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Pour une réponse du mouvement ouvrier et de la jeunesse face à l’extrême-droite

Pour Clément, deux ans plus tard : Ni oubli ni pardon

Aglaé Martin Ce samedi 6 juin, quelque 2000 personnes ont défilé dans les rues de Paris en hommage à Clément Méric, mais aussi plus largement contre l’extrême-droite. Il n’avait pas fallu longtemps à l’époque pour que tous les responsables de sa mort soient remis en liberté. Et aujourd’hui encore, les médias parlent d’une « mort survenue lors d’une rixe entre des militants extrémistes », droite et gauche confondues. Deux ans après, nous réaffirmons que le 5 juin 2013 a bien eu lieu un assassinat politique, dont les premiers responsables sont ces militants fascisants qui font la chasse aux « gauchistes », aux immigrés, aux homosexuels mais que derrière leurs actions fascisantes se cache une responsabilité bien plus grande qui est celle du gouvernement. Deux après, ni oubli, ni pardon.

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18 ans à jamais

Clément Méric était un militant antifasciste depuis déjà plusieurs années. Proche des milieux libertaires à 15 ans, puis de Solidaires Etudiant-e-s et de l’Action antifasciste Paris-Banlieue lors de son arrivée à Science-Po Paris, il a participé au mouvement contre la réforme des lycées et celle des retraites notamment. Bon lecteur, musicien, son parcours militant prend une pause pendant quelques mois en 2010 à cause d’une leucémie qui ne marque en aucun cas un point final à son engagement. Non. La maladie ne l’aura pas tué, le fléau de l’extrême-droite fascisante oui.

Le mercredi 5 juin 2013, un affrontement verbal puis physique opposera Clément à Esteban Morillo et ses comparses, sbires du groupuscule d’extrême-droite Troisième Voie ou proches, à la sortie d’une vente de vêtements. Grande gueule courageuse mais petite carrure, Clément est violemment frappé au visage à deux reprises par Esteban, probablement armé d’un poing américain. Sa chute au sol est brutale. Son corps reste sans vie.

Le lendemain, de nombreux rassemblements se tiendront pour crier la colère que nous inspire l’assassinat du jeune militant. Une soixantaine de cortèges réuniront autour de 15 000 personnes sur toute la France.

Un tournoiement médiatique étourdissant

Les vautours médiatiques s’emparent rapidement de l’ « affaire ». Un flou total est entretenu sur les circonstances de la mort, dédouanant la plupart du temps Esteban et sa clique qui n’auraient fait que se défendre face à l’agressivité de leurs opposants, qui n’auraient en aucun cas souhaité la mort du jeune antifa. On apprend la découverte d’une vidéo de la RATP qui montrerait Clément se jetant sur Esteban qui lui assènerait un coup au visage en guise de défense. Le journal Libération dément ensuite, racontant que la vidéo ne montre que les pieds des rivaux ne permettant pas l’interprétation du déroulé de la scène. Finalement, c’est la RATP elle-même qui nie l’existence d’un tel enregistrement, ses caméras ne filmant que l’intérieur de ses locaux.

Quels que soient les récits exposés, chaque fois il est question d’ « extrémistes » mis sur le même plan, de jeunes vénérant la violence. Comme si militer contre la haine des réactionnaires ne valait pas mieux que cette haine elle-même.

Un flou juridique orchestré

Le rapport d’autopsie est clair : « Le décès n’est pas dû à un hématome qui aurait été causé par la chute par terre, mais est dû aux traumatismes cranio-faciaux qui ont été occasionnés par les coups de poing qui ont été portés sur la victime » rapporte François Molins, procureur de Paris.

Pourtant l’enquête juridique ne paraît pas aussi limpide et n’est toujours pas finie aujourd’hui. Malgré les aveux d’Esteban en garde à vue qui confesse avoir porté deux coups au visage de Clément, malgré des SMS accablants envoyés par Samuel Dufour, l’un des agresseurs, se réjouissant d’avoir « défoncé » ses opposants à l’aide « [du] poing américain [de Serge Ayoub] », malgré le lien établi avec ce dernier, leader du groupuscule fascisant Troisième Voie, rien ne semble sûr aux yeux de la Justice.

Esteban Morillo ne sera ainsi pas jugé pour « homicide volontaire » tel qu’annoncé par François Molins, mais pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », avec détention provisoire, établies par le juge d’instruction. Il sera remis en liberté le 2 septembre 2014, comme ses compères.

Alors que la fierté de ces petits fascistes ne fait aucun doute, la Justice travaille encore vainement à établir quel était le premier agresseur et s’il y a bien eu utilisation d’un poing américain. Sa tentative même de nous faire croire à son impartialité révèle son incapacité à rendre justice à Clément. Sans rien attendre d’un tel organe d’État, c’est à nous que revient le droit d’enquêter sur les circonstances de sa mort pour que lumière soit faite sur cet assassinat.

Récupération politique et responsabilité gouvernementale

À la grande émotion suscitée, le gouvernement PS avait à l’époque répondu en clamant son « indignation ». NKM, alors candidate UMP à la mairie de Paris et zieutant les votes centristes, n’avait pas hésité non plus à venir sur les lieux du crime pour prononcer un discours « contre toutes les violences ».

Pourtant c’est bien les politiques anti-ouvrières et anti-populaires qui permettaient déjà en 2013 le renforcement des groupuscules d’extrême-droite. Démantèlement des camps de Rroms par Valls, chasse aux sans-papiers et expulsions mais également casse de nos acquis sociaux qui affaiblissent notre classe faisaient partie du panorama, entretenant un climat délétère accusant les étrangers ou autres « déviants » de tous les maux de la société et n’offrant aucune perspective.

On ne peut que remarquer l’approfondissement de ces politiques aujourd’hui à trois ans du début du mandat « socialiste ». Cinq mois après les attentats de janvier, le gouvernement Hollande-Valls profite de l’ « union nationale » pour frapper fort. Loi Macron I votée et son rejeton en préparation viennent enfoncer encore un peu plus la tête des travailleurs sous l’eau, en même temps que s’instaure un tournant sécuritaire, réprimant tout début de contestation et légalisant un contrôle accru de la population par la loi de surveillance. À l’heure même où l’on écrit, ce sont les migrants expulsés il y a tout juste quelques jours de La Chapelle à Paris qui se font encore violemment réprimés à la Halle Pajol. Les guerres et les interventions à l’étranger s’approfondissent et se multiplient tandis qu’en interne, c’est un climat raciste, stigmatisant les musulmans ou identifiés comme tels qui est entretenu, faisant le lit d’un FN remis à neuf.

Face à l’extrême-droite : réponse large du mouvement ouvrier !

Si le gouvernement avait à l’époque su se poser en grand défenseur contre l’extrême-droite en dissolvant l’organisation Troisième Voie, faisant alors écho aux revendications de Mélenchon, ce n’était en aucun cas une victoire pour notre camp. Car cette dissolution prise en charge par l’État désarme les travailleurs face à l’extrême-droite et les illusionne quant au gouvernement. En 1936, le décret de dissolution des ligues avait été applaudi chaleureusement par le PCF qui criait à la victoire. Pourtant en 1968, ce décret servait à dissoudre 19 organisations : une d’extrême-droite, 18 d’extrême-gauche. Car quand le mouvement ouvrier et social prend de l’ampleur, la bourgeoisie sait reconnaître son ennemi réel et a tout un arsenal répressif à portée de main qu’elle sait utiliser à bon escient.

Il y a quelques jours, la Mairie du 5ème arrondissement de Lyon interdisait à la Marche des Fiertés de défiler le 20 juin prochain dans ce quartier touristique, au motif du danger que représenteraient les groupuscules d’extrême-droite confortablement installés dans la zone. Nous n’avons pourtant nul besoin d’être soi-disant protégés par ceux qui sont la caution d’un tel « danger ».

Face à l’idéologie réactionnaire et la violence fasciste de ces groupuscules, nous revendiquons le droit pleinement légitime des organisations ouvrières et d’extrême-gauche à l’auto-défense, seules capables de mener réellement la lutte contre l’extrême-droite. La réponse aux actions de ces groupuscules se doit d’être largement unitaire, prise en charge par l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, en toute indépendance des organes et partis de la bourgeoisie.

La manifestation de samedi dernier a raison de garder la mémoire de cet assassinat politique et de dénoncer les attaques de ces militants fascistes. Mais la seule manière de mettre hors d’état de nuire les groupuscules d’extrême-droite, c’est de construire un puissant mouvement des travailleurs et de la jeunesse contre ce gouvernement et l’austérité, de façon à mettre en place une alternative face au désespoir et au repli que peut générer la crise capitaliste.

09/06/2015.


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