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Mur par mur, pierre par pierre

Politique carcérale et répressive. Le nombre de détenus se rapproche d’un record historique

72 350 détenus dans les prisons françaises au 1er octobre. Un nombre proche du record atteint en mars 2020, témoignant des dynamiques toujours plus autoritaires du gouvernement Macron et du serrage de vis de sa politique carcérale.

Petra Lou

1er novembre 2022

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© Dominique Faget /AFP

Selon Le Nouvel Obs, le nombre de détenus continue d’augmenter en France, et est en train de frôler son record. Chaque semaine quasiment 200 détenus supplémentaires viendraient fournir les rangs des prisonniers, avec un solde d’entrées et de sorties positif de 681 détenus pour le mois de septembre. À titre d’idée, au 1er octobre, 72 350 personnes étaient détenues dans les prisons françaises, contre 58 109 personnes au 1er juin 2020. Une croissance très importante qui est le résultat d’une politique judiciaire et carcérale de plus en plus sécuritaire, avec un bond de 24,5% de placements en détention par les juges.

Si cette croissance n’est pas justifiée par une augmentation de la criminalité, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur lui-même, elle répond à un tournant sécuritaire des gouvernements de ces dernières décennies. En vingt ans, le nombre de détenus a augmenté de près de moitié, impactant de plein fouet les conditions de plus en plus inhumaines de détention. Déjà en janvier 2020, la France était condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour “traitements inhumains ou dégradants”. Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a renforcé cette dynamique et accru considérablement la suroccupation carcérale. Dès 2017, le président avait annoncé l’objectif de construction de 15 000 nouvelles places dans les prisons sur les deux quinquennats, bien que seulement 2500 aient été ouvertes lors du premier mandat.

Il y a 2053 matelas au sol” raconte Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté ce mardi matin sur RMC. “Un matelas au sol, ça veut dire être trois dans une cellule, avoir un espace vital de 0,8 mètres carrés par être humain. Ça veut dire aussi, quand on dort, être obligé de se boucher les narines et les oreilles avec du papier toilette pour éviter que les cafards n’y rentrent. Les détenus m’ont dit qu’au sol, en respirant, ils aspiraient les petits cafards en même temps que la poussière”. Les conséquences de cette politique d’enfermement sont graves. “À la prison de Toulouse, un des détenus a attrapé la leptospirose, c’est-à-dire la maladie de l’urine de rat, parce qu’étant indigent, il a ramassé dans la cour des mégots pour fumer” continue Dominique Simonnot : “Les détenus chauffent leur café ou ce qu’ils ont à cuire sur ce qu’on appelle des ‘chauffettes’, un système de quatre boîtes de conserves remplies d’huile pour faire chauffer une casserole, il y a une odeur d’huile brûlée qui vous prend à la gorge, mais surtout, on se dit que ça va prendre feu !”.

Des conditions invivables, qui permettent à peine de survivre dans ces centres pénitentiaires. En octobre 2021, 1475 détenus dormaient à même le sol sur un matelas et seulement 41% de tous les détenus avaient une cellule individuelle. Un an plus tard, c’est 32% d’augmentation de ces cas, soit 2053 personnes dans cette situation. Selon les chiffres officiels du ministère, la densité carcérale s’établit à 141,5% dans les maisons d’arrêt (là où sont entassés les présumés innocents et les courtes peines). Aussi 57 prisons en France ont une densité supérieure à 150%, dépassant même les 200% dans trois prisons, comme à Carcassonne (220,3%), Nîmes (215%) et Bordeaux-Gradignan (207,7%).

Ces taux d’occupation montrent plus que jamais qu’au-delà d’exiger la transparence sur la réalité des chiffres, il faut dénoncer le système pénitentiaire dans son ensemble, qui ne donne qu’une réponse répressive et carcérale. En effet, la majorité des personnes aujourd’hui écrouées le sont pour des peines de moins d’un an. Au-delà des conditions indignes dans lesquelles vivent les détenus, c’est la politique et la justice autoritaire et répressive sans cesse renforcée qu’il s’agit de dénoncer.

Si on assiste à une véritable inflation carcérale, c’est la conséquence de choix politiques, de l’intensification de la pénalisation en général et du développement des procédures de jugement rapide comme la comparution immédiate, qui aboutissent à un taux plus important de condamnation et à de l’emprisonnement ferme. Un climat sécuritaire qui n’a fait que s’accentuer avec les deux quinquennats Macron. Plus que jamais, il faut revendiquer que "pierre par pierre et mur par mur, nous détruirons les centres de détention".


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