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Des parasites sociaux, et pas seulement

Poutou chez Ruquier. Ce dont leur rire (de classe) est le nom

Le rire collectif de l’émission On n’est pas couché du 25 février, lorsque Vanessa Burggraff s’est essayée à la lecture du programme du NPA sur l’interdiction des licenciements , n’est pas simplement un accident de parcours dans la candidature de Philippe Poutou.

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Ce n’est pas non plus l’expression d’un malentendu lié à l’originalité des propositions du NPA face au formatage puissant des petits esprits médiatiques. Il dit au contraire, en toute innocence, avec quelle certitude fonctionne désormais la domination et le degré atteint par la lutte des classes : en riant des licenciements, ce qui s’exhibe c’est non seulement l’ignorance avouée de notre situation sociale, mais plus encore le mépris violent de ce qui nous concerne : ce rire nous montre bien que « tout cela, finalement, est très dérisoire ».

Il est remarquable d’ailleurs que ce rire ait pris une telle ampleur, qu’il se soit fait collectif : véritable ciment de nos adversaires. Evidemment, on peut dire que tout ça n’est pas très respectueux, que Philippe, candidat ouvrier, a le droit d’être traité avec le même respect que n’importe quel autre candidat. La condamnation, qui s’est répandue dans plusieurs médias, s’est le plus souvent formulée de cette manière.

Soit, mais prenons ce rire à la lettre, que dit-il au fond ? Ne vient-il pas exprimer, en un lieu public, ce qui se produit d’habitude tacitement dans les rapports sociaux entre salarié/e/s et patrons, ou DRH, voire dans la rue ? Ne vient-il pas mettre en spectacle ce que nous vivons au quotidien, dans les rapports de classes ? Celle qui cherche ses mots, face à la hiérarchie, et qu’on regarde d’en haut alors qu’elle veut parler de ses conditions de travail, celui à qui on ne dit pas bonjour parce qu’il est là pour récurer les toilettes le matin, ceux qui ramassent les poubelles, celles/ceux qui nettoient les corps à l’hôpital : théâtre d’ombres ordinaires, puisque la lumière est braquée sur les belles figures bourgeoises. Ce sont nos toutes petites histoires, faites d’accrocs au fil de la journée. On dirait « presque rien » mais en fait tout y est : il y a eux et nous, et comme dans les Western, l’un des deux est de trop ici.

Tellement sérieux/ses lorsqu’il s’agit de décider de précariser le travail, de faire des coupes dans les budgets des services publics, d’imposer la langue française sur les chantiers – et il faudrait en plus qu’on les prenne, nous aussi, au sérieux et qu’on les laisse tranquillement rire de nous ? Contre ce rire de connivence, il faut imposer notre solidarité de classe. Contre leur mépris, revendiquer notre dignité. Dénoncer, sous le sérieux compassé de leurs grandes décisions, la bêtise crasse d’un calcul où nos vies sont chaque fois mises en jeu.

Si ce rire a parasité la parole du candidat du NPA mais a été malgré tout gardé au montage, c’est parce que la classe bourgeoise assume d’aller jusque-là. Elle prend ses aises, quitte à être prise sur le fait d’un violent mépris de classe. Et d’ailleurs, parasiter, ne le fait-elle pas sans cesse ? Et à vrai dire, de quel côté se trouve le comique, quand Macron ose l’ineptie de « ne pas avoir peur » face à un t-shirt ? C’est guignol, évidemment, mais ça nous cuit un peu aussi.

En tout cas, voilà un rire bourgeois comme on en voit rarement. Voilà la lutte des classes sous sa figure grimaçante, grotesque. Des bouffons qui se donnent dans une caricature comme on a envie d’en dessiner, le popolo grasso condescendant qui se marre et qui nous promet quelques miettes de parole après ça. Mais il ne nous reste plus qu’une chose, maintenant : dénoncer leur grotesque, pour imposer notre rire. Et ouvrir grandes nos bouches, qui sont innombrables.


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