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Un score à faire pâlir d’envie un dictateur, et pourtant…

Plus de 90% des voix : le Maréchal-président al-Sissi réélu haut-la-main

Il était arrivé au pouvoir en renversant le premier président élu de l’Egypte contemporaine, Mohamed Morsi. Il s’était fait sacrer président en 2014 avec 96,5% des suffrages. Cette fois-ci, Abdel Fatah al-Sissi a fait un peu moins bien : à peine plus que 90% des voix.

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Et pourtant, le Maréchal placé à la tête du pays par l’Etat-major des forces armées égyptiennes avec le soutien étatsunien et des pétromonarchies du Golfe n’avait face à lui qu’un seul opposant, et pas des moindres : Moussa Mostafa Moussa. Inconnu du grand public jusqu’à il y a quelques mois, Moussa se déclarait encore, en novembre dernier, soutien indéfectible de al-Sissi. Pour ne pas avoir à se présenter tout seul après avoir fait casser la candidature de tous ses opposants, le Maréchal al-Sissi a fini par convaincre son ami Moussa de se présenter contre lui. Une farce, on l’aura compris. Beau joueur, Moussa a déclaré à la télévision pro-régime au soir du troisième jour du scrutin, mercredi, qu’au vu des premiers résultats partiels il reconnaissait sa défaite compte-tenu de « l’immense popularité du président Sissi ».

En dépit de toutes les pressions exercées au fil de la campagne par les médias, dans les administrations, par les forces de sécurité, malgré l’amende de 500 livres égyptiennes, un cinquième du salaire moyen, une fortune pour la plupart des Egyptiens, seul 40% du corps électoral s’est déplacé aux urnes, contre 47,5% en 2014. A Alexandrie, la seconde ville du pays, les médias pro-régime donne le chiffre de 37% de participation. Cela indique combien la défiance est grande à l’égard de la dictature maquillée de Sissi.

Le Maréchal a gagné parce qu’il est seul aux commandes, parce qu’il est arrivé au pouvoir sur fond de bain de sang et que 19.000 opposants, liés aux frères musulmans, à la gauche et au mouvement syndical, sont en prison. Par ailleurs, il se pose en unique rempart contre le l’islamisme et le djihadisme, un argument déjà utilisé à l’envi par Sadate et Moubarak, depuis les années 1970. Les attaques et les attentats revendiqués par Daesh se poursuivent, d’ailleurs, dans tout le pays, et pas seulement dans le Sinaï. Mais la réalité égyptienne pourrait bien rattraper ce bon ami de Macron et allié de la France qu’est al-Sissi.

L’inflation a été de 30% en 2017, le chômage des jeunes atteint, dans certaines régions, 50%. Pendant ce temps, obéissant au FMI et à ses parrains du Golfe Persique, al-Sissi a dévalué de 50% la monnaie locale, a drastiquement revu à la baisse les subventions sur l’essence, l’électricité et le gaz, et a renvoyé chez eux près de 700.000 fonctionnaires. L’économie égyptienne ne s’en porte pas mieux et les raisons qui ont présidé au renversement de Moubarak, en février 2011, « pain, liberté et justice sociale », les trois slogans scandés par les manifestants de la place Tahrir, sont toujours là.

Comme le soulignait il y a quelques semaines le militant socialiste révolutionnaire Mahienour el-Massry après sa sortie de prison, « l’Etat dirige la société d’une main de fer, et la population a peur de la réaction de l’armée contre toute forme d’opposition. Mais en même temps, le people en a assez du régime. Il veut le changement, et une alternative claire ». L’enfumage électoral de cette dernière « victoire présidentielle » pourrait radicaliser encore un peu plus la situation.

[Crédits illustration : Alaraby.co.uk]


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