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Présidentielles

11 candidats en lice. Quid de leur programme ?

Alors que les « scandales » continuent à faire rage et culminent avec la démission de Bruno Le Roux et le nouveau chef de mise en examen de Fillon, la proclamation des 11 candidats officiels à l’élection présidentielle pourrait bien ouvrir le débat sur les programmes censés éclairer le choix des électeurs et des électrices.

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C’est cette période qu’a prétendue inaugurer le débat de lundi soir sur TF1, tout en excluant plus de la moitié des candidats, et notamment les deux seules voix du camp des travailleurs qui auraient pu se faire entendre, celle de Philippe Poutou du NPA, seul ouvrier présent dans le lot, et celle de Nathalie Arthaud, pour Lutte ouvrière.

Qui défend quels intérêts et sur quoi ? Faisons le point.

Le néolibéralisme est à la manœuvre

L’ère de l’austérité imposée aux travailleurs sous la montée du néolibéralisme n’a pas attendu l’élection présidentielle de 2017 pour orienter toutes les réformes vers la régression sociale et l’atteinte aux libertés démocratiques. Le renouvellement de la présidence ne fait qu’approfondir cette tendance dans les rangs des candidats de la bourgeoisie.

Le programme ultra-droitier de Fillon va plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs, Sarkozy compris, n’avait osé aller. Il est tourné tout entier vers la défense accrue des intérêts du patronat et la réaction la plus noire en termes de société.

Sous couvert de compétitivité, il place l’entreprise et ses bénéfices au cœur de l’économie, avec l’allègement renforcé de ses charges et impôts jusqu’à 25% ; l’emploi n’est qu’une conséquence — que l’on espère positive — du développement de l’entreprise.

Corollaire de cette logique, il prévoit la « révision » du code du travail, la mise en avant du « dialogue social », la fin des 35 heures et la levée de « la peur d’embaucher » des patrons, grâce notamment à des « contrats » totalement léonins.

Les privés d’emploi et exclus de toute sorte, réduits à l’état de pauvreté, devront se contenter d’une « allocation sociale unique » destinée à faire en sorte qu’il ne soit pas possible que« travailler paie moins que de vivre de la solidarité de tous », mesure assortie d’une forte incitation à reprendre un travail, même à temps partiel…

Quant aux migrants, nous n’en avons, selon Fillon, nul besoin puisque la France bénéficie d’une « forte dynamique démographique » et que par ailleurs « notre crise économique et sociale rend impossible l’accueil dans des conditions satisfaisantes… ». CQFD. Il s’en tiendra à une politique de quotas très stricte.

Guerrier à l’extérieur, avec un rehaussement du budget de la défense jusqu’à 2% du PIB, le pouvoir régalien ne se montrera pas moins agressif à l’intérieur. Considérant que « la délinquance est due à l’absence de sanction », il appliquera le principe de « tolérance zéro » et déploiera en conséquence, l’arsenal policier et juridique nécessaires en définissant un budget commun renforcé « sécurité-justice ».

Le « social-libéralisme » tire au centre et gouverne à droite

L’échec de Juppé à la primaire et la radicalité du programme Fillon, le désaveu complet de la politique hollandiste et l’impossibilité d’assumer le bilan du quinquennat créent un boulevard au centre. Emmanuel Macron saisit cette opportunité en teintant ses orientations profondément néolibérales d’une image moderniste. Du « socialisme », peu de traces.

Néolibérale, sa proposition pour la compétitivité et l’investissement l’est totalement. À l’instar de Fillon, Macron prévoit de « revoir le cadre fiscal pour encourager la prise de risque et donner à nos entreprises l’accès aux capitaux dont elles ont besoin ». Il veut notamment remplacer le Crédit d’impôt compétitivité emploi par « une mesure plus pérenne ».

En ce qui concerne le code du travail, et l’emploi, la similitude de la loi Macron et de la loi El Khomri, avec le programme Fillon n’est pas à démontrer. Elles en sont, sans aucun doute, la source d’inspiration. Détruire le code du travail, remettre en cause les 35 heures, traiter au cas par cas en fonction de la situation de l’entreprise, c’est le projet du MEDEF et des banques chez Macron comme chez Fillon.

Sur les flux migratoires, guère plus de « socialisme » chez Macron que chez Fillon, avec une exigence de reconduite aux frontières de tous les déboutés du droit d’asile et la pratique de la langue française comme critère d’acceptation…

Quant à l’énergie, en bon tireur au centre, il souhaite limiter à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité, concession faite aux écolos et le distinguant d’un Fillon qui maintient la priorité au nucléaire tout en préconisant une modernisation du parc existant.

Sur les aspects régaliens, il propose de porter le budget de la défense à 2% du PIB, ce qui est exactement le projet Fillon, et de « restaurer un service militaire d’un mois, obligatoire et universel, pour renforcer la garde nationale ». Il souhaite par ailleurs recruter 10000 policiers et gendarmes et rétablir unepolicede proximité.

Rien au total qui soit véritablement de nature à se démarquer comme « social-libéral ».

Le FN peine à tenir le cap de la dédiabolisation

Cette poussée du centre vers la droite et de la droite aux frontières de l’extrême droite vient contrecarrer le projet de dédiabolisation du FN portée par Marine le Pen et Florian Philippot depuis plusieurs années. Marine le Pen, dont l’espace programmatique se trouve ainsi restreint, se voit contrainte de labourer ses terres traditionnelles. Opportuniste s’il en est, alors que le FN a été de longue date un repère des catholiques intégristes, il se découvre, des convictions laïques. Mais ce nouvel étendard ne sert qu’à une chose : nourrir la xénophobie, le racisme anti-musulmans et le nationalisme exacerbé qui constituent son fonds de commerce.

Son projet économique et social est simple : à l’inverse d’un Macron ou d’un Fillon militant pour une Europe ultra-libérale, il s’agit de sortir de l’Europe, selon le miraculeux exemple de l’Angleterre, fermer les frontières, produire français, appliquer la préférence nationale, exiger que l’on parle français sur les chantiers, réserver les aides sociales aux Français de souche. Même lorsqu’elle évoque, à juste titre, l’aberration des transports de fruits et légumes d’un bout à l’autre de la planète, c’est pour mieux revenir au « produisons français » marqué du sceau du chauvinisme plutôt que de l’écologie.

Cet acharnement à creuser le même sillon est renforcé par les liens que le FN et Marine le Pen elle-même continuent à entretenir avec les identitaires et des organisations comme le GUD. C’est sous cet aiguillon qu’elle a annoncé son intention de dissoudre les organisations antifascistes. Dans son programme, même si le style a changé et si elle est devenue « présidentiable », la dédiabolisation ne transparaît pas beaucoup.

Mélenchon double Hamon sur sa gauche

L’espace « à la gauche de la gauche » a grandi au fur et à mesure du rejet grandissant du hollandisme et des coups répétés qu’il portait aux travailleurs. Le positionnement de « frondeur » adopté par Hamon au sein du PS n’a pas été suffisant pour démarquer le candidat qui s’est qualifié comme élu de « la belle alliance » de gauche. Tandis que Mélenchon renforce son discours de candidat du peuple contre l’oligarchie, Hamon, accroché à sa mesure phare, « le revenu universel », qu’il réduit progressivement à peau de chagrin, sent le sol se dérober sous ses pieds au fur et à mesure que les transfuges rejoignent le camp Macron.

Ce qu’Hamon esquisse de manière timorée, Mélenchon le pousse jusqu’au bout. Si le programme des deux hommes démarre à peu près de la même manière en parlant de « VIème République », de « France indépendante », de partage du temps de travail, d’abolition de la loi El Khomri, d’arrêt du nucléaire, de refus des traités de libre-échange, le candidat de la France insoumise va beaucoup plus loin.

L’un garde les 35 heures tout en incitant financièrement les entreprises à réduire le temps de travail tandis que l’autre propose le passage à 32 heures. Le premier propose d’instaurer un salaire maximum, le second de moraliser la rémunération des dirigeants. Ils s’opposent totalement sur la question de l’OTAN ou de l’accueil des réfugiés. Face aux institutions financières, Mélenchon prône la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires tandis qu’Hamon propose de fusionner l’ISF et la taxe foncière.

En matière d’écologie, de santé et de couverture sociale ils partagent un certain nombre de propositions comme l’abandon du nucléaire, la taxation des empreintes carbone, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, la légalisation du cannabis. Mais Mélenchon se démarque en se prononçant clairement pour la retraite à 60 ans avec 40 annuités.

Un programme que les auditeurs n’ont pas eu le loisir de découvrir sur l’antenne de TF1

Tous les programmes décrits, de Fillon à Mélenchon en passant par Macron et Hamon, présentent un dénominateur commun, celui d’être compatibles avec les institutions d’une république au service de la bourgeoisie, fût-elle relookée en VIème République. Malgré la radicalité apparente de certaines mesures, notamment celles préconisées par Mélenchon, toutes seraient compatibles avec un capitalisme moralisé, domestiqué, raisonnable, humanisé, à supposer toutefois que les capitalistes eux-mêmes l’acceptent…

En évinçant les 6 candidats affublés du vocable méprisant de « petits candidats », les organisateurs du débat ont trouvé le moyen de priver d’expression les deux seuls candidats qui étaient porteurs d’un programme réellement anticapitaliste, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud.

Un programme anticapitaliste qui, on le voit notamment dans le programme de Philippe Poutou, ne se contente pas d’aller un peu plus loin que Benoît Hamon, mais rompt radicalement avec les intérêts capitalistes pour défendre ceux des travailleurs et créer les conditions de leur propre émancipation.

Tandis que Mélenchon propose d’utiliser l’inflation pour réduire la dette, Philippe Poutou se prononce pour l’abrogation pure et simple de la dette qui n’est pas celle des travailleurs mais celle des capitalistes. Sans crainte de s’affronter aux riches et aux entreprises, il propose de taxer à 100% les revenus supérieurs à 260000 euros annuels et de taxer à 50% les bénéfices des entreprises. Pour l’emploi, il propose 32h sans perte de salaire, la retraite à taux plein à 60 ans avec 37,5 annuités. Il veut que chacun dispose d’un emploi stable en CDI, l’interdiction des licenciements et le recrutement massif dans la fonction publique…

Sur les questions écologiques, il se prononce pour l’arrêt du nucléaire, les circuits courts, une gestion rationnelle de l’eau et la gratuité des consommations énergétiques de base. Quant à l’Europe, Philippe Poutou appelle les travailleurs européens à se battre ensemble pour imposer des hausses de salaire, l’annulation des dettes et la nationalisation des banques.

Connaissant mieux ce programme, on comprend pourquoi il a été interdit de plateau.


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