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DAECH ASSASSIN, ERDOGAN RESPONSABLE ?

Que sait-on sur l’attentat à la bombe d’Istanbul ?

Pierre Reip Avec le peu d’informations dont nous disposons, comment analyser l’attentat d’hier, survenu dans un quartier touristique d’Istanbul, et imputé à l’Etat islamique ? Marque-t-il une nouvelle étape en Turquie ? Quelle est la part de responsabilité du gouvernement turc dans ce massacre ?

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Une puissante explosion a retenti mardi 12 janvier au matin dans le quartier touristique de Sultanahmet à Istanbul, à deux pas de Sainte Sophie et de la Mosquée bleue.

Le gouvernement impose immédiatement un black-out médiatique en invoquant la « sécurité nationale ». Les principaux quotidiens et chaines de télévisions turcs diffusent cependant au cours de la journée des informations succinctes sur l’attentat. L’immense métropole de plus de 16 millions d’habitants est plongée dans la peur et les quartiers du centre-ville sont aussitôt quadrillés par la police.

Le président Erdogan annonce ensuite qu’il s’agit d’un attentat suicide perpétré par un ressortissant syrien. En début d’après-midi, le premier ministre Davutoglu déclare que le suspect serait lié à Daech. Une partie de la presse indique qu’il s’appellerait Nabil Fadli et serait né en 1988 en Arabie Saoudite.

Le chiffre de dix morts est ensuite avancé par les autorités turques. Parmi eux, on compterait huit touristes allemands et une personne de nationalité péruvienne.
L’organisation de l’Etat islamique, à laquelle avaient déjà été imputés plusieurs attentats dans le pays, dont celui du 10 octobre à Ankara, dispose d’un vaste réseau de sympathisants et de militants en Turquie. Il est donc tout à fait plausible qu’elle soit à l’origine de ce nouvel attentat. Les collusions entre l’Etat turc et Daech avaient été très largement dénoncées lors de l’attentat de la capitale, qui avait fait plus d’une centaine de morts et était directement dirigé contre le mouvement ouvrier et démocratique de Turquie. Dans le cadre du conflit syrien, Erdogan a fait le choix d’un appui tactique à l’Etat islamique, pour mieux freiner les forces kurdes qu’il perçoit comme une menace contre ses visées régionales et nationales. La Turquie a ainsi servi de point de passage et de base arrière aux militants de l’Etat islamique engagés en Syrie, avec la bienveillance de l’armée turque.

Depuis juin 2015, l’Etat turc continue incessamment sa politique de massacres et de répression contre le mouvement kurde. L’attentat d’Istanbul pourrait cependant marquer une nouvelle étape dans les rapports entre l’Etat islamique et le gouvernement turc. Jusqu’ici, les attentats imputés à Daech étaient essentiellement dirigés contre le mouvement kurde, ses soutiens et le mouvement ouvrier de Turquie. Les attentats, y compris celui d’Ankara, ont toujours été profitables à Erdogan. Tout en terrorisant les opposants au régime, ils fournissaient un prétexte à un exécutif, toujours prompt à jouer sur les amalgames, pour réprimer les militant-e-s de la cause kurde, sous couvert de lutte contre le terrorisme. Le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) étant, au même titre que Daech classé « organisation terroriste », en Turquie et dans la plupart des pays occidentaux.

Dans l’attentat d’hier, une toute autre cible est visée : des touristes occidentaux. Un tel attentat aura nécessairement des conséquences négatives sur le tourisme en Turquie, de nombreuses agences de voyage, à l’instar de TUI ayant déjà proposé d’annuler gratuitement les séjours prévus à Istanbul. Si les informations que nous possédons aujourd’hui sont confirmées, Daech n’en serait pas à son coup d’essai en la matière puisqu’on lui impute aussi l’abattage d’un avion de ligne transportant des touristes russes dans le Sinaï cet automne. Mais il s’agit de sa première attaque visant directement des touristes en Turquie. L’organisation djihadiste entend-t-elle faire d’une pierre deux coups ? À la fois toucher des européens en représailles face aux engagements militaires des puissances occidentales en Syrie et en Irak et adresser un avertissement à Erdogan ?

Angela Merkel a pris la parole en début de soirée. Elle a réaffirmé tout son soutien au gouvernement turc qui est un fidèle allié de Berlinn dans la répression des migrants et sa volonté de combattre le terrorisme. Le soutien politique de l’Allemagne et des Etats-Unis à Ankara avait été assorti de conditions. Obama et Merkel souhaitent en effet qu’Erdogan infléchisse sa position sur la Syrie, jugée hostile au règlement du conflit dessiné par la coalition internationale lors de la conférence de Riyad du 10 décembre. Aussi, ce nouvel attentat pourrait être un avertissement de Daech face à un éventuel alignement d’Ankara sur le « consensus » international qui émerge pour l’avenir de la Syrie.

Si beaucoup de questions demeurent, une chose est certaine. Pour avoir longtemps appuyé tactiquement Daech, Erdogan porte aujourd’hui une part de responsabilité dans ce nouvel attentat meurtrier, qui ajoute du chaos à une situation déjà ultra-violente en Turquie, du fait de la politique de répression et de massacres du gouvernement turc.


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