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Confinement et transphobie

Pérou et Panama : pendant le confinement, sorties séparées entre hommes et femmes : les minorités de genre en danger

Depuis le 1er avril, au lendemain de la journée internationale de visibilité trans, les gouvernements panaméens et péruviens ont imposé des sorties genrées pour "diviser par deux le danger du covid-19". Une mesure qui met en lumière les violences transphobes qui s'aggravent, l'institution policière machiste y joue à coeur son rôle de répression.

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Des autorisations de sortie “genrées” au Panama et au Pérou

Depuis le 1er avril, lendemain de la journée internationale de la visibilité trans, les gouvernements péruviens et panaméens ont imposé à leurs populations des autorisations de sorties genrées. Cette mesure oppressive, qui met en lumière le système patriarcal, est prise en période de confinement déjà autoritaire pour tenter de gérer la crise sanitaire. En effet, poursuivant l’objectif de « sauver des vies », ces gouvernements ont trouvé judicieux d’établir des jours de sorties uniquement destinés aux femmes et d’autres uniquement aux hommes. De ce fait, les hommes peuvent sortir le mardi, le jeudi et le samedi et les femmes, elles, le lundi, le mercredi et le vendredi pour se rendre faire des courses de premières nécessités en supermarché ou à la pharmacie.

Avec plus de 1400 cas de contamination le 3 avril au Pérou, la mesure en question doit normalement rester en vigueur jusqu’au 12 avril. Pour Vizcarra, président Péruvien, cette mesure se justifie par la nécessité de prendre le contrôle sur l’évolution du virus. Or, l’autorisation à sortir ou pas selon le jour de la semaine est évidemment relatif au genre assigné sur la carte d’identité, laissant la porte ouverte à des agressions, des humiliations et ou des arrestations totalement arbitraires pour les personnes appartenant à des minorités de genre.

Mise en exergue des failles du système patriarcal et ignorance des minorités de genre

Ces États laissent penser que c’est pour « réduire de moitié le nombre de personnes dans les rues » et ainsi “sauver des vies”, cependant ils participent, en même temps, à la marginalisation des minorités de genre. En effet, avec un appareil répressif patriarcale, de l’Etat, comment espérer que les femmes trans, identifiées comme « homme » sur leurs papiers d’identité, mais aussi les personnes non binaires et les autres personnes appartenant à une minorité de genre ne soient pas victimes d’une répression toujours plus forte ?

C’est ce que prouve l’ONG Humans Rights Watch, en rendant compte de la situation de Bárbara Delgado, une femme trans arrêtée dès le 1er avril car elle serait sortie « le mauvais jour ». Alors qu’elle se rendait dans un centre médical afin d’y effectuer une mission de bénévolat, Bárbara est arrêtée en compagnie de trois autres personnes, dont deux hommes, qui allaient donc à l’encontre de la mesure instaurée. Bárbara est la seule à avoir été arrêtée, sous prétexte que ses papiers d’identité, indiquant le genre « masculin », prouvait qu’elle violait la mesure relative au confinement. Après trois heures d’humiliation, durant lesquelles on lui répète que la police a bien fait de l’arrêter puisqu’elle n’est « pas une femme », Bárbara finit par être relâchée, non sans avoir écopé d’une amende dont le montant est équivalent à 46 euros.

Ce témoignage illustre la gestion de la crise sanitaire actuelle par ces gouvernements qui met en lumière les failles du système patriarcal : cette binarité imposée positionne l’Etat en tant qu’arbitre armé de l’identité de genre de chacun et chacune d’entre nous. Aussi, les personnes transgenres, non binaires et/ou appartenant à une minorité de genre se voient exclues et d’autant plus forcées de rentrer dans les cases pré-établies du système patriarcal sous la menace de violences policières.
De fait, cette mesure arbitraire, prônant la binarité, ignore et opprime directement les minorités de genre. Mais c’est aussi une manière pour ces états de faciliter le renforcement de l’appareil répressif avec le confinement, à l’internationale, avec la crise du COVID-19.

Une mesure qui facilite une répression toujours plus forte

Ironie du sort, les représentants de ces gouvernements ont souligné le fait que “les militaires et les policiers qui patrouillent dans les rues devraient respecter les homosexuels et les transsexuels”, et “ne pas avoir d’attitudes homophobes”, ce qui prouve que ce n’est pas une évidence pour cette institution. Mais comment croire ces gouvernements quand on sait “qu’il y a encore des patrouilles de police qui utilisent l’argument selon lequel Dieu a seulement créé Adam et Ève” ? témoigne Ricardo Beteta, membre de l’association des hommes et femmes neufs de Panama (association LGBT). Comment également donner une crédibilité à leurs propos, quand partout dans le monde, nous sommes habitués à leur humiliation lorsqu’il s’agit de prendre en charge des plaintes de femmes, des minorités de genres et/ou sexuelles que ce soit au sujet des agressions, des viols, des violences conjugales, ou le plus tragique, des féminicides ? Comment pouvons-nous leur faire confiance lorsque ce sont les mêmes qui nous matraquent et nous gazent dans les rues lorsqu’on manifeste ?

La communauté trans panaméenne, elle, revendique sa volonté de disposer des droits fondamentaux tels que la liberté de circuler, même dans les limites imposées par le confinement, sans avoir à prendre des risques démesurés lors des sorties autorisées, en croisant le chemin de policiers ou de militaires à la botte du système répressif et fondamentalement patriarcal.

C’est également l’avis de Paul González, représentant de Hombres Trans Panamaá, organisation dédiée à la visibilité de la communauté des hommes trans au Panama. Selon lui, peu importe le jour choisi, sortir de chez soi lorsque l’on fait partie de la communauté trans au Panama revient à s’exposer à toute sorte de déferlement d’insultes et de violences transphobes, ce qui inclut la possibilité de finir en détention qu’elle soit provisoire ou non.

Finalement, ces mesures défendues soi-disant dans une optique de protection de la population par les Etats s’inscrivent avant tout dans un système capitaliste et patriarcal qui est toujours, et de plus en plus, autoritaire. La crise du coronavirus met en lumière et aggrave encore plus les oppressions faites aux femmes et aux minorités de genre. Ces décisions ont pour but de faciliter la répression des habitants, tout en exposant davantage les minorités de genre à celle-ci, déjà victimes de violences institutionnelles et policières quotidiennement.

Crédits photo : Abaca (à Panama le 1er avril)


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