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« Les patrons volent les pauvres »

Portrait de Moussa : chez Geodis Calberson, un chibani en grève pour le respect et la dignité

À 67 ans, Moussa est manutentionnaire chez Geodis Calberson depuis 40 ans pour à peine plus d'un SMIC. Avec ses collègues du dépôt de Gennevilliers, il est en grève depuis le 17 octobre. Il raconte les conditions de travail, mais aussi les luttes des ouvriers qui relèvent la tête. Portrait d'un chibani en grève pour le respect et la dignité.

Alexis Taïeb

4 novembre 2022

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Propos recueillis par Alexis Taïeb

Pour soutenir les grévistes de Geodis à Gennevilliers, donnez à la caisse de grève !

Je suis né en 1955 en Algérie. Je suis français, mais comme les autres grévistes, on me considère comme un étranger, car on est tous issus de l’immigration. Je suis rentré le 7 novembre 1983, à Calberson Geodis. En novembre, cela fera 40 ans. Je gagne 1.770 euros avec les primes de nuits. Certains sont là depuis 20 ans et gagnent toujours 1.400 euros par mois.

J’avais 28 ans quand je suis rentré dans la boite, aujourd’hui, j’en ai 67. Je suis malade, je ne peux plus utiliser correctement ma main droite, à cause d’un accident que j’ai eu en travaillant ici. Il faut savoir que dans cette boite, on prend beaucoup de risques pour faire notre boulot. Depuis que je suis là, j’ai vu beaucoup d’accidents… et la direction nous mène la vie très dure.

C’est un combat en soi, ne serait-ce que pour obtenir un arrêt de travail. Si nous, les collègues, on ne met pas la pression à la direction, elle renvoie tout simplement celui qui s’est blessé et lui dit de revenir le lendemain. Lorsque ce sont des intérimaires, elle les vire tout simplement. Ce qui conduit certains d’entre nous à cacher leurs blessures, lorsqu’ils ont eu un accident.

On n’est que des africains à travailler ici. C’est pour ça que personnellement, je l’appelle la boîte africaine. Les conditions de travail sont très difficiles. Parfois, les chefs viennent nous surveiller, et s’ils nous voient juste deux minutes sans rien faire, il nous demande de charger tel ou tel camion. Si on ne le fait pas, ils nous collent un refus de travail.

Au dépôt, on livre et reçoit toutes sortes de marchandises, et des charges très lourdes. Par exemple des animaux, parfois morts, écrasés... On reçoit même des cercueils qu’on doit envoyer aux familles. Avant, on n’avait que des palettes manuelles, on devait tout déplacer à la force de nos bras. Aujourd’hui, heureusement, elles sont motorisées, mais c’est grâce aux luttes qu’on a menées avec le syndicat.

En 1985, j’ai participé à la première grève de la boîte. On a fait deux semaines de grèves, sur un autre site à l’époque, avant qu’il soit relocalisé à Gennevilliers. On a obtenu le 13ème mois pour tous les salariés de Geodis. Mais globalement, on reste tous très mal payés. La plupart aux alentours de 1.300 euros par mois. Par exemple, avec le montant des paniers repas que paie la boîte, on ne peut même pas s’acheter un sandwich et une canette. Et pour le moindre motif, la direction cherche à nous retirer de l’argent.

En parallèle, elle cherche à nous diviser. Pour le faire, elle donne des augmentations individuelles ou des primes à tel ou tel salarié, de la façon la plus arbitraire qui soit. Moi, par exemple, je n’ai jamais reçu ni de primes, ni d’augmentation individuelle. La raison est simple : ici, on n’a pas le droit de parler, mais moi j’ouvre ma bouche quand j’ai quelque chose à dire, et je me suis toujours battu. Je suis d’ailleurs à la CGT depuis 1996.

Quand j’ai entendu que certains membres de la direction touchent un salaire de 27.000 euros, j’ai réfléchi et je me suis rendu compte que c’est plus que ce que je touche en un an, après quarante ans de boîte. Donc lorsqu’on a appris en plus de ça, que certains d’entre eux ont touché une prime de 300.000 euros, nous sommes partis en grève.

Ce qu’on veut, c’est des augmentations. Parce que la vie est beaucoup trop chère. La direction a augmenté de 60% le prix des colis qu’on envoie, mais pour nous il n’y a rien. On ne peut même pas manger, on a des collègues qui sautent des repas. C’est plus que rageant, car la réalité, c’est que c’est nous qui faisons le boulot. Pendant que eux, les patrons, ils prennent notre argent.


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