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Combattre le fémonationalisme

Quand Schiappa instrumentalise le féminisme à des fins racistes et xénophobes

La dernière proposition de Marlène Schiappa ? Expulser les citoyens étrangers coupables de violences faites aux femmes. Derrière un agenda pseudo-féministe se cachent les motivations les plus réactionnaires.

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Comment le gouvernement poursuit son offensive islamophobe

Le gouvernement occupe littéralement tout le terrain du régalien ces dernières semaines ; abordant la question sous tous les angles possibles pour avancer sa politique réactionnaire et islamophobe. Après les polémiques éculées sur le voile, la loi réactionnaire pour interdire le port de celui-ci dans les sorties scolaires, et le passage de quotas d’immigration, c’est au tour de Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’égalité homme-femmes, de participer elle aussi à l’offensive islamophobe sous couvert des droits des femmes. Sa dernière proposition ? Expulser les citoyens étrangers coupables de violences faites aux femmes : « J’insisterais plus particulièrement sur une mesure : nous allons désormais expulser les citoyens étrangers condamnés pour violences sexistes ou sexuelles. » Derrière un agenda pseudo-progressiste se cachent les motivations les plus réactionnaires.

Ces mesures s’inscrivent non seulement dans la continuité des politiques racistes menées par le gouvernement, son « tournant régalien », dont l’interview d’Emmanuel Macron dans le magazine d’extrême-droite Valeurs Actuelles est l’illustration, mais aussi dans la politique répressive et sécuritaire menée au nom du droit des femmes. Il y avait déjà eu la vidéo de Marlène Schiappa se baladant dans les rues de la Chapelle, sous-titrée des paroles d’une chanson des Destiny’s Child, « I am a survivor », et du commentaire « Les lois de la république protègent les femmes, elles s’appliquent à toute heure, en tout lieu », stigmatisant une population bien définie, ici les réfugiés, pour en faire des barbares qui seraient « naturellement » enclins à commettre des actes violents envers les femmes.

C’est ici exactement la même logique qui prévaut, en érigeant la figure de « l’étranger », dont le caractère même d’étranger en fait une menace latente pour les femmes, surtout les femmes « françaises ». Une façon de poursuivre sur un autre front le politique de « tri » entre les « bons » et les « mauvais » migrants instaurés par les quotas sur l’immigration, et qui ne vise en dernière instance qu’à avancer plus loin dans l’agenda réactionnaire du gouvernement qui cherche tant bien que mal à rassurer les électeurs de droite qui pourraient être tentés par le Rassemblement National.

Or, en ciblant certaines populations, ici les « hommes étrangers », pour en faire des sujets naturellement dangereux, dont la culture serait par essence arriérée et barbare, Schiappa réalise un fameux et fumeux tour de passe-passe : disparu l’impérialisme français qui oppresse ses ex-colonies (et au premier chef les femmes), et disparu aussi le patriarcat national !
 

Des néolibéraux aux réactionnaires : tous féministes ?

Non contente de masquer derrière ce discours réactionnaire le fait que l’oppression des femmes est structurelle et qu’elle n’est pas l’apanage de secteurs issus de l’immigration, Schiappa exonère l’impérialisme français de ses crimes contre les populations de pays ravagés par la guerre, le pillage et le massacre – dont des viols d’enfants en Centrafrique ayant mené à des non lieux. La secrétaire d’État a déclaré en effet : « Si on lutte contre les violences faites aux femmes en Afrique et si on favorise leur émancipation économique, on fait en sorte qu’elles puissent vivre dignement dans leurs pays d’origine, au lieu d’être obligées d’en partir. »

Une plaisanterie des plus sordides et des plus ignobles ! De quelle émancipation parle-t-on lorsqu’un pays comme la France, fondée sur l’histoire coloniale écrite en lettres de sang et de feu, continue, sous une forme différente, de mener ses politiques impérialistes en Afrique, base sa richesse sur l’exploitation de pays en Afrique ?

Lorsqu’on parle de violences de genre, dont les agressions sexuelles, les viols et les féminicides sont les exemples les plus extrêmes, ultimes maillons d’une longue chaîne de violences, le premier responsable se trouve bien être l’État capitaliste, ses institutions, son personnel politique ; et avec lui l’ensemble de ce système économique qui produit et reproduit sans cesse l’exploitation, la misère, la violence sous toutes ses formes. Et rappelons seulement à ce titre qu’au sein même du gouvernement, des Darmanin et Hulot ont été accusés de viols sans que cela ne les pousse à démissionner !

Ici, encore une fois, au nom du droit des femmes, c’est la confluence d’un agenda réactionnaire venant de la droite, des néolibéraux et de l’extrême-droite qui est mis en place. Car dans un pays où l’histoire coloniale est si présente comme la France, le féminisme est détourné pour servir des intérêts impérialistes réactionnaires, comme le note la chercheuse Sara Farris : « Le fémonationalisme renvoie à la fois à l’exploitation des thèmes féministes par les nationalistes et les néolibéraux dans les campagnes anti-islam […] et à la participation de certaines féministes à la stigmatisation des hommes musulmans sous la bannière de l’égalité des sexes. Le fémonationalisme décrit ainsi, d’une part, les tentatives des partis de droite et des néolibéraux de faire avancer la politique xénophobe et raciste par la promotion de l’égalité des sexes, et d’autre part, l’implication de diverses féministes dans les représentations de l’Islam comme une religion et une culture misogynes par excellence. » Une alliance de circonstance qui s’était déjà retrouvée dans un front islamophobe défendant la « liberté française » du décolleté contre les « fondamentalistes » en burkini.
 

Pour un féminisme lutte des classes !

Non, l’émancipation des femmes ne pourra pas être garanti par un gouvernement réactionnaire qui mène ses guerres en Afrique, pille ses ex-colonies, et poursuit dans les quartiers populaires sa politique raciste ; pas plus ne pourra-t-elle venir de ce discours puant qui vise à mobiliser une rhétorique féministe pour mettre en avant son agenda nationaliste et néolibéral.

Marlène Schiappa est membre d’un gouvernement qui éborgne, qui mutile, qui réprime ; un gouvernement qui mène une guerre sociale acharnée contre la majorité de la population et surtout les classes populaires, et parmi elles, les femmes, qui sont en première ligne de réformes comme l’assurance-chômage ou les retraites.

Leur soi-disant féminisme ne vise qu’à détourner ce qu’est réellement la lutte pour l’émancipation de toutes et tous, une émancipation qui ne pourra jamais venir de la main de ceux-là même qui tiennent les chaînes qui nous oppriment, alors même qu’une immense majorité de femmes sont en première ligne de l’exploitation et l’oppression sous toutes ses formes, et dont la violence sexuelle n’est que l’un des aspects.

Notre émancipation devra en réalité se conquérir par la lutte de tous les opprimés contre les préjugés réactionnaires qui servent à la classe dominante d’instruments de division de notre classe, au nom desquels le pseudo-féminisme néolibéral qui sert de paravent à l’impérialisme pour camoufler ses crimes et exonérer le patriarcat bien de chez nous qui continue de s’exprimer – et alors même que le courage de certaines femmes, comme Adèle Haenel, expose à quel point les puissants, si tant est qu’il fallait encore le prouver après des affaires comme Weinstein ou Epstein, ont, eux, les mains libres (et tous les moyens) pour donner libre cours à la violence patriarcale. C’est tout leur système qu’il faut mettre à bas !

Comme l’écrit la militante féministe et marxiste révolutionnaire Andréa d’Atri dans son ouvrage Du Pain et des Roses : « Affirmer que nous ne voulons pas nous intégrer à l’État capitaliste et patriarcal n’est pas suffisant pour y mettre un terme. Pour ce faire, il est nécessaire de le combattre et de le détruire. Sur ce chemin, la recherche de meilleures formes d’existence, plus égalitaires, dans les limites restreintes de cette société d’exploitation, est importante pour des millions de femmes dans le monde. Mais cela n’est pas suffisant quand nos corps, nos désirs, nos vies, restent soumis à l’exploitation, à la discrimination et à la soumission qui naissent des relations de propriété défendues par l’État et auxquelles nous ne pouvons nous soustraire volontairement. »


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