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Droit à l’IVG

Pologne. Le gouvernement manœuvre face à la colère persistante

Le gouvernement a annoncé reporter la mise en vigueur de la nouvelle restriction du droit à l'IVG et tente toutes les répressions face à la mobilisation historique contre sa politique réactionnaire.

Olive Ruton

5 novembre 2020

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Cela fait aujourd’hui deux semaines que dure la mobilisation en Pologne contre la restriction du droit à l’avortement. Avec des manifestations, blocages et actions quotidiens ininterrompus depuis le 22 octobre, et deux grosses dates, l’une vendredi 30 octobre qui a réuni plus de 100 000 personnes à Varsovie, et la journée de grève nationale du mercredi 28 où plus de 500 000 personnes se sont mobilisées, ces 15 jours de manifestations sont d’après le New York Times les « plus intenses du pays depuis l’effondrement du communisme en 1989. »

Répression et temporisation pour un gouvernement mis en difficulté par la mobilisation

Le gouvernement polonais se trouve dans une situation extrêmement délicate face à cette marée populaire qui ne faiblit pas. Aux milliers de personnes dans les rues, répondent sur le terrain de l’opinion la chute raide du soutien au gouvernement du parti Droit et Justice. Une enquête de CBOS parue le 30 octobre confirme ainsi dans les sondages la colère contre le gouvernement dans la rue puisque « le PiS ne peut plus compter que sur 31 % d’opinion favorable, contre près de 50 % au printemps, 44 % durant l’été et 40 % au début de l’automne » comme le rapporte le Courrier d’Europe Centrale, soit une perte de 10 points en à peine un mois.

Face à cette opposition populaire qui donne tant de fil à retordre au gouvernement, celui-ci a annoncé sa décision de reporter la parution de la loi dans le journal officiel, ce qui reporte sa mise en vigueur. Selon la constitution, cette nouvelle législation aurait dû être officialisée dans ce journal lundi 2 novembre au plus tard. Bien que cela ne soit pas la première fois que le gouvernement outrepasse ainsi la constitution, le fait qu’il se soit résolu à le faire aujourd’hui montre bien la réelle difficulté dans laquelle il se trouver.

"Il y a une discussion en cours, et il serait bon de prendre un peu de temps pour le dialogue et pour trouver une nouvelle position dans cette situation qui est difficile et suscite de vives émotions", a déclaré le chef du cabinet du premier ministre, Michał Dworczyk, pour expliquer ce report. Un report qui, s’il montre la réelle pression qu’exerce la mobilisation, n’est pour l’instant pour le gouvernement qu’un temps qu’il se donne pour ajuster sa stratégie dans un semblant de dialogue, pariant sans aucun doute sur un affaiblissement de la mobilisation.

Et comme preuve de sa mauvaise foi, on peut voir à quel point le gouvernement du PiS garde fermement son cap conservateur et tente l’intimidation. Après la répression policière, après avoir exhorté les groupes identitaires à « défendre les églises, » il tente maintenant la répression sur le terrain des institutions. On a ainsi pu voir le ministre de la science et de l’Éducation nationale qualifier de « scandaleuse et irresponsable » l’initiative de certaines directions d’universités d’excuser les absences de leurs étudiants pour leur permettre d’aller manifester. Ne s’en tenant pas là, il a menacé de ne pas accorder de bourses de recherche à ces facs pour avoir « encouragé ses étudiants à "descendre dans la rue au plus fort de la pandémie de coronavirus ».

Une mobilisation très populaire qui ne faiblit pas

Le moins que l’on puisse dire c’est que malgré cette répression, et encouragés par les signes de tâtonnement dans la stratégie du gouvernement, les manifestants ne se laissent pas impressionner ni épuiser. De nouvelles actions et marches ont encore eu lieu tous les jours depuis le pic qu’a constitué la grande manifestation de vendredi, et le soutien au mouvement, lui non plus, ne faiblit pas. En effet, dans un sondage réalisé par Kantar pour le journal Wyborcza, 73% de la population se disait contre la nouvelle restriction de l’avortement. Cette popularité se voit partout, jusque dans les événements sportifs où on voit ces derniers jours tantôt l’équipe féminine nationale de hockey, tantôt les équipes de foot inaugurer les rencontres par des manifestations de soutien au mouvement.

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Piłkarki AZS UJ Kraków i Medyk Konin. Mecz był w TvpPis #szachmat #strajkkobiet #JesteśmyWszędzie #solidarnośćnasząbronią @medykkoninofficial

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Au-delà des frontières nationales aussi, de plus en plus d’intérêt et de soutien sont portés au mouvement à travers le monde, ce qui par ailleurs n’est pas pour arranger le gouvernement polonais qui semble craindre un passage en force sous les feux des projecteurs de la presse internationale.

Reste à voir l’évolution du rapport de force entre cette mobilisation historique non seulement des femmes, mais aussi de nombreux secteurs de la société et très massivement de la jeunesse - comme nous le confiait Dagmara, professeure polonaise mobilisée – et le gouvernement, aux cotés de l’église, qui malgré sa temporisation ne semble en aucun cas prêt à laisser tomber cette loi. Un piège dans lequel ne semblent pas tomber celles et ceux qui se battent aujourd’hui, et qui devront, bien plus que se laisser endormir, durcir leur lutte contre le gouvernement du PiS pour arracher une victoire sur leurs revendications.


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