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Ecologie ouvrière

Qualité de l’air et santé des riverains : une autre raison de soutenir les raffineurs en grève

D’après une étude, les grèves des raffineurs en 2010 ont permis une amélioration temporaire de la santé des riverains de raffineries. Une information qui montre que le patronat expose au quotidien les travailleurs et les populations à des pollutions dangereuses. Pour la santé de tous et pour l’environnement, il est nécessaire de soutenir les raffineurs dans la lutte exemplaire qu’ils mènent.

Seb Nanzhel

12 octobre 2022

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Crédits photo : AFP

La grève dans la pétrochimie, qui dure depuis 3 semaines chez Exxon et 2 semaines chez Total est un élément central dans la lutte contre la destruction de l’environnement. Elle montre la force de frappe des travailleurs, capables de mettre un coup d’arrêt aux géants du pétrole qui pillent et polluent massivement partout dans le monde. En outre, elle pose la question des pollutions et rejets dus aux activités de raffinage sous la gestion patronale, et de leurs conséquences sur la santé.

Une étude de 2017 des économistes Emmanuelle Lavaine et Matthew Neidell publiée dans le journal de l’Association of Environmental and Resource Economists revient sur l’impact du mois de grève des raffineries en 2010 en terme de pollution dans l’atmosphère et de santé publique. En octobre 2010, les travailleurs de la pétrochimie ont en effet mené une grève importante contre la réforme des retraites, entraînant pendant quasiment un mois un arrêt des activités de raffinage sur plusieurs sites.

"Près de 20% des émissions de SO2 ambiantes proviennent de la production de pétrole"

Les opérations de raffinage émettent différents polluants dans l’atmosphère. L’étude se focalise sur l’un d’eux, le dioxyde de souffre (SO2). Il est rapporté que « Dans certains pays, comme la France, près de 20% des émissions de SO2 ambiantes proviennent de la production de pétrole ». En France, « les raffineries de Total ont la permission d’émettre jusqu’à 3500 tonnes de dyoxide de souffre par an, ce qui correspond à 9.6 tonnes par jour. ». Les zones environnant les raffineries sont donc particulièrement polluées au SO2 : l’étude explique que les concentrations de SO2 dans l’air dans ces zones sont quatre fois plus élevées qu’ailleurs.

Ce polluant peut réagir avec différents composés présents dans l’atmosphère pour former des « particules [qui] pénètrent profondément dans les parties sensibles des poumons et peuvent causer ou aggraver des maladies respiratoires, telles que l’emphysème et la bronchite, et aggraver une maladie cardiaque préexistante, conduisant à une augmentation des hospitalisations et des décès prématurés. », selon Emmanuelle Lavaine. Également, l’étude rapporte qu’une exposition à ce polluant peut endommager la santé des fœtus et impacter le développement des enfants après leur naissance.

A partir de l’observation de la qualité de l’air aux alentours des raffineries et au niveau national, et de données provenant des hôpitaux, l’étude tire deux conclusions. Premièrement, la grève a fait chuter les taux de pollutions au SO2 aux environs des raffineries. Deuxièmement, ces réductions de pollutions ont eu un impact bénéfique sur la santé des riverains et notamment des enfants lorsque la grève a eu lieu durant la grossesse.

Bébés en meilleure santé, baisse des problèmes pulmonaires, amélioration de la qualité de l’air... Ou la nécessité de mettre la production sous contrôle ouvrier

L’étude révèle ainsi que les taux d’admission en hôpital des riverains des raffineries pour de l’asthme et des bronchites ont chuté lors de la grève : « Nous trouvons une réduction des admissions statistiquement significative pour quasiment tous les groupes d’âge. Ces réductions sont également d’une magnitude assez large. ». Également, les personnes enceintes durant la grève ont vu naître des enfants en meilleure santé. L’étude révèle ainsi que les enfants naissaient moins prématurément et avec un poids plus élevé. « Le poids à la naissance est accru d’environ 101 grammes quand la grève s’est déroulée durant le troisième semestre [de grossesse], ce qui représente un accroissement de 3.1%. », explique par exemple l’article.

Si cette étude montre l’amélioration immédiate et temporaire de la qualité de l’air et donc de la santé des riverains lors de la grève, on peut également en renverser la conclusion. Au quotidien, le patronat du secteur pétrolier empoisonne sciemment les riverains et les travailleurs, les condamnant à des maladies respiratoires et affectant leurs enfants. De plus, si ces pollutions vont jusqu’à impacter la santé des personnes vivant à plusieurs kilomètres des raffineries, qu’en est-il de celle des raffineurs eux-mêmes ? Ces derniers passent en effet leurs journées de travail au cœur des ces installations polluantes et dangereuses et sont à ce titre exposés à des pollutions beaucoup plus concentrées. Ils sont également souvent riverains de leur outil de travail, et donc doublement exposés.

La grève actuelle dans le secteur de la pétrochimie est une bonne nouvelle pour les poumons des riverains, qui vont pouvoir profiter d’un air moins pollué tant que durera la mobilisation des travailleurs de la pétrochimie. Un élément qui peut être à la base d’une solidarisation entre les riverains et les grévistes, sur la base de leurs intérêts à limiter les rejets.

Mais on ne saurait se satisfaire d’une amélioration temporaire de la qualité de l’air : ces pollutions dangereuses existent car le patronat limite au maximum les investissements dans les installations de prévention des pollutions et de filtrage, et veut toujours tirer plus de profits d’installations vieillissantes. Un manque de moyen et d’investissements qui se répercute en premier lieu sur la sécurité et la pollution, et que dénoncent les raffineurs. Fabien Cros, de la CGT Total la Mède, intervenait dans ce sens le 11 octobre au rassemblement de soutien aux grévistes de la raffinerie ExxonMobil de la Fos-sur-Mer :

Le patronat des raffineries n’a aucun autre but que d’amasser des profits, peu importe si c’est au détriment de la santé et de l’environnement. Le cas des rejets des raffineries le montre bien. Organiser une production limitant drastiquement les rejets et mettant au centre la santé et la sécurité des travailleurs et des populations est contre ses intérêts directs.

Comme expliquait Adrien Cornet dans nos colonnes, pour leur santé et l’environnement, les travailleurs ont au contraire tout intérêt à gérer la production de manière à en limiter les impacts : « Un système qui enlève le pouvoir de décision aux travailleurs va toujours faire le mauvais choix : on va privilégier les économies, le profit, on va penser aides d’État alors que les travailleurs sont au centre de l’outil de travail et de son environnement. Ils vont penser leur sécurité et la protection de leur environnement. Ce sont des gens qui vivent avec le fleuve et la forêt d’à côté. »

Face au patronat qui pourrit notre air et notre santé, soutenons la grève des raffineurs !


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