[DOCUMENTS] Grèves des femmes

Pour l’amour des travailleurs, nous on est là ?

Jane Mitchell

Pour l’amour des travailleurs, nous on est là ?

Jane Mitchell

De la première grève des femmes, la Global Women Strike en 1972, à la première grève des femmes en France en 1974, pour dire que la société ne pourrait pas tourner sans elles.

Depuis le lancement de l’International Women Strike, l’idée de la grève des femmes est revenue d’actualité au sein du mouvement féministe. Si les grèves des travailleuses salariées ont accompagné la naissance du mouvement féministe, la plus connue étant la grève du pain et des roses de 1912 – la longue mobilisation de neuf semaines des ouvrièr.e.s du textile de Lawrence, Massachussetts, menée majoritairement par des femmes –, ce n’est que dans les années 1970, notamment dans le milieu international des féministes d’inspiration marxiste, que le thème de la grève des femmes s’impose comme une revendication et un objectif fondamentales.

La première Global Women Strike en 1972 est l’aboutissement de la campagne pour le « Salaire pour le travail domestique » lancée à Padoue, en Italie, par le Collectif féministe international composé par Maria Rosa Dalla Costa (Padoue), Selma James (Londres), Silvia Federici (New York) et Brigitte Galtier (Paris). Si la campagne se bat en effet pour un certain nombre de revendications très concrètes – égalité des salaires, congé parental, indemnités chômage, droit des femmes à travailler en dehors du foyer – le fait de poser la question de la rétribution du travail domestique a pour but de montrer le coût reproductif de la production capitaliste, c’est-à-dire ce travail non payé, et donc volé aux femmes par le capital, et souvent voilé par la centralité accordée du point de vue marxiste à la sphère de la production.

Mais quelle production sans reproduction ? – demandent les camarades du Collectif. Et comment qualifier l’accomplissement de ces tâches domestiques et de soin, aussi épuisantes et répétitives que nécessaires et inéliminables ? « Lo chiamano amore, noi lo chiamiamo lavoro non pagato » (Ils appellent cela amour, on appelle ça travail non payé), répondent-elles.

En effet, en dépit de son slogan, la campagne internationale n’exprime pas la volonté de fixer le coût du travail domestique pour lui attribuer une compensation adéquate, mais exprime plutôt le refus du travail domestique et le rejet de sa sexualisation en tant que vocation naturelle des femmes.

Le travail domestique est considéré donc comme « la plus grande manipulation » et « la violence la plus subtile et mystifiée que le Capital ait jamais perpétré contre une partie de la classe ouvrière ». Par la révélation d’une telle mystification, ces féministes des années 1970 entendent fournir une contribution cruciale à la critique de l’économie politique marxiste classique. Leurs théories et leurs pratiques, minorisées ou même combattues à l’époque par d’autres courant féministes, sont aujourd’hui au centre de vifs débats sur la question du travail reproductif qui, tout en étant largement féminisé dans sa connotation et par ses attributs, est aujourd’hui de plus en plus privatisé et n’est plus exclusivement exercé par des femmes.

En France, en revanche, le premier appel à la grève des femmes date de 1974. Le 9 juin des féministes du Mouvement de libération des femmes, un mouvement féministe autonome et non-mixte, lance une grande grève nationale des femmes dans le but de montrer que la société ne peut fonctionner sans elles : travaillant souvent et à la maison et à l’extérieur – dans les bureaux ou dans les usines – les femmes représentent de véritables piliers de la production et de la reproduction de la société dans son ensemble.

Dans les images qui suivent, filmées à l’occasion du rassemblement du MLF (9 juin 1974) organisé pour lancer l’appel à la grève contre les taches domestiques et sexuelles, les militantes interviewées expliquent en trois minutes les raisons de leur initiative.

Premièrement, il s’agit de dénoncer la société patriarcale et capitaliste, responsable de la domination des femmes et des violences qu’elles subissent.
Deuxièmement, il s’agit de attirer l’attention sur l’oppression des femmes, condamnées à prendre en charge le travail domestique, ainsi que sur la double exploitation des femmes travailleuses, exploitées par le capital et par la famille. Troisièmement, il s’agit de démasquer le mythe de la maternité souvent imposée à des femmes qui n’en veulent pas, et souvent interdite, pour des raisons sociales, a des femmes qui voudraient être mères et ne peuvent pas.

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