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Crise sanitaire

Plans blancs, manque d’effectifs : l’hôpital public au bord du gouffre à l’arrivée du variant d’Omicron

Alors que les contaminations se multiplient et pourraient atteindre des chiffres catastrophiquement hauts, une nouvelle fois les soignants et l’hôpital public se retrouvent au bord de la rupture, mis à mal par le manque criminel de moyens et d’effectifs. Une situation qui pourrait s'empirer avec l'apparition du variant Omicron.

Simon Derrerof

22 décembre 2021

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Crédits photo : AFP

Avec plus de 72 000 cas confirmés dans les dernières 24h selon Santé Publique France et une proportion de contaminations liées au variant Omicron estimées pour l’heure à plus de 35% en Île-de-France, l’hôpital public et les soignants se retrouvent une nouvelle fois au bord de la rupture. Et pour cause, la très forte circulation du variant Omicron devrait encore empirer une situation des services hospitaliers déjà très proche de la catastrophe.

Des hôpitaux au bord de la rupture

Fait inquiétant, alors que la cinquième vague ne semble encore qu’à ses débuts et que ces chiffres sont encore modérés par rapport à ceux qui avaient pu exister lors du premier confinement, l’hôpital public tangue lui déjà dangereusement, sacrément secoué par un manque de personnel médical.

Face à la cinquième vague, l’ensemble des agences régionales de santé (ARS) de France métropolitaine ont déclenché le plan blanc pour offrir une grande latitude aux directions des hôpitaux pour réquisitionner le personnel. La situation pourrait dès lors devenir particulièrement inquiétante, dans un contexte où les personnels viennent déjà d’une part à manquer et sont de l’autre complètement épuisés par deux ans de pandémie et de manque de moyens.

Christophe Trivalle, gériatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, raconte pour Mediapart comment l’annonce d’un nouveau passage au plan blanc a été reçu et le niveau d’épuisement des soignants : « L’ambiance était sombre, même le directeur général semblait assez désespéré. Il manque 1200 infirmières par rapport à 2019. Mais à l’époque, il y avait déjà beaucoup de postes vacants, autour de 800, depuis 2018, il doit nous manquer 2200 infirmières. On est contraints de dépenser des fortunes en intérim : 60 millions d’euros sur un an, c’est énorme. L’inquiétude est que les infirmières qui restent finissent par craquer. Comment peut-on récompenser les gens qui restent ? Un médecin a même suggéré de distribuer à ces infirmières le salaire de toutes celles qui nous manquent. En réalité, il n’y a pas vraiment de solution à court terme. »]

Cette situation n’est pas isolée ; selon Mediapart les lits manquent partout, à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre a dû fermer 70% de ses lits dans le service de neurologie par manque d’infirmières.

Dans le Pays de la Loire, ce sont des services entiers qui doivent fermer leurs portes comme c’est le cas à Montval-sur-Loire. Louis-Soulat, chef de service des urgences de Rennes et vice-président du syndicat Samu-Urgences raconte lui aussi une situation catastrophique : « Il y a un épuisement des équipes, une insatisfaction, des départs en masse ». A Clamecy, petit hôpital de la Nièvre, le docteur Tarik Boubia raconte à Mediapart : « Un vieux monsieur de 90 ans, avec une fracture du col de fémur est resté quatre jours dans notre service de lit-porte, il n’y avait aucun lit disponible en chirurgie. Il a du être transporté beaucoup plus loin. Je n’avais jamais vu ça ».

La situation est donc particulièrement inquiétante et on devine à peine ce qu’elle pourrait devenir dans la situation actuelle de Marseille. L’Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur a annoncé vendredi 17 décembre sur France Bleu Provence avoir procédé à des évacuations de patients, pour libérer des places dans les services de réanimation. Ce sont déjà 5 transferts qui ont été effectués la semaine dernière et cinq autres qui devraient suivre cette semaine pour tenter de libérer des lits et pallier à la saturation déjà effective des services hospitaliers. De plus, ces évacuations ne sont pas une solution pérenne comme le rappelle Jean-Luc-Rouve, président de la commission médicale de l’APH-HM : "D’autant plus que toute la France est touchée par la maladie en ce moment. On n’est pas du tout dans la configuration des vagues précédentes, où il y avait des régions quasiment épargnées. Donc il y a peu de place pour les évacuations".

La mise en place de ces plans blancs se retrouve donc confrontée à de nombreux obstacles, avec des effectifs déjà surchargés et l’impossibilité de tirer encore plus la corde, comme nous le racontions dans nos colonnes déjà au début du mois : « Pourtant, la mise en place de ces plans blancs risque bien de rencontrer des obstacles, et en premier lieu le manque de moyens, de lits et de personnels. Ainsi, en Occitanie, selon l’ARS, le taux d’occupation des lits de réanimation est de 92% et même 100% dans plusieurs départements ». Une situation parfois si dramatique que des soignants positifs se sont vus scandaleusement poussés par leur direction à continuer à se rendre au travail en France-Comté.

A Bordeaux, FO s’inquiétait il y a une semaine sur l’état du CHU : "Actuellement, 400 lits sont fermés dans tout l’hôpital faute de personnel."

A l’approche des fêtes, les soignants se retrouvent donc face au dilemme de prendre quelques jours de repos après une période particulièrement épuisante tout en sachant que cela aura un grand risque de provoquer la fermeture du service dans lequel ils travaillent. Une nouvelle fois la gestion de la crise retombe sur les soignants à l’hôpital, déjà épuisés par les quatre précédentes.

Autre problème, alors que les hôpitaux souffrent déjà du manque de personnels, l’apparition du variant omnicron pourrait également empirer la situation comme c’est le cas en Angleterre, où les soignants sont nombreux à tomber malades.

De manière claire, ces plans blancs à répétition montrent les insuffisances matérielles et humaines de l’hôpital en général et la mise en place de ces plans ne sont pas des solutions ; au contraire, ils viennent encore rajouter de la fatigue aux personnels et font se multiplier les départs de travailleurs de la santé. Une nouvelle fois, ce qui est rendu visible, c’est le manque de moyens et les sous-effectifs chroniques.

Face à cette « stratégie » qui nous mène droit dans le mur et alors que le variant omicron pourrait provoquer un niveau de crise sanitaire plus élevé que jamais, il est nécessaire de se mobiliser et de mettre en place un plan de bataille à la hauteur pour exiger des moyens massifs dans l’hôpital public, permettant des embauches, des augmentations de salaires et des améliorations de conditions de travail, pour pouvoir faire face à la nouvelle vague. Plus généralement, il est vital d’imposer une réelle stratégie sanitaire, passant par la gratuité des tests pour tous afin de briser les chaînes de contaminations, une véritable stratégie vaccinale ainsi que des protocoles sanitaires adaptés et conséquents, à l’initiative des travailleurs et des usagers dans les lieux d’étude, de travail et les transports.


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