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Propos sexistes d’un professeur à l’université de Lille 2. Il pensait "faire de l’humour" !

Crédits : PIERRE ANDRIEU /AFP "Les femmes, il faut taper dessus deux fois pour qu'elles comprennent". Le mardi 17 janvier, un professeur de droit à Lille a rencontré un banal problème technique avec son micro à l’université, et cela s’est terminé par des propos sexistes eux mêmes tristement banals. Des propos sexistes, quand ce n’est pas des actes, qui sont aujourd’hui banalisés sur nos lieux d’études, de travail, dans nos relations personnelles et familiales. Suite à l’indignation de quelques étudiants, l’enseignant est aujourd’hui menacé de sanctions. Le professeur cherche depuis à se défendre, « ce n’était qu’une mauvaise blague » assure-t-il, soutenu par une pétition et des étudiants mobilisés. Injustice ? Lynchage ? De qui se moque-t-on ? Faut-il rappeler le nombre de propos et d’actes sexistes déversés par jour, le nombre croissant de femmes qui meurent sous les coups de leur mari, pour comprendre qu’il est difficile de partager « l’humour » de ce professeur. Cécile Manchette

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Mardi 17 janvier, un professeur de droit de l’université de Lille 2, qui donnait un cours à 400 étudiants de première année en sciences politiques, a tenu des propos qui ont provoqué la colère et l’indignation des étudiants. Alors que ce dernier cherchait à faire fonctionner son micro en tapant dessus, il lui est venu à l’esprit un « trait d’humour » pour faire réagir l’assemblée : « Les femmes, il faut taper dessus deux fois pour qu’elles comprennent". Les réactions dans la salle sont divisées : tandis que certains rient, d’autres quittent la salle. A lui de commenter, selon certains élèves : «  Voilà les quelques féministes que j’ai énervées, tant qu’il n’y a pas les Femen ici, ça va ! ». Réaction disproportionnée de ces étudiants ? Cela ne semble être ni de l’avis des milliers de personnes qui ont « liké » le témoignage sur le tumblr « Paye ta fac », ni même de l’avis du directeur de l’université.

En effet, les propos ainsi que les violences sexistes sont récurrents sur les universités. Rendus invisibles mais pourtant quotidiens comme en témoigne très bien le blog « Paye Ta fac » qui regorge de ce type d’histoires. Des scènes qui, à Lille, ne sont pas rares. Sur Lille-2, par exemple, on peut lire « C’est bien connu, les femmes sont des allumeuses », de la part d’un prof à propos de la Genèse. A Lille-3, « Estimez-vous heureuse d’être en France, sinon on vous aurait déjà violée, vu votre tenue », propos tenus par un enseignant concernant la condition des femmes dans des pays d’Afrique.

Depuis l’histoire ayant été rendue publique, le professeur feint la surprise, cherche à se défendre :"Sorti du contexte, ça peut paraître sexiste, pas subtil, mais c’est de l’humour, a déclaré l’enseignant. Jamais, je n’aurais pensé que cela puisse être pris au premier degré". Pourtant la scène, le contexte, on l’imagine très bien. Et on l’explique aussi : un professeur, un homme qui jouit de certains avantages, d’une autorité à l’université face à cette masse d’étudiants. Un professeur de droit, reconnu et apprécié, qui reproduit et transmet l’idéologie dominante, celle d’une société où l’homme domine la femme. Et parfois, la connivence se rompt : certaines et certains refusent de se taire, de subir assis sur leur siège de cours, d’être obligé de cautionner la « parole » de ce professeur « qui détient le savoir » et quittent la salle.

Quand certains ont décidé de quitter la salle, d’autres ont décidé de défendre le professeur : une pétition a recueillie plus de 2000 signatures. Les motifs ? Cette attaque contre lui est jugée « disproportionnée » alors même que c’est un enseignant « compétent » ainsi qu’un « mari aimant et père dévoué  ». Un enseignant apprécié, reconnu dans le milieu universitaire et par ses élèves, un bon père, cela serait des « preuves » suffisantes pour « l’excuser ». Pourtant, des propos sexistes il y en à la pelle à l’université ainsi que des professeurs, des patrons, des maris, des politiciens qui s’en sortent toujours à bon compte. Et en face il y a celles qui entendent, qui subissent et elles devraient le faire avec le sourire. Quand elles se lèvent, ce sont des « furies », quand elles parlent ce sont des « menteuses ». 

L’enseignant a été convoqué par le président de l’université et sera suspendu de ses fonctions d’ici la décision de la commission de discipline. Il a présenté ses excuses et ajouté : « mon but, c’est qu’on n’en parle plus, c’est que le mouvement contre le sexisme et les violences continue à défendre les bonnes causes, et que moi on me foute la paix ». Il aimerait retourner dans son amphithéâtre et pouvoir continuer à faire « ses blagues » en toute tranquillité pendant que les féministes débattent dans les espaces restreints, les tribunes inaudibles, qui leur sont accordés. Pourtant, aujourd’hui réjouissons-nous que ces histoires éclatent au grand jour, qu’elles se compilent. On se réjouit que des étudiants quittent les salles de cours, fassent des pétitions, des rassemblements contre le harcèlement sexuel, l’homophobie, la transphobie et le sexisme à l’université. Quand certains aimeraient que les féministes continuent « à défendre les bonnes causes » dans leur coin, on est bien content que les femmes s’expriment sur « Paye Ta fac », qu’elles s’expriment demain dans les amphis aseptisés de leurs universités pour dénoncer le sexisme qu’elles subissent et la société patriarcale dans laquelle nous vivons. 

D’autant plus quand on sait comme il est difficile pour la victime de dénoncer un enseignant, un chargé de TD qui l’agresse sexuellement dans un couloir, quand on sait comme il n’est pas chose aisée d’obtenir une sanction contre un membre du corps professoral. Le professeur de droit, une fois revenue à la fac, « n’exclut pas » de faire prochainement un cours sur l’histoire des idées politiques du féminisme, l’occasion de voir si les étudiants trouveront « drôle » l’histoire de l’oppression des femmes et de leurs luttes pour obtenir des droits. Rien n’est moins sûr.


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