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Défiscalisation des heures suppl. : le retour ?

Quand Valls rejoue le "travailler plus pour gagner plus" de Sarkozy...

C'était une proposition phare de la campagne de Sarkozy en 2007. La défiscalisation des heures supplémentaires, présentée sous la formule connue du "travailler plus pour gagner plus", avait été mise en place dès le début de son quinquennat. Hollande, en 2012, l'avait retirée. Aujourd'hui, c'est le "Sarko de gauche" Manuel Valls, qui veut en faire un axe fort de son programme... Camille Pons

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Disons-le, cette réforme n’est pas une réforme structurelle de l’économie. Elle est d’abord un "coup" politique. En 2007, elle était l’arme de Sarkozy pour cibler les votes de l’électorat populaire, sous la formule devenue ultra-connue : « Travailler plus pour gagner plus ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les sarkozystes tentent de pousser Fillon à l’intégrer dans son programme, qui "ne peut pas être que du sang et des larmes", comme le dit Laurent Wauquiez. Hollande, en 2012, supprimait la mesure, en attaquant le bilan de Sarkozy de 2007-2012 et en présentant cette suppression comme un facteur de création d’emplois. Aujourd’hui, c’est l’ancien premier ministre Manuel Valls qui annonce, en campagne pour la primaire de la gauche, vouloir la remettre en place, à peu près sous la même forme que l’avait fait Sarkozy.

Si cette réforme, qu’elle soit mise en place ou supprimée, n’a jamais provoqué de grandes modifications dans la réalité, elle avait en tout cas réussi initialement à générer quelques illusions chez les travailleurs en 2007.

Techniquement, elle consistait en un allégement/exonération de cotisations, salariales et patronales, sur les heures supplémentaires. Politiquement, l’accent était mis sur la possibilité d’augmenter son pouvoir d’achat en encourageant les heures supplémentaires. Présentée comme le seul moyen d’augmenter son salaire réel, elle avait convaincu un certain nombre de travailleurs, prêts à faire des heures supplémentaires pour arrondir les fins de mois. Néanmoins, la formule "travailler plus pour gagner plus" est quasiment devenue une blague populaire, tant le ressenti réel de la majorité de la population va en sens inverse. Il n’est pas rare d’entendre autour de nous qu’on a surtout "travaillé plus pour gagner moins" ces dernières années...
Doit-on pour autant revendiquer le "travailler plus pour gagner plus" ? Aujourd’hui présenté comme l’unique moyen de "gagner plus", il n’est pas rare que les travailleurs eux-mêmes revendiquent leur droit à "faire des heures", notamment dans les entreprises où le salaire est le plus bas. Et les patrons en tirent un grand avantage, en réussissant à faire en sorte que le besoin d’augmenter les salaires réels se traduise par une solution individuelle, où chacun consent à se faire exploiter un peu plus pour quatre sous (beaucoup de jeunes travailleurs se détruisent la santé pour "mettre de côté", faire construire, profiter un minimum...).

Pourtant, on voit souvent cette "solution" atteindre ses limites et les travailleurs donnent parfois une réponse collective au problème, en revendiquant des hausses de salaires pour tous, à temps de travail égal. Souvent, la prise de conscience de la différence exorbitante entre le profit des patrons et/ou des actionnaires d’une part, et les salaires des travailleurs de l’autre, est un déclencheur. Cela avait été le cas lors de la grève de Latécoère en décembre 2015, pour une augmentation de 50 € / mois..

Si l’on regarde le problème avec un peu plus de recul qu’au niveau d’une seule entreprise, on se rend compte que le patronat tire aussi profit de la division entre d’un côté des salariés qui travaillent en moyenne plus de 39h/semaines, et de l’autre un nombre croissant de chômeurs qui ne trouvent pas d’emploi. La loi Travail qui commence à entrer en application va dans le sens de creuser cette contradiction. Au contraire, nous avons tout intérêt à nous battre pour partager le temps de travail entre tous, sans baisse de salaire. Les améliorations scientifiques et technologiques sont prises comme argument au chômage. C’est le fameux "chômage technologique", qui serait inéluctable. Mais ces améliorations permettent au contraire en théorie de produire davantage avec la même quantité de travail. Autrement dit, il est largement possible de partager le travail et les richesses qui en découlent entre tous. Non seulement possible comme objectif, mais central aussi pour briser dès aujourd’hui la division entre chômeurs et salariés, ce qui est une arme efficace des patrons pour mettre la pression sur les salaires et les conditions de travail d’une part, et diviser les rangs des ouvriers d’autre part. Avoir du temps libre a été une revendication importante du mouvement ouvrier, dont les semaines de congés payés ont été une des traductions victorieuses.

Pour avancer au maximum dans la baisse, et donc le partage, du temps de travail, (de même pour les hausses salaires) il faudra, de nouveau, installer un rapport de force suffisant. Même s’il s’oppose en principe à la logique patronale, le programme "L’avenir en commun" de Mélenchon, et notamment son point 28 sur le temps de travail conserve deux limites. Premièrement, bien que le titre de ce point soit l’objectif de "réduire le temps de travail, travailler moins pour travailler tous", la mise en pratique proposée semble limitée (6ème semaine de congés, application réelle des 35h...), mais surtout reste limitée par sa nature même : une proposition purement électoraliste, pour laquelle nous devrions faire confiance à son candidat, et non pas un mot d’ordre pour installer un réel rapport de force, seul moyen d’obtenir vraiment une diminution importante du temps de travail.

Face aux attaques du prochain gouvernement, cette bataille sera un enjeu de notre classe. Ne pas se laisser diviser et défendre un programme visant au "tous ensemble", pour gagner cette fois contre les "lois travail" et "leur monde".


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