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Grève du 10 novembre

RATP. « Journée noire » réussie : les directions syndicales doivent proposer un plan de bataille !

La grève RATP du métro et du RER a réussi à imposer une journée noire ce jeudi 10 novembre. Une démonstration de force qui pose la nécessité de dépasser les luttes catégorielles pour construire un plan de bataille plus large, qui mobilise l’ensemble des secteurs de la RATP, du bus à la maintenance.

Léa Luca


et Olive Ruton

11 novembre 2022

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Ce 10 novembre a été marqué par une journée noire à la RATP, en particulier du côté des métros et des RER, où la journée de mobilisation nationale pour les salaires a été particulièrement suivie. Seules les deux lignes de métro automatisées de la capitale ont assuré le service habituel, tandis que cinq lignes étaient entièrement fermées, et que les autres assuraient un service minimal, aux heures de pointe et sur certains segments. Au RER également, le trafic a été très impacté par la grève, diminuant le nombre de train à 1 sur 3 sur le RER A par exemple.

Cette démonstration de forces de la part des travailleurs du métro est le résultat d’une colère et d’une détermination dans ce secteur malmené par les difficultés qui touchent les transports publics en Île-de-France, une casse constante des conditions de travail, et des salaires frappés par l’inflation. Une colère que plus de 250 grévistes sont venus porter au siège de la RATP jeudi matin, qu’ils ont envahi, avec fumigènes et slogans, pour interpeller la direction de l’entreprise.

Interviewé par Révolution Permanente, Djamel, conducteur de métro sur la ligne 3 en grève présent au rassemblement au siège de la RATP résumait les revendications des grévistes et leurs motivations : « Il y en a le 10-15 du mois ils sont déjà à découvert donc on demande 300 € minimum d’augmentation. Il y a aussi la question des effectifs. Il n’y a plus d’effectifs au métro. La direction nous a donné une note pour nous demander qu’on cherche nous-même des conducteurs de métro… Si personne ne veut venir à la RATP ça veut bien dire qu’on n’est pas des privilégiés ! »

Interrogé par Révolution Permanente, Laurent Mauduit, conducteur de métro et responsable syndical La Base, élu au CSE prévoyait déjà une importante mobilisation au niveau du métro à la veille de la grève : « Il y a énormément de déclarations de grévistes, plus de 80% de personnels déclarés. S’ils arrivent à faire rouler des rames c’est parce que les cadres vont conduire les RER. Et au métro, la réserve générale, constituée par une cinquantaine de conducteurs et le peu de non-grévistes qui restent, font qu’ils vont pouvoir exploiter quelques lignes. Mais avec beaucoup de stations fermées et seulement aux heures de pointe. »

Une mobilisation sectorielle importante limitée par la division entre bus et ferré

Pourtant, la forte mobilisation du ferré contraste avec les taux de grévistes plus faibles du côté du secteur bus et de la maintenance, qui avaient été plus mobilisés les 29 septembre et 18 octobre dernier. Un décalage lié non pas à une absence de colère à la base, mais au plan initial concernant le 10 novembre. En effet, cette journée, avait d’abord été appelée le 14 octobre par une intersyndicale rassemblant FO, CGT, UNSA, La Base et Solidaires en direction uniquement de la catégorie Conduite des départements MTS (Métro Transport Services) et RER, c’est-à-dire des conducteurs de RER et de métro, avec des revendications propres à ce secteur.

Ces dernières semaines, l’appel de la confédération CGT à une grève nationale interprofessionnelle le 10 novembre a finalement conduit la CGT RATP Bus à rejoindre la grève pour le secteur des bus le 10 novembre. De son côté, FO RATP Bus avait également appelé à choisir entre une grève de 24h ou de 59 minutes. Mais ces appels n’ont pas suffi à changer la dynamique et les contours d’une date marquée par une division initiale entre les différents secteurs de salariés.

Une division pourtant critiquée ce 10 novembre lors du rassemblement à la maison de la RATP par différents travailleurs en grève. A l’image de Gabriel, ouvrier à l’atelier de maintenance de Sucy-en-Brie, en grève depuis plusieurs semaines qui expliquait : « Il faut que les conducteurs nous suivent parce qu’on a besoin de vous comme vous avez besoin de nous ! On a besoin d’oseille, c’est maintenant, pas à la fin du mois ! On est une force ensemble, il faut arrêter de se diviser entre conducteur et maintenance. »

Même constat du côté de Yassine, militant CGT au centre bus de Malakoff, qui rappelle comment la direction de la RATP s’appuie sur ces divisions pour limiter l’impact de la grève : Le 25 mars dernier par exemple, qui était une grève uniquement des bus et qui avait été très suivie, la direction savait que le métro roulait normalement. Du coup, elle a supprimé toutes les lignes de bus de Paris pour pouvoir renforcer les lignes de banlieue. De la même manière, si demain le métro entre dans une grève dure seul, les responsables dans les centres bus vont renforcer les lignes de Paris intra-muros ».

La journée du 10 novembre : grève de pression pour aller vers le dialogue social ou point de départ pour construire un véritable rapport de force à la base ?

Cette division entre catégories pose la question plus large du plan de bataille pour arracher des augmentations de salaires à l’heure où l’ensemble des salariés de la RATP sont touchés par la dégradation des conditions de travail, les effets de l’inflation et les prévisions d’ouvertures à la concurrence accélérées.

De ce point de vue, les négociations au siège de la RATP jeudi matin entre les représentants de FO, de la CGT et de l’UNSA et la direction de la RATP l’ont montré : si une journée comme celle du 10 novembre est un moyen de pression, qui peut permettre de faire des démonstrations de force, ces journées isolées ne suffisent pas à faire plier la direction. Malgré l’énorme grève au métro, la RATP a ainsi repoussé toutes négociations à la prise de poste et l’installation à la tête de l’entreprise de Jean Castex ce mois-ci, et a indiqué que les revendications des travailleurs ne seraient consultées qu’à la fin du mois par le nouveau PDG.

Une réponse qui montre le mépris de la direction pour les revendications des salariés, mais aussi sa volonté de renvoyer la discussion à un éventuel « dialogue social ». Or, sans un rapport de forces beaucoup plus important, les négociations débouchent systématiquement sur de très faibles propositions, à l’image des 2,2%, d’augmentation proposés en juillet dernier et très en dessous de l’inflation.

Sur ce plan, l’évocation par l’UNSA RATP ce jeudi d’une grève « illimitée » dessine effectivement le seul et unique moyen d’arracher de réelles augmentations : la reconductible. Mais à condition de ne pas se contenter d’agiter cette menace pour négocier et de l’assumer sérieusement, en cherchant à mobiliser l’ensemble des salariés de la RATP autour de revendications qui donnent envie de se battre. La colère et la détermination sont là et les travailleurs de la RATP ont montré en 2019-2020 qu’ils étaient capables de tenir un mouvement dur.

Aujourd’hui encore, différents secteurs sont très déterminés, à l’image des grévistes de la maintenance des ateliers RATP MRF de Sucy-en-Brie, qui n’ont pas attendu le 10 novembre et sont en grève depuis le 18 octobre et ont exprimé clairement leur envie d’un combat « tous ensemble » ce jeudi. Or, lors de la mobilisation de l’hiver 2019-2020, c’est l’ensemble des secteurs de la RATP – métro, RER, bus et tramways – qui s’était battu ensemble. « Ce qui a été la force du mouvement pendant les retraites c’est justement qu’on est partis ensemble. Ce qui fera notre force c’est de partir de façon coordonnée » rappelle ainsi Yassine.

Alors que la question des transports publics fait régulièrement la une des médias récemment, il y a urgence à construire un plan de bataille d’ensemble qui permette de dépasser le cadre des journées isolées. Cela implique de porter un programme pour l’ensemble des salariés de la RATP et de se préparer en organisant partout des Assemblées générales pour échanger entre travailleurs, syndiqués et non syndiqués, sur la mobilisation. La démonstration de force de jeudi a montré la capacité de blocage des travailleurs de la RATP, il faut aller plus loin et dessiner un plan de bataille pour organiser la colère. Un tel mouvement permettrait par ailleurs d’ouvrir des brèches pour l’ensemble des travailleurs, en étendant le rapport de forces au-delà de la RATP. Autant d’éléments qui seront décisifs, comme l’a montré la grève des raffineurs en octobre.


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