l’enfance relevant des départements. Cela permet, en théorie et quelle que soit leur nationalité, le respect des droits des enfants et des adolescents qui sont considérés comme particulièrement vulnérables par le droit français. Cependant, en pratique, le statut n’est que rarement octroyé et ces droits sont constamment violés par les institutions nationales.

Le principal mécanisme de refus du statut repose sur le critère de la minorité : pour être reconnu comme MNA, la personne doit avant tout avoir moins de 18 ans. Or, comment déterminer un âge en l’absence de documents formels, tels qu’un acte de naissance qui n’existe parfois même pas dans le pays d’origine ? L’âge de ces jeunes est évalué par l’administration départementale via des méthodes très approximatives, principalement par des contrôles documentaires et par des analyses médicales, notamment des examens osseux censés déterminer si la personne a plus ou moins de 18 ans. Surtout, comme le démontre notamment un rapport d’inspection de 2018, ces méthodes d’évaluation sont extrêmement hétérogènes : elles diffèrent d’un département à l’autre, avec des résultats allant de 9% à 100% d’octroi du statut. Cela traduit un ajustement des méthodes d’évaluation à la capacité d’accueil des départements, comme le souligne le Syndicat de la magistrature qui dénonce depuis des années « le caractère arbitraire de la procédure d’évaluation »

De ce fait, il existerait aux yeux du gouvernement un phénomène croissant de « nomadisme » des mineurs étrangers qui iraient systématiquement demander le statut de MNA de département et en département, jusqu’à l’obtenir. Si cette pratique doit avoir une réalité étant donnée l’hétérogénéité des méthodes d’évaluation, aucune étude ne prouve qu’il existe une proportion importante de réévaluations et encore moins que celles-ci ont un coût qui justifierait la répression à venir.

Le fichage pour mieux expulser

Dans un décret imminent, Christophe Castaner — ministre de l’Intérieur — et Agnès Buzyn — ironiquement ministre « de la santé et des solidarités » — entendent répondre à ce « problème majeur » (fictif ?) par l’obligation pour les jeunes prétendant au statut de MNA de se présenter à la préfecture qui serait alors chargée de réaliser un fichage biométrique différent de l’évaluation de l’âge par les départements, appelé « Appui à l’Évaluation de la Minorité » (AEM). Les départements ne seraient pas obligés mais incités par un bonus financier à ajouter dans ce fichier leurs évaluations réalisées « à la sauce locale » et donc de les partager avec les autres préfectures et départements afin d’éviter les réévaluations. De ce fait, si un jeune mineur était évalué majeur dans un département particulièrement réfractaire à l’accueil de migrants, il ne pourrait pas tenter sa chance ailleurs et se verrait aussitôt opposer une « occupation de quitter le territoire » par la préfecture, avant même que l’évaluation de son âge puisse être contestée en justice. Il s’agit là, d’après Médiapart, « d’une collaboration inédite entre départements volontaires et préfectures, soit entre services chargés de la protection de l’enfance d’un côté et fonctionnaires chargés des expulsions de l’autre, ces derniers ayant la main sur le fichier ». Le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) a également souligné « une confusion entre les missions de protection de l’enfance […] et les missions de contrôle et de séjour des personnes étrangères sur le territoire français ».

S’il voit le jour, les conséquences de ce nouveau décret seraient principalement la mise en danger des jeunes exilés, mineurs ou non, qui risquent de préférer rester dans la clandestinité que de se présenter à la préfecture, institution ayant juridiquement la charge de leur expulsion et non de leur protection. En outre, ce dispositif tend à mettre en place une « présomption de majorité ». En effet, avec ce décret, si un jeune refusait de se soumettre au fichage, ce refus serait communiqué au département dans lequel il se trouverait et cela pourrait potentiellement être interprété comme un aveu de majorité justifiant la fin de sa prise en charge. De plus les estimations de l’âge souvent réalisées à la hausse ne pourront que très difficilement être remises en cause, moyennant un recours à la justice sous la menace d’une obligation de quitter le territoire dans des délais très resserrés.

« C’est pas les immigrés qu’il faut virer, c’est le capitalisme et l’Etat policier »

Ce slogan parfois repris dans les manifestations des Gilets jaunes est plus que jamais d’actualité. La répression dont font l’objet les manifestants est le pain quotidien des populations issues de l’immigration et des personnes exilées, qui se retrouvent sur le sol français à cause de conflits ou de situations de pauvreté qui sont historiquement initiés et entretenus par les puissances impérialistes parmi lesquelles la France figure aux premiers rangs. Avec ce décret et la loi « asile et immigration » qui l’a rendu possible, le gouvernement s’en prend à des enfants et à des adolescents dont la vie est jugée moins importante sans aucun fondement, si ce n’est celui de la « préférence nationale » utilisée pour mettre en compétition les hommes et les femmes de part et d’autre des frontières. Il s’agit de ne pas tomber dans le piège et de se montrer solidaire des personnes exilées, qui sont elles aussi et en premier lieu victimes de la répression administrative, policière et judiciaire et de la violence patronale en France.

Crédit photo : Archives LCS


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