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Journée nationale de la laïcité

Pour la SNCF, laïcité rime avec stigmatisation

Ce vendredi 9 décembre 2016, la SNCF s’est emparée de la « journée nationale de la laïcité » pour rappeler dans un mail envoyé à plus de 160 000 agents et placardé un peu partout dans les établissements sa vision bien à elle de la « laïcité ». Mais au milieu des multiples tournures pompeuses invoquant au choix l’égalité, la neutralité ou la tolérance, il semble que toutes les croyances ne soient pas logées à la même enseigne…

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Mar Martin

Le respect de la neutralité par l’interdiction de l’expression

 
« Ce vendredi 9 décembre 2016 est la journée nationale de la laïcité, l’occasion pour SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités de rappeler qu’il appartient à chacun de construire au quotidien ce « vivre et travailler ensemble » basé sur l’acceptation de l’autre, la solidarité, le respect mutuel et la tolérance entre collègues. Ainsi, si chacun a doit à ses croyances religieuses, elles ne doivent cependant pas être exprimées ostensiblement au travail afin de respecter les principes de neutralité du service public. »

Pour la SNCF, la bonne laïcité est celle qui passe sous silence les croyances de ses travailleurs. Une dérive importante du concept premier de « séparation de l’Eglise et de l’Etat » votée le 9 décembre 1905 et commémorée ce jour, censée promettre la non-ingérence de l’Eglise catholique dans les faits et gestes de l’Etat et de ses hauts représentants. Ici, la laïcité de l’Etat se transforme en interdiction pour les membres de la société civile de pratiquer leur religion.

Heureusement pour Monsieur Fillon que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Car si les cheminots reçoivent des ordres stricts les empêchant de faire état de leurs croyances, nul besoin pour le présidentiable des Républicains de cacher son appartenance au catholicisme traditionnel et ses liens avec les catholiques « d’avant-garde » de la Manif pour Tous. Même, c’est un argument auprès de toute une partie de son électorat conservateur.

Des pratiques bien ciblées

 
Peu importe le nombre de fois où apparait le mot « égalité », les exemples de pratiques non-acceptées sont sans appel : « Le groupe public ferroviaire se doit d’être conforme au principe de neutralité du service public et ne peut donc pas admettre des comportements ostentatoires révélant l’appartenance d’un salarié à une quelconque religion (tenue vestimentaire inappropriée, acte de prosélytisme, prière sur le lieu de travail même durant les pauses…) »

Car si la laïcité est célébrée nationalement le 9 décembre depuis 2011, le gouvernement ne s’est pas caché d’accorder une importance particulière à cette journée depuis les attentats de 2015. Ceux-là qui lui avaient permis, le temps de quelques semaines, de se refaire une santé en chef de « l’Union nationale », prônant le « pas d’amalgame » pour couvrir ses responsabilités dans la montée du racisme et de l’islamophobie.

Quant à la SNCF, la voilà bien hypocrite, elle qui à une autre époque s’est réjouie d’une main d’œuvre à bas coût prise dans les anciennes colonies françaises pour construire ses rails. A l’heure des « réorganisations » (entendez suppressions de postes) et du passage du service public au privé qui avance peu à peu dans la liquidation des acquis des travailleurs de ce secteur, la division par la stigmatisation est une arme fatale pour prévenir les contestations.

Contre les discriminations, la SNCF ?

 
« [L’employeur] doit notamment veiller à ce que ne s’installent pas au sein des collectifs de travail des situations de harcèlement ou de discrimination (ex : refus de serrer la main d’une personne en raison de son sexe)  »

Encore une fois, l’exemple utilisé est éloquent. Et l’instrumentalisation de la lutte contre les discriminations, sexistes notamment, est accablante. Surtout quand la même SNCF faisait le tolet sur Twitter il y a quelques jours à peine à l’occasion d’un post vantant un écart de rémunération entre hommes et femmes inférieur à la moyenne (4 % contre 15-20 % en moyenne dans les entreprises françaises). «  Quand la SNCF affiche fièrement qu’elle pratique l’écart salarial hommes/femmes, mais moins que d’autres #sexisme #RH  » pouvait-on par exemple lire dans certains tweets dénonçant la campagne.

Bien loin du paradis d’égalité qu’elle prétend être, la SNCF était aussi l’objet de scandale fin novembre alors qu’était rendu public un document trouvé dans les locaux de Saint-Lazare, recensant des informations telles que le comportement ou les opinions politiques de 25 agents de la gare. Des renseignements très professionnels tels que « racaille bas de plafond », « travail correct mais pas ouf », « stupide », « un peu conne », « vient du fin fond de la campagne », « détesté par l’équipe », « prière au local... sans gêne pour les autres » ou encore « marié/célibataire/vient de rompre ». Si la SNCF s’est rapidement excusée, il semble pour autant que le document de Saint-Lazare ne soit pas tout-à-fait un cas isolé, comme le déclare Sud Rail au Parisien, parlant du « même genre de fiches » retrouvé sur la zone de Cergy.

« Signaler des situations contraires à la réglementation »

 
Pour terminer en beauté, la fin de la lettre aux salariés donne la méthode à suivre pour le bon fonctionnement collectif : dénoncer les collègues ! Des pratiques qui ne sont pas sans rappeler les pires époques de gouvernements fascistes et antisémites appelant à la « collaboration ».

En définitive, un « vivre et travailler » ensemble qui rime avec stigmatisation, division et délation. A cela, les cheminots ont tout intérêt à préférer le « tous ensemble » qui a animé la mobilisation contre la loi travail et le décret socle au printemps dernier, et qui seul pourra permettre d’envisager une résistance victorieuse contre les réorganisations qui se succèdent, et la casse du statut cheminot par le passage du public au privé.


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