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Entre méfiance et négociations avec l’Occident

Que signifie l’augmentation de la présence militaire russe en Syrie ?

Depuis quelques jours, et au fur et à mesure que la crise migratoire en Europe s’accentue, la Russie augmente sa présence militaire en Syrie. Ce weekend des images satellite démontrent que de l’armement lourd, des hélicoptères et des troupes russes sont arrivés en Syrie, dans une base militaire près de la ville portuaire de Latakia. Cette semaine les autorités russes ont reconnu l’envoi de 2.000 militaires supplémentaires. La position des dirigeants occidentaux oscille entre la méfiance et l’ouverture de discussions et négociations avec Poutine.

Philippe Alcoy

22 septembre 2015

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La Russie depuis le début de la crise syrienne s’est positionnée du côté de Bachar Al-Assad, un de ses alliés régionaux. Mais l’intensification de sa présence militaire dans le pays répond principalement à un apparent changement d’attitude des dirigeants impérialistes occidentaux vis-à-vis du régime d’Assad, ce qui la met dans une position clé dans la crise syrienne.

En effet, embourbés dans une guerre complexe qui a déjà fait 220.000 morts et des millions de déplacés et qui en plus a vu naître Daesh, les Occidentaux cherchent à faire baisser les tensions dans la région. Et cela d’autant plus après les expériences désastreuses d’Irak et d’Afghanistan. Il faut ajouter à cela la crise migratoire que connait l’Europe actuellement, où des milliers de réfugiés syriens mais aussi d’autres pays de la région et d’Afrique arrivent quotidiennement.

C’est ce contexte qui rend envisageable une possible entente entre le régime syrien et les puissances impérialistes. L’objectif de ces derniers serait de créer une sorte d’alliance avec Assad-Poutine et faire reculer Daesh pour ensuite essayer de mettre fin au conflit avec une éventuelle transition négociée avec Assad et surveillée par les Nations Unies.

Même si les dirigeants impérialistes continuent à exiger le départ d’Assad, ces derniers jours il y a eu des signes d’ouverture à des négociations sur une transition. Cependant, une telle issue reste difficile. Notamment parce qu’Assad avant d’abandonner le pouvoir devrait avoir la certitude de jouir d’une totale impunité par rapport aux crimes de guerres qu’il a commis. Mais cela s’annonce une tache difficile. Non parce que les puissances impérialistes seraient les garantes du « respect des Droits de l’Homme » à travers le monde mais parce que la pression populaire et l’opinion mondiale pourrait obliger à poursuivre en justice au moins les têtes connues.

Poutine sort de son isolement politique mondial ?

Cette nouvelle situation est en train de jouer en faveur de la Russie. Sa position clé pour les négociations autour de la guerre en Syrie lui permet de sortir de son isolement politique au niveau mondial. Cela est fondamental notamment en raison de sa situation économique très délicate.

C’est ainsi que lundi dernier Poutine à reçu Benjamin Netanyahu, premier ministre israélien. Celui-ci inquiet par la présence militaire russe en Syrie est allé à Moscou sans aucun doute négocier un type de coopération dans la lutte contre Daesh en échange que Moscou ne permette pas que les armes que le régime de Poutine délivre à la Syrie finissent dans les mains du Hezbollah et autres groupes ennemis de l’Etat sioniste. Certains observateurs pointent le fait que Poutine pourrait aussi demander à Israël de lui vendre du matériel militaire tel que drones et autres.

Un autre exemple de cette rupture de l’isolement russe c’est le fait que le secrétaire national de la Défense américain, Ashton Carter, s’est entretenu pendant cinquante minutes avec son homologue russe Sergei Shoigu vendredi dernier pour discuter de comment désamorcer le conflit en Syrie. Cela n’arrivait pas depuis plus d’un an et demi. Certains parlent même d’une possible rencontre entre Poutine et Obama vendredi prochain lors de l’Assemblée Générale de l’ONU qui se tiendra à New York.

La Syrie comme monnaie d’échange

Il n’y a aucun doute que la Russie va essayer d’utiliser sa nouvelle position de force en Syrie pour tirer profit sur d’autres scénarios et dossiers dans lesquels elle est impliquée. C’est le cas notamment en Ukraine. Poutine, en créant un climat de coopération avec les puissances occidentales contre Daesh pourrait tenter de convaincre certains dirigeants occidentaux de lever les sanctions économiques qui pèsent sur son pays.

On ne peut pas exclure non plus que la Russie essaye d’installer une base militaire à Latakia, ce qui lui permettrait de stationner ses navires de guerre sur la Mer Méditerranée.

Cependant, bien que l’UE voie un intérêt de plus en plus urgent à maîtriser le flux de réfugiés en mettant fin au conflit en Syrie, le type de contrepartie que pourraient demander l’Occident, et notamment les Etats Unis à la Russie, est encore flou. Car une issue négociée avec le régime d’Assad pourrait renforcer la position de la Russie non seulement en Syrie mais dans toute la région, au détriment de l’influence occidentale.


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