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Les étudiants font peur au gouvernement

Premier jour de grève massive : Les cheminots 1, Macron 0

Comme annoncé, ce mardi 3 avril la mobilisation a été massive chez les cheminots. Face à la colère qui monte, le gouvernement, qui n’avait pas prévu un tel niveau de mobilisation, est à la défensive. C’est ce qu’illustre notamment le lancement, bien aidé par les médias, d’une campagne visant à remporter la bataille de l’opinion publique.

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Ce mardi 3 avril, marquant le début du préavis déposé par les syndicats cheminots, a connu un taux de grève très important. Très peu de trains ont circulé, seul un TGV sur huit a roulé, et sept lignes d’Intercités ont été mises totalement à l’arrêt. En région parisienne, le trafic des RER a été sérieusement perturbé. Dans certaines régions le taux de grévistes avoisinait les 90 %. Si les chiffres donnés par la SNCF donnent une mobilisation légèrement inférieure à celle du 22 mars - chiffres par ailleurs contestés par les syndicats - les cheminots les plus mobilisés étaient les travailleurs indispensables à la circulation, qui sont passés de 36% il y a treize jours, à près de la moitié ce 3 avril. Il est par ailleurs à noter que les manœuvres de la SNCF, avec ses primes pour les cadres, n’ont que très peu démobilisé, les chiffres restant stables.

Dans de nombreuses gares, les cheminots tenaient leurs premières assemblées générales (AG) de ce printemps. Dans certaines de ces AG, comme à Paris Nord, la reconduction de la grève au lendemain a été votée à l’immense majorité. De même la question de la stratégie pour gagner revient systématiquement dans les discussions : grève en pointillés ou reconductible ? À la gare d’Austerlitz, des questions du type « faut-il durcir le mouvement, notamment les 9, 10, 11, 12 avril, en lien avec le calendrier parlementaire ? », ont été posées.

Autre sujet au centre des discussions, comme à Austerlitz et à Toulouse : la nécessaire convergence avec les autres secteurs en lutte, et notamment les étudiants. Cette jonction entre le mouvement étudiant et les cheminots inquiète au plus haut point le gouvernement, de sorte que, selon Le Parisien, l’Élysée surveille la mobilisation de la jeunesse comme le lait sur le feu. Un connaisseur du dossier a précisé au journal que « le gouvernement semble très en connexion avec ce qui se passe sur le terrain ».

Et il y a de quoi. Ce mardi, de nombreuses facs étaient toujours bloquées, et certaines occupées. Au Mirail (Toulouse), à Tolbiac (Paris 1), à Montpellier, et dans plusieurs autres universités, la grève et le blocage ont été reconduits dans des assemblées générales massives. Dans beaucoup de villes, les étudiants et les cheminots ont manifesté ensemble contre les attaques du gouvernement Macron : à Paris, entre la Gare de l’Est et Saint-Lazare, à Bordeaux, à Toulouse… Et souvent, les électriciens et les gaziers, le personnel hospitalier et d’autres travailleurs de l’éducation sont venus grossir les cortèges.

Une première journée de grève cheminote réussie donc, et que le gouvernement cherche à tout prix à isoler.

Pressions et répression

Cela fait désormais des semaines que le gouvernement, la direction de la SNCF et les médias œuvrent main dans la main à étouffer dans l’œuf la colère des cheminots et à limiter les impacts de la grève. Une prime de 150€ était proposée aux travailleurs acceptant de remplacer les grévistes, et de nombreux transports de substitution étaient mis à la disposition des usagers. La direction envisagerait même la possibilité d’aller « réquisitionner » des cheminots par la force pour certaines lignes (comme le RER D en Île-de-France), à l’aide de gendarmes, comme l’explique Laurent Brun de la CGT-Cheminot.

Échaudé par l’épisode de répression de Montpellier, le gouvernement a réprimé essentiellement pour briser les convergences. Une répression quasi millimétrée pour éviter toute radicalisation d’un mouvement de grève massif dont il n’avait pas saisi, jusque-là, la portée. Cela s’est notamment traduit par une répression de la manifestation parisienne, avec une nasse policière géante de l’ensemble des manifestants aux abords de la gare Saint-Lazare, à grands renforts de lacrymos, visant avant tout à éviter que la convergence des étudiants, des cheminots et des autres secteurs en lutte débouche sur des prises de paroles en fin de cortège, une répression faite de provocation. Pareil, pour les éboueurs qui, tôt le matin, ont été fortement réprimés alors qu’ils bloquaient pacifiquement leur dépôt.

De même, c’est aussi au travers de l’interpellation de figures de la mobilisation d’autres secteurs, alliés des cheminots, que le gouvernement tente d’intimider les soutiens à la grève. C’est le cas à Toulouse, où Aurélie-Anne, étudiante au Mirail et militante à l’UET et au NPA, a été interpellée arbitrairement à la fin de la manifestation, et détenue plusieurs heures en garde-à-vue, avant de comparaître devant le tribunal ce mercredi à 10h.

Cerise sur le gâteau, Gaël Quirante a été licencié aujourd’hui même par la Poste, un licenciement politique qui intervient au tout début de la mobilisation des cheminots. Le gouvernement saupoudre savamment les luttes de répression pour mieux désamorcer les convergences. Raison de plus pour que l’ensemble de ces foyers de lutte soit organisé en commun, notamment au travers d’Assemblées Générales et de ses déclinaisons comme les AG interprofessionnelles ou les comités de grève votés à l’unanimité et censés rassembler les syndiqués et non syndiqués.

L’opinion publique sera déterminante

L’un des éléments déterminants pour la suite sera la bataille de l’opinion. En effet, malgré la véritable campagne de diffamation orchestrée par le gouvernement et les médias, « 46% [de la population], soit 4 points de plus en deux semaines, soutiennent la grève », rappelle Danielle Sportiello, ce lundi, sur le plateau de France 3. Une dynamique que Macron veut absolument renverser en s’appuyant sur une campagne médiatique visant à retourner les usagers contre les cheminots, dans cette première semaine décisive. 

Ainsi, par-delà les tentatives de la direction de la SNCF de casser la grève et la répression, on a pu voir dans nombre de médias des déclarations visant à décrédibiliser les cheminots et à mobiliser les usagers contre la grève.

Tandis que bon nombre de députés LREM s’activent sur leurs comptes Twitter pour défendre la réforme du rail, à grand renfort de schémas et de citations, les portes-paroles du gouvernement courent les plateaux télé. Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Jean-Baptiste Djebarri, a ainsi déclaré devant une multitude de caméras et de micros, à plusieurs reprises, que « la réforme de la SNCF s’attaque à un constat consensuel » ou encore « la concurrence, c’est plus de trains, une offre de meilleure qualité, un système ferroviaire qui marche ». Une rhétorique peu argumentée, qui paraît pour le moment bien pâle à côté de l’enjeu que représente la guerre d’opinion autour de la bataille du rail, tant pour le gouvernement que pour le monde du travail.

Une bataille qui semble loin d’être gagnée par le gouvernement puisque #JeSoutiensLaGreveDesCheminots fait partie des hashtags les plus populaires. Une cagnotte en ligne de soutien lancée par des intellectuels a franchi la barre des 100 000 euros. Aussi, un sondage en ligne lancé par Le Point auquel près de 80 000 personnes ont participé donnait seulement 51,1 % de « Non » à la question « La grève des cheminots vous semble-t-elle justifiée ? ».

Ces éléments de solidarité sont décisifs, mais l’enjeu est désormais de les concrétiser au travers d’une véritable convergence, aux côtés et avec les cheminots. Pour cela, il s’agit d’organiser l’ensemble de ces foyers de lutte en une lutte commune, notamment au travers d’Assemblées Générales et de ses déclinaisons comme les AG interprofessionnelles, en œuvrant à construire des outils pour donner aux travailleurs les moyens de prendre en main leur grève, et d’imposer leur stratégie, par la pression à la base, aux directions syndicales. Dans cette lutte, le mouvement étudiant pourrait avoir un rôle central à jouer pour faire prendre la mayonnaise, se lier avec les cheminots, et les secteurs en lutte plus en général. Et c’est bien ce que craint le gouvernement, lui qui durcit le ton à l’encontre des étudiants.

Crédits photo : O Phil Des Contrastes


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