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« Capitalisme vert »

Raffinerie de la Mède. Le projet de greenwashing de Total retoqué par le tribunal

Ce jeudi 1er avril, six associations écologistes dont Greenpeace et Les amis de la terre ont obtenu de la justice administrative que Total revoie son étude d’impact de l’utilisation de l’huile de palme importée d’Asie dans sa raffinerie de la Mède, près de Marseille, une autre raffinerie, qui, à l’image de Grandpuits, avait été transformée en 2019 en bioraffinerie d’une capacité de 500 000 tonnes annuelles de biodiesel. Le projet de Total pour la raffinerie de la Mède s'inscrit dans sa volonté de se repeindre en vert, mais constitue bien un désastre pour l'environnement.

Coline Isabel

2 avril 2021

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Crédits : AFP

Ce recours en justice n’est pas la seule action qu’avaient mis en place les ONG écologistes énoncées plus haut. La bataille que mènent ces ONG remontent à juillet 2018 lorsque celles-ci avaient déposé un recours contre l’arrêté préfectoral qui autorisait l’ouverture de la raffinerie. Mais cette demande de l’annulation totale de l’autorisation d’exploitation n’a été obtenue que partiellement, ce jeudi. L’étude d’impact remise en cause aujourd’hui par la justice l’était aussi à l’époque et avait servi d’outil de bataille pour les associations qui réclamait la fermeture du site. Mais malgré un léger retard, les moteurs de la raffinerie ont fini par tourner en juillet 2019.

Aujourd’hui, l’étude d’impact de l’utilisation de l’huile de palme importée d’Asie doit être complétée et il est donné neuf mois au préfet des Bouches-du-Rhône pour ce fait. Le tribunal a en effet jugé qu’il manquait au projet de la bioraffinerie une étude d’impact concernant “ses effets sur le climat, compte tenu de l’utilisation de quantités très substantielles d’huile de palme et de ses dérivés”. Concrètement, ses effets avaient déjà été évalués mais à une échelle locale et non pas mondiale, ce qui, en réalité, change bien des choses si l’on prend en compte que le recours à l’huile de palme est particulièrement nocif pour l’environnement, et ce bien plus que les énergies fossiles.

En effet, l’opinion publique le sait bien : l’exploitation des fruits de palmiers est la première responsable de la déforestation actuelle et est un réel danger pour la biodiversité environnante. En 2018, dans leur recours, les associations écologistes telles que Greenpeace dénonçaient l’utilisation par Total d’huile de palme importée de Malaisie et d’Indonésie. Ces deux pays étant responsables de la fourniture de 63 millions de tonnes d’huile de palme en 2019, soit 87% de la récolte mondiale. Selon Total, la multinationale se justifie en expliquant que les récoltes achetées “répondent aux critères de durabilité fixés par l’Union européenne”. C’est ici qu’intervient l’autorisation d’exploitation partielle car celle-ci impose une limite quant à la quantité d’huile de palme utilisable. Alors que Total s’était engagé à utiliser 300 000 tonnes d’huile par an, l’arrêté remis en cause permet l’utilisation de 450 000 tonnes. Outre le fait que l’utilisation d’huile de palme est un massacre en termes d’écologie, le principal problème qui pose problème aux associations qui ont saisi la justice est la provenance de cette huile de palme, qui n’est pas toujours durable. En Indonésie, des fruits de palmiers sont plantés illégalement dans le parc national de Tesso Nilo et sont transportés sur des motos et des camions dénués de plaques d’immatriculation jusqu’aux moulins, fournisseurs de Total. Ainsi les récoltes sont mélangées et les labels européens sont donnés sans vérifications préalables. Alors que ces cultures illégales permettent sûrement à des populations pauvres de survivre, Total profite de la situation financière de ces personnes pour ses propres intérêts et limiter ses dépenses. Tout comme le nouveau projet en date de Total en Ouganda, cette situation représente une énième illustration de l’impérialisme français dont la multinationale Total est la digne représentante.

Ce qui marque aussi c’est que l’utilisation de cette matière première, l’huile de palme, n’avait pas été incluse dans le projet de Total pour la raffinerie de Mède. La multinationale avait avancé que les volumes nécessaires à son fonctionnement seraient issus d’huiles végétales comme le colza ou le tournesol mais aussi de graisses animales, d’huiles de cuisson ou résidentielles, tout comme le projet de Total à la raffinerie de Grandpuits en Seine et Marne, ce qui laisse présager un avenir semblable pour celle-ci… De manière plus générale, comment une multinationale se présentant en tant qu’entreprise verte peut-elle encore espérer convaincre ses consommateurs qu’elle sera le vecteur phare de la transition écologique ? Et ce ne sont pas non plus les autres matières premières que compte utiliser Total qui régleront la question écologique. Les biocarburants ne sont pas non plus une solution, entraînant une production de CO2 plus accrue que celle des combustibles fossiles, particulièrement concernant le biodiesel utilisé à la raffinerie de Mède.

Face aux résultats qu’a donnés la justice administrative, Greenpeace se dit “plutôt satisfaite” et estime même qu’il s’agit d’une “petite révolution”, voyant en la justice une manière de lutter efficacement contre la crise écologique. Pourtant, l’urgence de la crise impose l’émergence d’une politique écologique révolutionnaire, qui pose centralement le renversement du capitalisme comme unique moyen de régler la question climatique et qui pose les ouvriers et les ouvrières comme seuls acteurs possibles de la transition écologique. D’un autre côté, personne n’est dupe, la stratégie “verte” de Total reste et restera une catastrophe aussi bien écologique que sociale.


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