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Union Européenne

Plan de relance européen : 500 milliards d’argent magique, les travailleurs paieront l’addition

Emmanuel Macron et Angela Merkel se sont mis d’accord pour proposer un plan de relance qui sera financé par l’Union Européenne afin de renflouer les secteurs économiques touchés par la crise. Un plan de relance qu'il faudra rembourser, et qui promet l'austérité pour les travailleurs.

Gabriel Ichen

19 mai 2020

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Crédits photo : L’Usine nouvelle
 
Les vœux des principaux patronats européens, récemment exprimés dans une tribune des Échos, semblent se réaliser. Ce lundi, lors d’une conférence de presse commune, les dirigeants des deux principales puissances européennes ont annoncé un plan de dotation de 500 milliards d’euros à destination des régions et secteurs économiques européens affectés par la récession. Ce plan viendrait ainsi s’ajouter au plan de prêt de 500 milliards d’euros discuté par les différents ministres des finances européens.
 
Macron et Merkel se sont mis d’accord en proposant de faire passer le plan de relance directement par le budget de l’Union Européenne. C’est donc l’Union Européenne qui s’endettera auprès des marchés financiers pour ensuite effectuer des transferts directs aux régions et aux secteurs économiques européens les plus lourdement touchés par la crise. « Ce fond de relance, ces 500 milliards, ne seront non pas des prêts […] mais bien des dotations budgétaires sur la base de notre endettement commun » a tenté de rassurer Emmanuel Macron. Tout en rappelant succinctement que « les 500 milliards d’euros ont vocation à être remboursés. Ils ne seront pas remboursés par les bénéficiaires mais par les États membres. » Comme l’a expliqué Catherine André dans sa chronique éco sur LCI, cette dette mutualisée sera remboursée au prorata de la contribution de chaque États membres au budget de l’Union Européenne, et non pas en fonction du montant alloué à chacun des pays.
 
Des « dotations budgétaires », « non pas des prêts » mais un « endettement commun »… L’enfumage est ici plutôt précaire, démontrant qu’il n’y aura pas « d’argent magique », mais qu’en définitive ce seront les contribuables, et donc principalement les travailleurs des différents pays européens, qui porteront l’essentiel de la charge de cet emprunt. La chancelière allemande a d’ailleurs précisé ce qu’impliquait le plan de relance : « il faudra bien sûr rembourser cet argent. Cela devra être en accord avec les règles budgétaires européennes ».
 
En bref, comme pour la crise de 2008, où des États comme la Grèce avaient été contraints de s’endetter, il faudra rembourser. Or, se sont encore les travailleurs qui risquent de payer l’addition en subissant de nouvelles politiques austéritaires. Ces mêmes politiques qui ont cassé les services publics et le système de santé ; et qui ont eu des conséquences sociales désastreuses entrainant la précarisation de millions de personnes en Europe et dans le monde. 
 
Sans s’attarder sur les effets d’annonces tous plus creux les uns que les autres sur l’importance de mettre en place « une Europe de la santé », ou encore sur « l’accélération de la transition écologique », la surprise apparente de cette annonce vient du côté d’Angela Merkel. En effet, il y a peu, l’Allemagne continuait de faire cavalier seul et menait un bras de fer avec la Commission Européenne à propos du programme de rachats de dettes de la Banque Centrale Européenne qui vise à mutualiser les dettes des pays membres. A ce titre, le fait que l’Allemagne déroge pour la première fois à sa ligne de refus total de mutualisation de dettes au sein de l’Union Européenne est un fait majeur. Comme l’explique Nicolas Beytout dans L’Opinion « pour l’Union européenne, c’est un profond changement institutionnel qui s’annonce : ce sera la première fois de son histoire qu’elle s’endette pour transférer des fonds à l’un des siens […] Une fois de plus, l’adage selon lequel « l’Europe n’avance qu’au travers des crises » trouve sa concrétisation : profondément ébranlée par la catastrophe sanitaire, l’Union a recréé en son sein des frontières, relancé des politiques nationales, creusé les écarts entre les pays puissants qui peuvent aider leur économie et les autres. Il en est résulté une forte tension franco-allemande, mais c’est de cette crise dans la crise qu’est sorti le deal Macron-Merkel »
 
Dès lors, cet accord a vite été célébré et présenté comme « historique » voire une « révolution » par de nombreux médias mainstream et personnalités politiques qui mettent en avant un couple franco-allemand réconcilié et marchant dans la même direction, signe d’une Union Européenne de la « coopération », « solidaire » et « unie ».
 
En réalité, la prise de position commune des deux chefs d’État s’inscrit dans une situation internationale on ne peut plus tendue. Ces derniers mois, la crise sanitaire et économique a en effet dévoilé et intensifié les tendances au repli nationaliste et les tensions géopolitiques entre grandes puissances impérialistes. Pour l’Allemagne, le risque de voir ses « concurrents-partenaires » être profondément affaiblis par la crise pourrait avoir un effet domino sur sa propre économie, fortement dépendante du marché européen. C’est à ce titre que, loin d’une prise de conscience, le changement de cap allemand sur la question des dettes mutualisés va dans le sens de ses propres intérêts. Dans le contexte géopolitiques plus général, et en particulier dans le rapport avec les Etats-Unis et la Chine, l’approfondissement de la crise dans les pays de l’Union Européenne et en particulier des pays « moteurs » de l’UE, comme la France ou l’Italie, aurait des conséquences néfastes pour Berlin.
 
La mortifère « guerre des masques », mais aussi la concurrence que se livrent les principales puissances, comme l’Allemagne et les États-Unis pour l’élaboration d’un vaccin, en sont des exemples édifiants à l’échelle mondiale. 
 
Au niveau régional, l’Union Européenne apparaissait quant à elle largement fragilisée. La France et l’Allemagne ont par exemple refusé de venir en aide à l’Italie en refusant d’y envoyer du matériel médical.
 
Ainsi, loin de remettre en cause les tensions entre puissances, ce qui se cache derrière ce plan de relance confirme encore une fois la logique de mutualisation des pertes et de privatisation des profits. Si « solidarité » et « union » il y a dans ce plan de relance, c’est bel est bien à destination des grandes entreprises et des patrons.


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