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Métro, boulot, tombeau ! Rien à négocier avec le gouvernement !

Réforme des retraites. FO quitte la table, le Medef durcit le ton

Alors que les négociations pour les retraites, dont le projet de loi devrait être dévoilé en juin, entrent dans leur dernière ligne droite, le gouvernement maintient volontairement le flou. Le patronat en demande toujours plus tandis que le gouvernement marche sur des œufs, étant donné la haute inflammabilité du dossier et la proximité du test électoral que sont les européennes.

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Dernière ligne droite pour la préparation des attaques contre nos retraites

Depuis avril 2018 ont lieu des concertations entre les soi-disant partenaires sociaux (syndicats, patronat et le gouvernement) sur la future réforme des retraites. Menées sous la houlette de Jean-Paul Delevoye - vieux briscard de la droite traditionnelle, d’ailleurs retraité (de son ancienne profession qui a déjà consisté, en 2002, à démolir le système des retraites) qui a décroché les gants pour un nouveau round anti-social contre les acquis des travailleurs - ces négociations devaient se dérouler selon sa méthode, qui a toujours plu aux bureaucrates venus discuter avec lui. On sait les directions des centrales syndicales particulièrement attachées au dialogue, même avec un Macron qui a toujours conservé ces concertations uniquement pour la forme.

Pourtant, le mouvement des gilets jaunes a bousculé le Macron « bulldozer ». Le sentiment de danger qui a parcouru le gouvernement en décembre, l’a conduit à redorer le blason du dialogue social, pour assurer les appuis que sont pour lui les directions des organisations qui commençaient à bouder de ne pas pouvoir prendre une part plus active à la négociation des réformes anti-sociales. Aujourd’hui et sur un dossier aussi sensible que celui des retraites, et Macron le sait, l’appui des directions syndicales est crucial.

Pourtant, alors que les négociations touchent à leur fin (le projet de loi devrait être présenté après les européennes), le dialogue s’effrite. Force Ouvrière (FO), par l’intermédiaire de son secrétaire général Yves Veyrier quitte la table des négociations. La réforme des retraites, telle qu’annoncée par Macron candidat, concerne le système des calculs, par point, des retraites (ce qui pourrait d’ores et déjà constituer un motif de refus de discuter quoique ce soit de cette attaque) et non l’âge légal de départ à la retraite, que le syndicat avait posé comme une ligne rouge. Le recul de cet âge (aujourd’hui de 62 ans, mais de 67 ans si l’on veut obtenir un taux plein en étant né après 1973) a commencé à être abordé par plusieurs membres du gouvernement (Buzyn, Darmanin) divisant la majorité sur ce sujet, le discours gouvernemental allant de démentis en démentis.. Quelques jours après FO, c’est au tour du Medef de durcir le ton en demandant que soit posé clairement sur la table le recul de l’âge de la retraite. Geoffroy Roux de Bézieux, président de l’organisation patronale, a adopté un ton alarmiste, s’inquiétant même que les pensions puissent être versées si le système n’est pas réformé. La vieille rhétorique du « ça ou rien » en définitive !

Car pour l’instant, le gouvernement ne veut pas annoncer clairement qu’il touchera à l’âge de la retraite. Dans les faits c’est déjà le cas. Tout d’abord, du fait de la fusion des quarante-deux « régimes spéciaux » qui sont en fait des conventions collectives, qui ont été arrachées au patronat par la lutte, et qui reconnaissent la diversité des métiers et de l’usure par le travail. Avec un régime universel, tout le monde est dans le même bateau et il est certain que ce régime ne s’établira pas sur le modèle des régimes les plus protecteurs (il suffit de voir l’exemple des travailleurs de la restauration des trains pour s’en rendre compte) mais sera au contraire le prétexte pour aligner tous les travailleurs sur le modèle le plus bas. Une perspective qui pose dés lors la question de la gouvernance de ces retraites. Alors que les organismes de gestion des caisses de retraite devraient être administrées par ceux qui les remplissent en produisant de la richesse, à savoir les salariés, et non cogérés avec la patronat, le rôle de ce dernier risque d’être accru. Une question encore où le gouvernement reste flou.

Ensuite, même si Macron affirme que les Français partent à la retraite au même âge qu’il y a 40 ans, l’âge moyen de départ à la retraite est en hausse. Il atteint aujourd’hui 62 ans et 8 mois. Si l’on omet les retraites les plus prématurées dues aux carrières longues, on pourrait ajouter au moins deux ans à ce chiffre.

Avec le système par point (tant d’euros cotisés offrent tant de points ensuite multipliés par l’indice de ce point pour calculer la pension), disparaît le seuil d’annuités de cotisations pour un taux plein. Alors que cela fait courir le risque de retraites précaires et de pensions en baisse, De Bézieux s’inquiète que les travailleurs risquent de partir trop tôt à la retraite, avant d’avoir usé leurs forces jusqu’au bout pour leurs patrons ! Il propose donc une décote bien visible avant 63,5 ou 64 ans pour inciter à partir le plus tard possible.
Avec le système par point (tant d’euros cotisés offrent tant de points ensuite multipliés par l’indice de ce point pour calculer la pension), disparaît le seuil d’annuités de cotisations pour un taux plein. Alors que cela fait courir le risque de retraites précaires et de pensions en baisse, De Bézieux s’inquiète que les travailleurs risquent de partir trop tôt à la retraite, avant d’avoir usé leurs forces jusqu’au bout pour leurs patrons ! Il propose donc une décote bien visible avant 63,5 ou 64 ans pour inciter à partir le plus tard possible. Or, Jean-Paul Delevoye a lui-même mis en jeu sa propre démission si l’on venait à toucher à l’âge de la retraite, par peur d’effaroucher les directions syndicales.

Cette apparente prise de position courageuse est d’autant plus hypocrite que l’organisme de retraite complémentaire des salariés du privé (Agirc-Arrco) pratique ce genre de méthodes depuis le 1er janvier 2019. Un salarié né en 1957, qui aurait donc 62 ans cette année, et qui aurait travaillé les 166 trimestres requis (41 ans et 6 mois) verrait sa retraite complémentaire minorée de 10 % pendant 3 ans ! En revanche, si ce salarié part un an plus tard à la retraite, ce malus disparaît et peut se transformer en majoration de 10 % si le salarié part deux ans plus tard, 20 % trois ans plus tard, 30 % quatre ans plus tard. Une forte incitation à travailler le plus longtemps possible qui est une absurdité alors que six millions de personnes, et particulièrement les jeunes, sont contraintes au chômage.

Les conséquences de la retraite par point, c’est encore Fillon qui en parlait le mieux :

Quand les capitalistes jouent aux apprentis sorciers

La différence c’est que le Medef n’est pas candidat aux élections

Geoffroy Roux de Bézieux accentue la pression pour rendre plus offensif encore ce projet de loi contre les travailleurs. Tenant d’une ligne dure, il met aujourd’hui le gouvernement, d’un côté, dans une position délicate en appuyant sur les aspects les plus impopulaires de la réforme et en décrivant ces concertations comme « un mensonge éhonté » mais, d’un autre côté, il permet aussi au gouvernement d’apparaître sous un jour responsable et de se poser en arbitre juste entre un patronat débridé et des bureaucraties syndicales qui espèrent obtenir le plus de miettes possible pour que l’ensemble ait un minimum l’air d’une victoire qui se passerait de la rue.

Chez LREM, on cherche donc des solutions magiques pour attaquer les retraites sans que cela soit trop voyant, en prévision des européennes : augmentation des cotisations salariales, baisse des pensions (en partie déjà réalisée par la hausse de l’inflation), augmentation du nombre d’annuités malgré un système par point ?... Pourtant, entre le gouvernement et le patronat, l’argumentation est la même. Derrière des larmoiements sur la « solidarité intergénérationnelle » (qui justifie aussi, entre autres, un jour de travail gratuit le lundi de la Pentecôte), sur la protection des femmes (dixit Macron) qui bénéficient en effet d’une retraite à taux plein plus tard que les hommes effectuant des carrières plus précaires et morcelées, que les dernières réformes du Code du Travail (dont la loi Macron de 2015 et les ordonnances) n’ont fait qu’aggraver, se cache la volonté d’exploiter toujours plus les travailleurs et de soigner les marges du patronat. Les attaques contre la retraite sont en réalité justifiées par le financement de la dépendance des personnes pagées... Un comble alors que la moyenne d’âge en bonne santé en France s’élève à 64 ans pour les hommes et à peine 63 ans pour les femmes et que les EHPAD et les services de santé se plaignent du sous-investissement chronique qui les empêche de s’occuper convenablement de nos seniors.

Le Medef espère, selon ses plans, économiser 17 milliards d’euros (le CICE représente 40 milliards de cadeaux au patron, l’évasion fiscale est chiffrée à environ 80, l’armée quasiment 300 sur cinq ans, la fortune des cinq premiers milliardaires français représentent plus de 150 milliards...) en augmentant l’âge de départ à la retraite à 64 ans d’ici 2028 (à raison d’un trimestre par an à partir de 2020), tout en encourageant au maximum le cumul emploi-retraite. Et, clou du spectacle, alors que la bourgeoisie refuse d’indexer les salaires et les pensions sur l’inflation, l’âge de départ à la retraite serait alors fixé sur celui de l’espérance de vie (actuellement d’environ 82 ans). Pourtant, on ne vit pas de la même façon en France que l’on soit, chômeur, ouvrier, cadre ou président du Medef ! Selon des données de l’INSEE, un cadre de 35 peut espérer vivre encore 46 ans, là il n’en reste que 38,8 à un ouvrier et 28,4 à un « inactif non-retraité », c’est-à-dire un chômeur. La question de la dépendance risque d’être vite réglée par le patronat, on mourra au travail avant d’être grabataire !

Face à un gouvernement ultra-répressif et qui veut exploiter toujours plus les travailleurs, aucune négociation n’est possible

Si FO quitte enfin la table des négociations aujourd’hui, on peut se demander ce qui l’y a retenu aussi longtemps ! Pour Veyrier, « il ne s’agit pas d’une négociation entre interlocuteurs à égalité qui peut déboucher sur un compromis ». Mais de quel compromis parle-t-on quand il s’agit d’une attaque aussi grave contre nos droits ? Combien de temps encore les bureaucrates à la tête des organisations syndicales vont-ils continuer à trahir leur base et l’ensemble des travailleurs en s’asseyant à la table des négociations ? Il semblerait que le départ de FO soit dû à une poussée de la base comme l’a confié Veyrier. Du côté de la CGT, on continue à s’asseoir à la table, sans en attendre quoi que ce soit... mais pour « porter la contradiction ». Preuve de restes d’illusions mal dégrossies si ce n’est du refus de s’affronter réellement et de toute ses forces à un État qui ne fait qu’humilier et soumettre les directions syndicales avec leur consentement. Comme si le gouvernement pouvait être embarrassé qu’on lui porte la contradiction ! Rappelons le sort des cheminots qui ont été menés à la défaite malgré la combativité exceptionnelle de la base des travailleurs syndiqués (et peu importe l’étiquette) ou non par un Laurent Brun, satisfait de « poser des questions » à la direction de la SNCF...

La vraie contradiction que comprend ce gouvernement et le patronat, c’est celui du rapport de force dans la rue et dans les entreprises. La vraie contradiction c’est celle qu’opposent les gilets jaunes depuis cinq mois. Alors que le patronat et son gouvernement se préparent à une bataille qui sera rude, il est du devoir des centrales syndicales de rompre les concertations et de préparer dès maintenant un plan de bataille qui permette la victoire et pas des journées de mobilisation sans lendemain espacées d’un mois et demi. C’est avec la pression de la base de tous les salariés que ce plan de bataille pourra se mettre en place, car, après tout, si nos vies valent plus que leurs profits, nos retraites valent bien une grève générale !


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