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Grèce

Première grève générale contre le gouvernement Syriza

La Grèce a vécu sa première grève générale contre le gouvernement Syriza-Anel, fortement suivie dans le secteur public et un peu plus faiblement dans le secteur privé. Plusieurs dizaines de manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes ainsi que des heurts avec la police à Athènes. Josefina L.Martinez

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La grève générale a été très forte dans les services publics : hôpitaux, centres de santé et transports. Le métro, les trains inter-cités et des ferries furent complètement paralysés.

La mobilisation a aussi été forte dans le secteur des médias, à tel point qu’à la télévision et à la radio passaient des programmes d’archives et des informations sur la journée de grève. Dans les aéroports, tous les vols internes ont été annulés.

Cette journée de grève a été appelée par les deux confédérations syndicales de Grèce, ADEDY pour le secteur public et GSEE pour le secteur privé. Le courant syndical PAME impulsé par le KKE, ainsi que le reste des organisations sociales et politiques de gauche se sont joints à cet appel.

Plus de 20.000 personnes ont participé aux manifestations dans le centre d’Athènes, divisées en trois marches dans lesquelles travailleurs, étudiants, chômeurs, syndicalistes et organisations politiques d’extrême-gauche ont marché ensemble.

Des concentrations massives ont également eu lieu dans plusieurs villes du pays.

A la fin de la manifestation, la police a réprimé les manifestants avec des gaz lacrymogènes. Des affrontements se sont produits en face des bureaux de la banque centrale de Grèce où un groupe de jeunes a lancé des cocktails Molotov. Des dizaines d’arrestations ont eu lieu.

De la déception à la lutte


« Je suis déçu et je me sens trahi par le gouvernement Syriza. Je pense que nous devons impulser à nouveau la lutte contre le capitalisme et le libéralisme qui s’est imposé dans le monde, en Espagne et en Europe », déclare Tasis, professeur de 50 ans, à l’agence EFE.

Dans le secteur privé, la grève a été plus inégalement suivie. De nombreux commerces ont fermé, mais dans le centre d’Athènes certains sont restés ouverts. Dans les communes plus petites, l’activité commerciale a été presque totalement paralysée.

« Nous nous sentons complètement trahis. On dirait un gouvernement de droite en vérité » témoigne Alexandros, un commerçant de tissus dans le centre d’Athènes, même s’il n’a pas fermé son magasin.

Kali, une employée de commerce de 39 ans offre un témoignage similaire : « ils ont changé, ce n’est pas un gouvernement de gauche...et ils ont fait pire que ceux d’avant. Je veux que le Gouvernement reçoive ce message que la population ne l’appuie pas, ni dans les négociations (avec les créanciers) ni dans ses propres plans ».

« C’est fou, nous sommes en train de protester contre le gouvernement Syriza qui, en théorie, appuie cette manifestation » ajoute Kali, faisant allusion à ce que certains nomment une sorte de « schizophrénie » de la part de Syriza.

En effet, la section syndicale de Syriza s’est jointe à l’appel à la grève, appelant à mobiliser « contre les politiques néo-libérales et le chantage des centres politiques et financiers ».

Dans les réseaux sociaux, des secteurs liés à Syriza ont du faire des pirouettes pour expliquer pareille contradiction, arguant que c’était une grève « contre la troïka », mais pas « contre le gouvernement ». En réalité, les plans de la troïka sont appliqués par Syriza, et par personne d’autre, mais il tente d’occulter cette évidence.

Maria Athanassiadou, femme de 63 ans, l’a clairement exprimé au cours de la manifestation, déclarant, comme le reprend The Guardian : « Je proteste contre le gouvernement, car il nous a pris pour des imbéciles. Je suis retraitée et je n’ai pas la moindre idée de ce que va être ma retraite ».

Vers un hiver de grogne ?


« Cet hiver va être explosif et la grève en marque le commencement », déclare Grigoris Kalomoiris, dirigeant de la centrale syndicale des emplois publics, ADEDY.

« Lorsque le salaire moyen est réduit de 30%, lorsque les salaires deviennent inacceptables, lorsque le système de sécurité sociale risque de s’effondrer, nous ne pouvons pas rester sans rien faire. »

Les bureaucraties syndicales ont appelé à cette première journée de grève générale sous le gouvernement Syriza, permettant que s’exprime un profond mécontentement contre les coupes budgétaires et les ajustements, mais sans véritable plan de bataille, ni programme pour aller à l’affrontement et en finir avec ces plans.

Le courant syndical PAME du KKE, a appelé à des manifestations dans des dizaines de villes, mais avec sa politique auto - proclamatoire et bureaucratique, il ne propose pas de perspectives pour la mobilisation, ni de front unique pour la lutte avec l’ensemble des travailleurs et des organisations combatives.

La coalition anticapitaliste Antarsya a participé activement à la grève générale, déclarant dans un communiqué que « le gouvernement et les créanciers intensifient la guerre contre le peuple et les travailleurs ».

« Le nouveau gouvernement des mémorandums Syriza-ANEL se met au premier rang des terribles mesures du 3e mémorandum reprenant la guerre contre la classe travailleuse, la paysannerie et la jeunesse. Augmentation de la pauvreté, liquidation de la sécurité sociale, un pillage imposé au peuple et des exemptions d’impôts aux entreprises et aux « investisseurs », confiscations et ventes aux enchères. Vente massive de la propriété publique restante, à commencer par l’énergie, les ports, les trains et les aéroports ».

Antarsya signale également que « la lutte doit se mener contre cette attaque antipopulaire du gouvernement, du capital, de l’UE et du FMI. Pour le renversement de tous les mémorandums et les « réformes » réactionnaires du capital. Pour la défaite du gouvernement SYRIZA-ANEL par les luttes et par un puissant mouvement ouvrier et populaire afin d’ouvrir un nouveau chemin à la société grecque ».

Dans son communiqué, Antarsya propose quelques mesures programmatiques, comme la nationalisation de toutes les usines fermées et leur réouverture sous contrôle ouvrier, la réduction de l’âge de départ en retraite et des heures de travail, l’augmentation des salaires, la nationalisation sans indemnisation et sous contrôle ouvrier des banques et des entreprises stratégiques pour les travailleurs...

Ces mesures, faisant parti d’un programme anticapitaliste sont nécessaires pour ouvrir une porte de sortie aux travailleurs et au peuple grec, qui payent les conséquences de la crise depuis 8 ans.

Une sortie anticapitaliste qui s’oppose aussi bien aux tromperies du réformisme « européiste » de Syriza, qu’aux secteurs qui proposent une « sortie de l’euro » et au « souverainisme de gauche ».

L’échec de l’expérience du « gouvernement de gauche », qui s’est transformé en gouvernement de coalition de classes et qui applique les coupes budgétaires de la Troïka montre cependant, qu’un tel programme ne peut être conquis que dans la perspective de la lutte pour un gouvernement des travailleurs. C’est une leçon stratégique fondamentale de l’expérience grecque, clef pour toute la gauche anticapitaliste européenne.

Les prochaines semaines et prochains mois seront décisifs pour les travailleurs et la jeunesse de Grèce pour récupérer ses forces et s’auto-organiser pour la lutte. Le 17 novembre prochain, un nouveau rendez-vous est donné dans la rue, lors de la manifestation annuelle qui commémore la rébellion contre la dictature des colonels.


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