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Hollande, Vinci et « La Catalane »

Perpignan : Inauguration de l’A9 par Hollande. Épopée d’une action manquée.

Julien Grimal - correspondant Lundi 25 juillet, 16h30 : c’est en fouillant parmi les différentes publications des groupes Nuit Debout de France et de Navarre, que soudain, un portrait désobligeant apparaît sous les yeux de ma copine… Un article, partagé par une amie CGTiste, socialiste libertaire d’obédience, que nous appellerons G. pour qu’elle ne se retrouve pas de nouveau sur écoute (à présent légale depuis la LOPSI2), nous impose la vision de notre président. Le texte annonce l’arrivée du chef de l’Etat en date du 28 juillet, pour l’inauguration de la nouvelle portion 2x3 voix de l’A9 aussi appelée « La Catalane », entre Rivesaltes et Le Boulou, réalisée par et pour Vinci pour un montant de 500 millions d’euros.

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L’instant de stupeur passé – une grosse huile en Roussillon c’est très rare, aussi rare qu’un homme politique de la région non corrompu, c’est dire – nous lisons donc l’article susmentionné dans l’espoir de savoir quand et où nous pourrions aller le conspuer en toute liberté.
Quelle déception ! Rien, aucune précision autre que celles mentionnées dans le titre, en un mot, nada. « Pas grave », nous disons-nous, « nous aurons plus d’information sur l’agenda présidentiel ! ». Mais non… nous devinons seulement que l’inauguration se tiendra dans la matinée.
Tout cela semble être organisé dans la plus grande discrétion… pourtant les politiques aiment à se montrer en règle générale, surtout quand il s’agit d’arborer une coiffure normale à 10.000 euros. Car la normalité semble se monnayer chère ces temps-ci, et surtout sur le dos du contribuable preneur d’otage.
« Pas grave » nous disons-nous, « l’intersyndicale fera sûrement ce qu’il faut pour le découvrir et agir en conséquence. » Nous finissons donc notre soirée comme beaucoup d’anormaux – parce qu’on n’a pas les sous pour la normalité, nous – de notre époque, en avalant plusieurs épisodes à la suite d’une série abrutissante contemporaine.

Mardi 26 juillet : en nous levant le matin, nous nous remémorons notre espérance de la veille et guettons patiemment la réaction syndicale qui se doit, pour l’occasion, d’être magistrale.
Mais non. La journée se passe tranquillement, nous partons à la pêche d’informations, nous en sortons bredouille, toujours aucune annonce de l’intersyndicale.
Nous finissons le visionnage de notre série B.

Mercredi 27 juillet : enfin une réponse de l’UD est publiée !

G. nous a envoyé la réaction des syndicats face à ce micro-événement majeur dans la vie politique départementale. Elle prévoit… un rassemblement devant la préfecture de Perpignan à 12h.
Quoi !?! Un rassemblement là où Hollande ne sera pas ? Pire même, à une heure où il ne sera plus là ?
Impossible.
Nous décidons donc de prendre les choses en main afin de débusquer notre proie, nous ne sommes peut-être pas très bons pour la pêche : fi donc de la patience et de la contemplation, nous irons donc le chasser, notre gros poisson.
Dans l’urgence nous établissons donc le plan de notre chasse à cour (présidentielle). Nous contactons alors notre répertoire d’activistes plus ou moins modérés, créons un groupe de discussion et commençons à plancher sur une méthodologie sur la base du peu d’informations que nous avons sous la main.
Nous savons donc que l’inauguration se fera entre les terres arides de Rivesaltes et les collines verdoyantes du Boulou. Le matin, très certainement, entre 9 et 10h, à l’heure où beaucoup de gens normaux commencent à travailler.

Et que, comme tout Français normal, notre président ne se déplace qu’en airbus privé dès qu’il s’agit de ne pas aller voir sa maîtresse.
Logiquement un protocole de sécurité devrait se mettre en place tôt le matin : nous décidons, pour repérer l’endroit où le dispositif sécuritaire sera le plus visible, donc de sacrifier nos deniers sur l’autel de Vinci pour emprunter la toute nouvelle voie fraîchement construite afin de donner une excuse à la prolongation du partenariat public/privé sur 20 ans si lucratif pour le second au détriment du premier, ce qui reste dans la normalité me direz-vous.

Le RDV est donc fixé après explication du plan d’action, pour le lendemain 5h.
Nous décidons de faire une nuit blanche à défaut de la passer Debout, ce sera facile au final vu le degré d’excitation que nous procurait l’idée d’être une épine d’oursin, ne serait-ce que pour quelques heures, dans le pied de l’oligarchie en place.

Jeudi 28 juillet 5h30 : nous partons direction le péage Perpignan nord situé à Rivesaltes, oui je sais entre le Boulou qui fait du Rivesaltes, et le péage de Perpignan qui se fait à Rivesaltes, il semblerait que les édiles roussillonais soient aussi douées en géographie qu’un présentateur de JT sur CNN.

Face au péage, un panneau luminescent nous donne un premier indice : « Travaux à 3km ». Nous prenons notre ticket d’entrée et commençons a faire avaler l’asphalte aux pneus pas encore lisses de la Clio bleue de J.

Les trois premiers kilomètres passés, nous remarquons la fermeture « pour travaux » de l’aire de Rivesaltes. Derrière celle-ci se trouve la caserne de la brigade mobile autoroutière de la gendarmerie nationale. Nous sommes à présent sûrs à 99% que l’inauguration se tiendra là, mais infiltrer une gendarmerie, cela s’annonce de mauvais augure malheureusement. Nous continuons tout de même de suivre notre trajet initial jusqu’à sa destination finale. Il serait bête de nous tromper si cela ne se passait pas là.

6h30 : après avoir passé l’aire de Pia, nous arrivons à l’aire du village catalan située non loin de la sortie Le Boulou. Il y a bien des représentants de l’Etat, mais ce sont des douaniers, lourdement armés, fouillant méthodiquement deux poids lourds, arrêtés pour l’occasion sur la chaussée.
Pas besoin de vérifier le siège de Vinci. Nous retournerons donc sur Rivesaltes. Et si pour notre sécurité, nous ne pouvons pas nous arrêter sur l’autoroute nous décidons donc de trouver la seconde voix d’entrée de la caserne.

7h : nous payons notre dîme au grand capital au péage et partons pour Rivesaltes.

7h30 : non loin de la commune nous apercevons le premier panneau fléché titré « Inauguration de l’Autoroute A9 ». Bingo ! Nous avons notre île, nous prévenons donc nos contacts. G. est prévenue la première, elle s’occupera de contacter l’intersyndicale. Nous partons à la recherche de cartons et de marqueurs pour faire les pancartes. La gérante de la supérette nous les offre gentiment quand elle apprend le pourquoi de leur utilisation, nous encourageant chaleureusement du plus profond de son cœur et regrettant de ne pas pouvoir venir se faire un petit plaisir.

8h : Peu de personnes répondent, et pour celles qui le font, uniquement pour s’excuser de ne pas pouvoir venir… Ça commence mal, en même temps en s’y prenant la veille, on se doutait bien qu’on aurait pas grand-monde, mais bon les militants pros viendront eux.
Nous nous rapprochons de la caserne dans un champ à proximité, légèrement en retrait visuel de l’embranchement menant à la réserve de gendarmerie environ 1km plus loin selon nos estimations (les réseaux téléphoniques semblent brouillés et nous n’avons pas de cartes de la région sur nous), un petit dispositif répréss… heu de sécurité pardon s’installe non loin lui aussi afin de nous surveiller, et nous commençons la confection de pancartes.

« La hiérarchie c’est comme les état(s)gères. Plus c’est haut moins ça sert !Hollande/Valls Démissions » (Je me disais que « Demis-Fions » m’aurait valu une plainte pour outrage à magistrat dans l’exercice de ses fonctions, et « Demis-Fillon », les gens n’auraient pas compris le jeu de mots)

« Séparation du Medef et de l’État ! Loi Travail c’est toujoursNON ! »
« Hollande Valls ça sent l’Sapin »
« Plus de routes, moins de trains, c’est ça le futur ? »
« Vinci à des milliards. Nous sommes des millions ! Un jour ils le payeront ! »

« Notre-Dame-des-Landes. Notre-Dame-des-Luttes ! »

8h45 : G. arrive sur place. Elle n’a pas de réponse de l’UD pour le moment… Ça commence a sentir le sapin pour nous, en fait.

9h : Toujours aucune réponse de l’UD intersyndicale. Nous réfléchissons aux moyens d’actions possibles à quatre.

Se positionner entre l’aéroport et la caserne ? Ni l’autoroute ni les routes de campagnes ne sont bloquées, ce qui veut dire qu’il quittera l’aéroport par hélicoptère… Ce voyage pour une petite sauterie de deux heures va coûter cher aux anormaux contribuables, et en bilan carbone tout autant… donc ça ne sert à rien.
Se poster devant la gendarmerie afin de montrer à la presse que nous sommes là tout de même et que malgré la discrétion dont ils ont fait part, des citoyens se sont tout de même motivés pour exprimer leur ras-le-bol de ce système inique ? On va finir en GAV… G. n’est pas très motivée, elle a la garde de son enfant aujourd’hui.
Nous décidons donc à trois d’aller exprimer notre colère donnant rendez vous à G. à la Préfecture à 12h au cas où on ne finirait pas au poste pour une durée de 24 à 36h… Tant pis si les syndicats ne savent pas prendre d’initiative militantes !

Nous descendons de notre jachère aux odeurs de fenouil rappelant qu’à cette heure-ci, certains sont à l’anisette comme petit déjeuner, et espérant que ces personnes soient, comme la sagesse populaire nous le rappelle si souvent, les petits hommes en bleu, et soudain, c’est le drame… Au croisement, encore vide une heure avant, se tient une vingtaine de gendarmes faisant la circulation pour les invités prévenus du lieu et de l’horaire, semblerait-il, seulement une heure plus tôt… nous remontons donc alors à la voiture espérant pouvoir se positionner en amont de la route…
Impossible, depuis la voie rapide jusqu’à Rivesaltes, une fourgonnette est positionnée tous les cents mètres. Notre opération tombe à l’eau. À 1 contre 6 environ nous seront en GAV avant même d’avoir pu être vus par la presse… si seulement les syndicats étaient là… nous aurions pu, en nombre faire quelque chose !

De retour vers Perpignan nous passons devant l’aéroport espérant peut-être pouvoir, depuis le bord du tarmac, tenter d’hurler de toutes nos forces… Mais le dispositif policier y est aussi nombreux, si ce n’est plus important encore qu’à l’entrée de la caserne ! Un fourgon est même garé au milieu du rond-point-quadrant-solaire à 300.000 euros + 50.000€ par an pour les changements d’horaire et qui ne donne l’heure qu’aux passagers normaux capables de se payer un vol en hélico afin de vérifier que leur rolex est bien réglée !
Tous les conducteurs souhaitant rentrer à l’aéroport sont bloqués et leurs voitures fouillées de fond en comble.

Nous retrouverons donc G. à 12h à la préfecture, afin de faire un peu de nombre pour soutenir une action stérile menée par une grosse cinquantaine de personnes selon moi, une petite centaine selon les journalistes (il sont gentils ici, ils essayent de nous réconforter).

Nous proposons alors plusieurs actions pour marquer le coup, une opération péage gratuit pour fêter l’inauguration avec les usagers ? L’occupation des locaux de Vinci ? Rien ne sera retenu, il semblerait que personne ne prête l’oreille.

Bilan de la journée ?

Une petite sauterie de deux heures qui se déroule au calme pour quelques dizaines de milliers d’euros (sans compter le salaire des fonctionnaires de police et de gendarmerie) entre oligarchie (deux ministres étaient aussi présent), gros pontes de Vinci et l’aïoligarchie locale, tous rappelons le, tout à fait normaux. C’est donc le cœur triste que je me suis posé cette question : mais où sont donc passés les enfants du POUM ? Où sont donc passés les enfants des derniers Communards ? Une chose est sûre, ils ne sont certainement plus chez moi…


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