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Une "République Forte pour une France Juste"

Pour éviter le "Tout sauf Valls", Manuel soigne sa gauche

Après un début de campagne poussif, c'est un programme pour le moins surprenant que Manuel Valls a présenté pour la primaire et la présidence de la république, ce mardi en conférence de presse. Lui qui se voulait l'homme fort qui reconstruirait le parti, celui qui à la fois assumerait le bilan du quinquennat à la primaire tout en portant un projet de « renouveau », pour se porter comme le seul candidat à même d’unifier la gauche est bien obligé de concilier l’inconciliable. Une situation telle qu’aussi bien Cazeneuve que François Hollande ne se sont pas affichés ouvertement comme ses soutiens.Une situation d’autant plus inquiétante pour l’ex-premier ministre que certains socialistes lorgnent désormais vers Macron dont Ségolène Royal. Léo Valadim

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C’est donc un numéro d’équilibriste que doit tenter Valls. Celui-ci doit à la fois arriver à justifier son lourd bilan aux yeux du « peuple de gauche » (déchéance de nationalité, loi travail, 49 .3, etc.), et même en faire un argument de force face à ses principaux concurrents qui n’ont pas son expérience dans l’exercice du pouvoir. C’est donc une recette déjà cuisinée que l’ancien premier ministre met en avant : « Une république forte pour une France juste ». Un plagiat en bonne et due forme de la formule que portait déjà Ségolène Royal en 2007, "Plus juste, la France sera plus forte". Un projet qui entend le renforcement du « modèle social français » pour recréer le clivage gauche-droite et faire face à la droite et l’extrême droite cherchant, à s’en faire le rempart et à récupérer l’électorat traditionnel de gauche auquel la gouvernance répressive, antisociale et raciste du duo Valls Hollande a laissé un goût quelque peu amer. Face à l’ascension de Macron et Mélenchon, celui-ci, qui avait théorisé les deux gauches irréconciliables doit se positionner sous certains aspects y compris bien plus à gauche que ce qu’avait pu être sa campagne de 2011 aux primaires du PS. Plus qu’une caricature pour celui qui a imposé sa loi Travail sous le signe de l’état d’urgence et de la répression, mijotée de 49.3.

Une République sociale mais aussi une « République Forte » qui entend renforcer le travail déjà entamé lors du précédent quiquennat à savoir poursuivre le renforcement répressif, sécuritaire et militariste pour affronter la « menace terroriste » et les changements brusques dans la situation internationale. Un programme pour renforcer la surveillance de masse (les « services de renseignement »), la justice à deux vitesses (après un quinquennat sans précédant en terme de répression judiciaire sur le mouvement social), ainsi qu’ à augmenter d’un millier par an les effectifs de policiers et de gendarmes, ceux qui ont réprimé aux ordres du gouvernement la jeunesse et les travailleurs au printemps 2016, tué Adama Traoré et Rémi Fraisse, persécuté les migrants à Calais et qui entretiennent un climat de terreur dans les quartiers.

Dans sa « lutte contre le Djihadisme », qui n’a eu d’utilité que pour justifier le renforcement de l’arsenal répressif comme l’ont notamment démontré les déclarations de Hollande sur la COP21 dans le livre Un président ne devrait jamais dire ça, Manuel Valls entend tout de même insuffler un bas fond d’islamophobie qu’il ne décrète plus aussi ouvertement en revendiquant l’ « expulsion des prêcheurs de haine ». La « république forte » c’est aussi pour lui la réaffirmation de l’ « esprit français », de ses valeurs, son histoire, sa langue, etc. Autant de pirouettes rappelant les positionnements de Sarkozy lorsque celui-ci introduisait sur le devant de la scène politique le nauséabond « débat sur l’identité nationale ». C’est également dans cette lignée que Valls entend poursuivre la « création d’un Islam de France », chantier auquel avait pris part activement Sarkozy pour renforcer le contrôle idéologique sur les quartiers populaires. Aussi et comme bon nombre d’autres candidats, il a comme proposition face à l’insubordination de la jeunesse - notamment celle qui s’est levée ce printemps tout comme celle qui manifeste pour exiger la « justice et la vérité pour Adama »- une réponse radicale, le service civique obligatoire (sorte de service militaire économique).

Que peut bien entendre Valls par « France Juste » ?

Mais Valls entend se démarquer de la droite dure de Fillon et de Le Pen, en voulant une « France juste », la « défense de son modèle social ». Contre la droite qui entend supprimer 500 000 postes de fonctionnaires, celui-ci se fait le fervent défenseur du service public. Oui oui, lui-même dont le gouvernement avait accordé 300 millions d’euro par an à La Poste alors que celle-ci supprimait des emplois et effectuait des restructurations à tour de bras. Entre autres également, alors que Valls prétend défendre l’accès aux soins de proximité et le renforcement des services de santé, on oublierait presque que c’est pourtant sa ministre M.Touraine qui a mis en place une drastique diminution des offres de soin, ainsi que leur éloignement. C’est aussi après que le gouvernement PS a imposé une économie de 3 milliards d’euros sur 3 ans, la suppression de 22 000 postes et de 16 000 lits, Valls ose se faire le garant de la santé publique.

Le volet « éducation », également fer de lance de son projet, a également de quoi nous laisser songeurs, alors qu’une mobilisation d’ampleur est encore en cours dans les ZEP contre la baisse des moyens orchestrée par le gouvernement Valls.

Mais Valls entend aussi « renforcer la culture », « absente des débats à la primaire de la droite », qui pourtant joue « souvent des lanceurs d’alerte ». Paradoxal, alors que son gouvernement a non seulement durement attaqué les intermittents et leur régime d’assurance chômage, mais aussi que plusieurs intermittents, ont été poursuivis en justice pour s’être mobilisés contre.

Après s’être hypocritement fait défenseur de la caissière sanctionnée après avoir fait une fausse couche au travail, le candidat cherche aussi à se positionner sur les questions salariales, en déterrant notamment la défiscalisation des heures supplémentaires, élément de programme qui revient entre autres à Sarkosy et son fameux « travailler plus pour gagner plus » et pour s’assurer un électorat populaire. Lui qui avait pourtant succédé en 2014 à Ayrault en marquant une coupure nette avec la politique de « dialogue social » avec son attaque au moyen de la loi Travail, un « dialogue social » essoufflé qui avait fait les succès de la campagne de Hollande de 2012 mais n’avait pas porté ses fruits faute de miettes à lâcher aux directions syndicales, se revendique aujourd’hui de la « démocratie sociale », consistant à « écouter, dialoguer, trancher ».

Sous pression des candidats à la primaire, notamment Hamon, qui met en avant la création d’un « revenu annuel d’existence », Valls propose un « revenu décent » pour les Français de plus de 18 ans (y compris les étudiants qui travaillent). Cela serait un complément de la prime d’activité (c’est à dire pour les gens qui travaillent), de 800 €, en fusionnant des 10 minimas sociaux (RSA, travailleurs handicapés, travailleurs pauvres, etc.).

Une « renaissance démocratique » pour le recordman du 49.3 ?

Face à la crise de légitimité de la Vème république et de la « démocratie », Valls cherche à se positionner dans le débat où Mélenchon tire jusqu’à présent bien son épingle du jeu. En revanche sa réponse, loin de « redonner de l’autorité aux citoyens » ressemble plutôt à un renforcement de l’exécutif, même s’il le maquille de la volonté de supprimer le 49.3. En effet, le cœur de la « renaissance » consiste en la réduction du nombre de députés et de sénateurs, ces mêmes dont il n’avait pas réussi à obtenir une majorité pour appliquer ses lois anti-sociales Macron et El Khomri, recourant donc au 49.3.

Pour l’instant, encore difficile de savoir si Manuel Valls va réussir à séduire l’électorat socialiste et remporter la primaire. Mais une chose est sûre, si le candidat l’emporte, il aura du mal à se faire le « rassembleur » de ses rêves, dont les socialistes auraient besoin pour s’affronter aux outsiders – tous deux anciens ministres du PS – qui ont pour l’instant le vent en poupe, Macron et Mélenchon. 


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