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Plan d’urgence : des milliards pour les entreprises, des miettes pour les soignants

Ce 15 avril, le gouvernement a annoncé une forte augmentation du budget du plan d'urgence économique. S’il a mis l'accent dans sa communication sur les primes destinées aux fonctionnaires et les aides aux précaires, celles-ci apparaissent dérisoires au regard du budget alloué aux entreprises.

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Crédit photo : Michel Euler / POOL / AFP

Ce 15 avril, Gerald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes Publics et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, ont présenté leur « Plan d’urgence économique » au Conseil des Ministres et à la commission des finances de l’Assemblée Nationale. Le projet devrait être voté vendredi à l’assemblée nationale et mardi prochain au Sénat.

Le plan, dont on entend parler depuis plusieurs jours déjà, va faire passer à 110 milliards les 45 milliards d’euros initialement prévus pour « sauver l’économie ». Une évolution qui fait suite à l’assombrissement de la perspective économique, avec une crise économique dure qui s’annonce. Bercy attend désormais une chute de 8% du PIB alors que nous ne sommes qu’au début de la crise. A titre de comparaison, après la crise de 2008, le PIB avait reculé de 2,2%. Face à ce constat, le gouvernement continue dans la droite lignée de sa gestion pro-patronale avec un plan qui fait la part belle au soutien aux entreprises.

Le plus gros du budget pour préserver les profits des « entreprises stratégiques »

Dans ce sens, le gouvernement a notamment augmenté son enveloppe pour financer le chômage partiel de plus de 8 millions de personnes, pour qu’elle atteigne 24 milliards d’euros. Une mesure qui concerne évidemment les salariés, mais qui permet surtout à un grand nombre de patrons et d’entreprises – y compris les plus grosses – de ne pas mettre la main à la poche et de préserver leurs bénéfices, qui se chiffrent pourtant en milliards d’euros pour certaines.

En parallèle, le gouvernement a annoncé une aide de 20 milliards destinée au financement des « entreprises stratégiques » françaises qui pourraient être en difficulté. Une mesure présentée par Bruno Le Maire en commission de finance comme stratégique pour faire face à la concurrence : « la protection de nos entreprises les plus stratégiques, l’Allemagne le fait, nous le faisons également, car ces entreprises ont perdu de la valeur sur les marchés et pourraient être rachetées à vil prix par des puissance étrangères ou des fonds étrangers ».

Au-delà des entreprises que le gouvernement juge stratégiques à son économie, pour lesquelles les aides se comptent en dizaine de milliards d’euros, le gouvernement a eu un geste pour les PME, particulièrement touchées par la crise économique. Le montant du fonds va ainsi passer de 1 à 7 milliards d’euros, et le montant maximum de l’aide pour chaque petit entrepreneur de 2 000 à 5 000 euros. Le gouvernement va également faire passer de 75 millions d’euros à 1 milliards le fond de développement économique pour les Entreprises de Taille Intermédiaire et a débloqué un fond de 500 millions d’euros pour que les PME qui n’ont pas eu de prêts puissent en contracter auprès de l’Etat.

20 milliards pour les capitaux des grandes entreprises : 1,3 pour le personnel hospitalier

Présentant son plan d’urgence, le gouvernement a par ailleurs insister sur un volet « social » déjà évoqué par Macron lors de son discours lundi. Au centre des annonces : une prime qui variera entre 500 et 1 500 euros pour certains personnels hospitaliers. Une aide restreinte cependant puisque seuls les personnels des départements les plus touchés par l’épidémie -30 d’après le premier chiffre donné par Olivier Véran- et ceux des services qui ont accueilli des malades du coronavirus dans les départements moins touchés pourront prétendre à la prime de 1 500 euros. Les personnels des autres centres moins affectés toucheront une prime de 500 euros. S’ajoute à cela une revalorisation des heures supplémentaires à hauteur de 50 %.

Une autre prime a été également annoncé à destination cette fois-ci des fonctionnaires nationaux hors personnel soignants. Ce sont près de 400 000 agents qui pourraient toucher une prime dont le montant maximum sera de 1 000 euros. L’enveloppe attribuée pour ces primes est fixée à 300 millions d’euros, ce qui, si on fait la division, revient à une moyenne de 750 euros, bien inférieur à la fourchette haute annoncée pour le moment.

La dernière aide concerne les familles : le 15 mai sera versée aux familles bénéficiaires du RSA ou de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) une aide de 150 euros, à laquelle pourront s’ajouter 100 euros supplémentaires par enfants. Les familles bénéficiaires des Aides Personnalisées au logement (APL) pourront également toucher une aide de 100 euros par enfant.

Des aides qui ont suscité des réactions très mitigées des concernés. Interrogé par France Info Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers explique ainsi : « Souvent il y a des effets d’annonce, mais c’est plutôt l’oncle Picsou qui verse les primes ». Sur les réseaux sociaux, de nombreux soignants ont également souligné que les primes ne remplaceraient pas de véritable hausses de salaires. Même son de cloche à propos des aides sociales, à propos desquelles Florent Guéguen, directeur de la FNARS, toujours pour France Info, note : « c’est un geste positif mais qui ne comble pas les dépenses supplémentaires et les pertes de revenus qui sont très élevées notamment chez les familles populaires et dans les quartiers populaires ». Des niveaux d’autant plus insuffisants si on les rapporte aux aides apportées aux entreprises. Ainsi, l’enveloppe annoncée Véran pour les personnels hospitaliers s’élèvera à 1,3 milliards d’euros, pour le reste des 400 000 fonctionnaires, 300 millions d’euros : ce qui fait donc 1,6 milliards d’euros pour les fonctionnaires au cœur de la crise, qui mettent leur vie en jeu pour que les activités essentielles à la (sur)vie de la société soit assurées, pour plus de 20 milliards d’aides pour les capitaux des grandes entreprises « en difficulté »…

Alors que l’importance de la récession qui nous attend se dessine de plus en plus clairement, ces primes et ces aides ne donnent par ailleurs aucune garantie de sécurité d’emploi et de conditions de travail dignes, ni aux soignants, ni aux fonctionnaires, ni même à tous les travailleurs et travailleuses du privé qui se retrouvent au cœur de la crise, à faire fonctionner les secteurs essentiels. De fait, quand des licenciements massifs se profilent, à l’image de ce qu’a déjà annoncé l’entreprise Daher, c’est l’interdiction des licenciements ou l’augmentation des salaires qui devraient être à l’ordre du jour, pas des primes ponctuelles qui semblent servir à faire passer la pilule de la mauvaise gestion de la crise et d’années d’attaques contre le service public et le Code du Travail. Pourtant, les travailleurs le savent, de telles mesures ont peu de chance d’être offertes par le gouvernement, il ne les concèdera que par la lutte !


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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