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Etat Espagnol

Podemos. Pablo Iglesias à Paris

Damien Bernard Le weekend du 5 et 6 septembre a été l’occasion, pour Pablo Iglesias, la figure de proue de Podemos, de rencontrer à Paris, une délégation des « frondeurs » du PS ainsi que Jean-Luc Mélenchon, du Parti de gauche (PG), ainsi que Thomas Piketty, auteur du « Capital au XXIe siècle ». Alors qu’à l’approche des élections législatives de novembre, dans l’Etat espagnol, Podemos baisse dans les intentions de vote derrière le PP et le PSOE, Iglesisas, qui se rêvait d’un destin à la Tsipras serait-il en recherche d’un second souffle à travers des alliances avec les acteurs de la gauche européenne ?

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C’est dans le cadre du « Forum pour un vrai changement démocratique en Espagne et en Europe » (Foro Por El Cambio Desde El Exterior), au Réfectoire des Cordeliers à Paris, rassemblant divers cercles de Podemos à l’étranger, des mouvements et des associations citoyennes, des experts en Droits de l’Homme, des politologues, des eurodéputés du Podemos, que Pablo Iglesias a commencé sa tournée parisienne.

Iglesias, les « frondeurs », Mélenchon et Piketty

Profitant de sa venue à Paris, le leader du parti héritier du mouvement des Indignados a rencontré une délégation de députés « frondeurs » et cadres de « l’aile gauche » du Parti socialiste, dont Benoît Hamon, qui vient d’annoncer qu’il serait candidat à une éventuelle primaire de la gauche en vue de 2017, ainsi que Christian Paul, l’un des chefs de file des « frondeurs », qui plaide pour l’organisation d’une conférence sur les dettes en Europe.

Cette première rencontre a débouché sur des « propositions politiques concrètes », en l’occurrence l’organisation d’une délégation de « frondeurs » en vue d’une rencontre de Podemos et du PSOE durant la campagne des élections générales du mois de novembre, ainsi que la rédaction d’un texte commun, sous la forme d’un « manifeste » ou d’une « plate-forme commune » qui « donnerait du poids à notre ligne politique », selon Benoit Hamon, mentionnant l’émergence en Europe des forces de l’autre gauche comme le Britannique Jérémy Corbyn, qui devrait prendre dans les prochains jours la tête du Labour, enterrant ainsi définitivement l’héritage blairiste.

Le matin, Iglesias avait évoqué la Grèce avec Jean-Luc Mélenchon. A cette occasion, Mélenchon, qui a pris fait et cause pour l’Unité Populaire, issu de l’aile gauche de Syriza, a tempéré sa prise de distance d’avec le premier ministre grec : « Il n’y a pas de rupture personnelle avec Alexis Tsipras. Il y a un désaccord politique. Nous pensons qu’une bataille a été perdue, mais pas la guerre. Si un autre gouvernement de l’autre gauche l’emporte, par exemple en Espagne nous pensons que l’étau autour de la Grèce va se desserrer ».

Ce déplacement à Paris a aussi été l’occasion pour l’ex prof de sciences politique de l’université Complutense de Madrid de rencontrer un collègue, Thomas Piketty, l’auteur du Capital au XXIe siècle. Rencontre qui a notamment permis à Iglesias d’enrôler le Français en tant que conseiller pour élaborer le programme des élections générales de novembre.

Thomas Piketty travaillera notamment sur « un plan intégral de lutte contre la pauvreté », a indiqué Nacho Alvarez, un économiste de Podemos. Piketty, qui avait déjà rencontré Iglésias en janvier à Madrid, a pour sa part déclaré « nous avons besoin de forces politiques nouvelles pour changer la majorité globale en Europe ».

Chute libre dans les sondages.

Dans un contexte marqué par des négociations et accords d’appareil, Podemos avait bouleversé, en juin, le paysage politique espagnol en effectuant une percée lorsque des coalitions, classées dans la presse au sein de la gauche radicale, ont remporté quatre des cinq plus grandes villes du pays, dont Madrid et Barcelone, et cela en passant des accords avec les vieux partis de « la caste », le PSOE ou les nationalistes catalans de centre-gauche.

Cependant, les « victoires » électorales de ces listes estampillées Podemos, avaient vu un rétablissement, par rapport aux élections européennes de 2014, des deux principaux partis– le Parti Populaire (PP) et le Parti Socialiste des Ouvriers Espagnols (PSOE) – se maintenant respectivement à 27% et 25% des voix.
Ce rétablissement des partis du régime de 1978 a été confirmé par la dernière percée dans des sondages de juillet dernier, reléguant Podemos loin derrière eux. Le Parti Populaire était crédité de 29% des intentions de vote, devant le PSOE (25%), Podemos n’obtenant que 15,0% des suffrages.

Podemos vers une accélération du « virage vers le centre » ?

Dans Le Monde Diplomatique de juillet dernier, Iglesias présentait, avant la capitulation de Tsipras, ses différences « stratégiques » avec le premier ministre grec, qu’il faisait notamment reposer sur le poids économique beaucoup plus important de L’Eatat espagnol dans la zone qui « représente 10,6 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro en 2013, contre 1,9 % pour la Grèce ». De cette détermination objective découlerait une différence stratégique.

A l’inverse de Tsipras, il ne s’agirait pas de poser en premier lieu la question de la dette et de sa restructuration qui ne pourrait se concevoir qu’avec « une stratégie à l’échelle européenne » et permettrait « d’imaginer un autre paradigme que celui des politiques d’austérité ». Il s’agirait dans un premier temps, suite à l’élection victorieuse, d’imposer un « bras de fer avec la certitude de disposer d’une marge de manœuvre plus importante », notamment pour une « réforme des traités budgétaires » qui permettrait d’ « accroître les dépenses publiques en investissements et développer les politiques sociales, notamment les retraites »

Ce qu’on ne peut reprocher à Pablo Iglesias, ce n’est pas le pragmatisme de la Realpolitik ni l’absence de bilan de l’échec de la stratégie de Syriza et de la capitulation de Tsipras. Disposant « d’une capacité de représentation accrue », Podemos ne serait plus un « outsider », il doit « forcément se " normaliser " ». Du point de vue de la stratégie de Tsipras, ce ne serait plus les conditions objectives du faible poids de la Grèce dans la zone Euro qui aurait nécessité de poser la question de la dette en premier lieu, mais ce serait la stratégie de « la simple radicalité » qui conduirait « dans le mur », la « simple contestation de la BCE » ne suffisant pas.

Avec des sondages en berne, Iglesias amorce clairement une accélération de son « virage vers le centre » et de sa modération politique. Ce sont désormais les « alliances locales avec des plates-formes citoyennes, des candidats indépendants et d’autres formations de gauche » qui vont se généraliser, une stratégie qui selon Iglesias s’est déjà « révélée payante » aux élections locales.

Pour Pablo Iglesias, « modération », « intégration institutionnelle », alliances avec le PSOE au niveau national, et les partis de gauche à « l’échelle européenne » pour une politique de « gauche » basée sur la relance économique, voilà les maitres mots. Cela en dit long sur la « gauche de la gauche française », non pas simplement les « frondeurs » mais également Mélenchon et Piketty.


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